Les confidences de Nurio: "J’ai revu mon papa après 18 ans de séparation"
Les deux premières sélections de Nurio avec l’Angola ont permis au Zèbre de vivre une extraordinaire expérience humaine…
- Publié le 21-09-2019 à 07h00
- Mis à jour le 21-09-2019 à 08h20
Les deux premières sélections de Nurio avec l’Angola ont permis au Zèbre de vivre une extraordinaire expérience humaine… Un uppercut d’émotions, une expérience humaine extraordinaire. Avec au final une immense joie, un bonheur indescriptible. Voilà en quelques mots comment on peut définir ce qu’a vécu l’arrière gauche du Sporting, Nurio, quand il a rejoint, pour la première fois de sa carrière, l’équipe nationale de l’Angola lors de la dernière trêve internationale. Né en Angola, mais élevé au Portugal, le Zèbre espérait encore, il y a quelques années, défendre les couleurs de la Seleção mais a finalement choisi, à 24 ans, de rejoindre les Antilopes noires.
"Il y a eu deux axes dans ma réflexion, expliquait Nurio. Le premier est sportif. Je trouve que tout va bien pour moi à Charleroi mais il m’est difficile de revendiquer une place en équipe nationale du Portugal. Donc il aurait été dommage de repousser continuellement la possibilité de représenter le pays où je suis né. Cela faisait déjà pas mal de temps que je réfléchissais à cette opportunité. Mais dans un coin de ma tête, j’espérais toujours avoir une chance avec le Portugal. Le deuxième axe est affectif. J’ai parlé à ma maman, à ma famille de la possibilité de porter le maillot de l’Angola et ils m’ont poussé dans ce sens. C’est une fierté pour eux. Car même si je n’ai que 24 ans, le temps passe et il était temps de me positionner."
Sportivement, le Carolo n’a pas été déçu par ce qu’il a découvert lors de la double confrontation face à la Gambie (victoires 0-1 et 2-1) dans le cadre des qualifications pour la Coupe du monde : "Mon intégration dans le groupe a été facile. J’ai vite compris ce qu’on attendait de moi sur le terrain. L’accueil a été très bon au sein de l’équipe. Il faut dire que je connaissais plusieurs joueurs qui ont évolué avec moi au Portugal. Et le sélectionneur, Pedro Gonçalves, a poussé pour que je vienne jouer avec l’Angola. Il entraînait les jeunes au Sporting Portugal quand j’étais là-bas. Il se souvenait de moi. Lors des deux matchs disputés face à la Gambie, le niveau de jeu était intéressant. Dans l’équipe gambienne, il y avait, par exemple, Omar Colley, qui a évolué à Genk et qui porte maintenant le maillot de la Sampdoria. On sait que ce ne sera pas facile mais l’objectif à moyen terme du pays est de participer à la Coupe du monde et à la Coupe d’Afrique des nations."
Voilà pour le volet sportif, certes intéressant, mais bien moins passionnant que ce qu’a vécu humainement Nurio.
"Il faut savoir que je suis né à Luanda en Angola et que j’ai vécu au pays jusqu’à mes six ans", ajoutait tout sourire le joueur du Sporting. "Je n’ai quasiment plus aucun souvenir de mon enfance en Afrique. Mes parents se sont séparés et ma maman a rejoint le Portugal avec ma sœur et moi pour commencer une nouvelle vie. Et mon papa est resté en Angola. En retournant ici au pays, j’ai eu l’occasion de le revoir après 18 ans d’absence, de séparation. Il a su que je revenais car sa maman, qui est aussi venue au Portugal, est toujours en contact avec la mienne. Et puis les médias angolais parlent de la sélection donc il savait que j’étais repris. Un jour, lors d’un entraînement, toute ma famille est arrivée. Il y avait mon papa, qui a des problèmes de vue, et on a fait connaissance. J’étais surpris et heureux. Il y avait un mélange de sensations. C’était bien. On a tourné la page pour oublier tout ce qui s’est passé avant. Maintenant, on va rester en contact ; on doit reconstruire une relation. C’était la première fois que je retournais en Angola. J’ai vécu de superbes choses entre ma première sélection et les retrouvailles familiales. J’ai vu toute ma famille; c’était chouette."
Une famille qui s’est déplacée en masse le mardi 10 septembre au stade du 11 novembre pour assister à la première, à la maison, de Nurio lors de l’affrontement entre l’Angola et la Gambie.
"C’était impressionnant. Toute ma famille angolaise était présente au stade avec des pancartes pour me soutenir. Il devait y avoir 30 ou 40 personnes. Ce sont des gens que je vois rarement ou des personnes dont je ne me souvenais plus car j’ai quitté le pays quand j’avais six ans. C’était vraiment chouette. J’étais content de voir ou revoir toutes ces personnes. Elles étaient fières que quelqu’un de leur famille joue en équipe nationale."
Une expérience qui a donné des idées au Zèbre pour l’avenir.
"Maintenant, j’ai envie de retourner en Angola, même quand je ne joue pas avec l’équipe nationale. Pour avoir plus de temps pour profiter de ma famille et faire mieux connaissance avec elle. Ce serait aussi une belle opportunité pour mes enfants de voir d’où vient leur famille."
Toute cette énergie positive a permis à Nurio de livrer une excellente prestation contre Genk, quelques heures à peine après son retour en Belgique : "C’est vrai ; je suis parvenu à bien digérer les déplacements, les voyages et les émotions. Je suis rentré en Belgique le mercredi soir un peu avant minuit. J’ai dormi le jeudi matin, j’ai suivi un entraînement le jeudi après-midi et le vendredi on jouait contre Genk."
"Changer de coach, ce n’est pas mauvais…"
Après avoir bien progressé avec Felice Mazzù, Nurio veut poursuivre son évolution avec Karim Belhocine…
"Cela a été un choc pour moi quand j’ai appris son départ. Je ne savais rien du tout. Puis, un jour, mes équipiers m’ont dit que Felice partait à Genk. Cela s’est passé vite."
Arrivé en juillet 2017 à Charleroi, Nurio ne s’en cache pas : il a apprécié le travail réalisé avec l’ancien coach des Zèbres. Pourtant, Felice Mazzù, qui apprécie que son bloc défensif soit bien en place avant de penser aux reconversions offensives, a dû attraper quelques cheveux blancs en voyant le tempérament très offensif de son arrière gauche.
"Je le répète : Felice est un très bon entraîneur. Il m’a appris des choses pour que mon football soit plus complet. Car au niveau de ma formation, l’aspect offensif était plus important que le défensif. On a beaucoup travaillé ma manière de défendre. Un domaine qui lui tenait à cœur. Felice Mazzù insistait énormément sur le bloc défensif pour ensuite sortir sur une contre-attaque. On a travaillé mon positionnement et les mouvements défensifs. Cela m’a fait progresser. Je dois lui dire merci par rapport à ce qu’il m’a appris."
La transition entre Felice Mazzù et Karim Belhocine s’est déroulée le plus naturellement du monde pour Nurio.
"Karim, je ne le connaissais pas du tout avant qu’il arrive à Charleroi. Lors des premières séances, j’ai directement eu un bon feeling. Changer d’entraîneur, ce n’est pas une mauvaise chose. Cela permet aux joueurs de rencontrer une autre manière de travailler. Karim aime beaucoup le ballon et il nous propose de nombreux exercices avec celui-ci. C’est super car les joueurs aiment cela. Au niveau de sa philosophie de jeu, il apprécie le pressing haut avec cette envie de récupérer rapidement le ballon pour ensuite construire des actions intéressantes. Je pense que le groupe a assimilé assez facilement sa manière de travailler et ce qu’il veut mettre en place. Dans sa vision du football, il demande aussi un engagement énorme. En ce qui me concerne, j’ai évolué avec le coach Mazzù et je continue cette évolution avec le coach Belhocine."
Ce qui lui permet peut-être aussi de réaliser un bon début de saison, c’est sa bonne entente avec Massimo Bruno sur le flanc gauche du Sporting.
"Comme on a eu la chance de jouer pas mal de rencontres ensemble depuis le début de la saison, on possède de bons automatismes. Ce qui est très positif lors des matchs. On se trouve plus facilement. Massimo aime bien se faufiler dans les intervalles pour recevoir le ballon dans les pieds. Et moi, j’apprécie quand il rentre un peu dans le jeu et me laisse le couloir gauche pour apporter le danger."
l’absence d’un véritable concurrent pour son poste dans le noyau, Steeven Willems n’ayant pas du tout le même profil, ne change en rien pour le numéro 25 des Zèbres sa manière d’aborder le métier.
"Je pense que je montre à chaque entraînement et chaque match que mon implication est totale. Dans ma tête, je ne me dis pas que ma place est assurée. Je me donne toujours sans compter. Je veux progresser chaque jour pour aider l’équipe mais aussi pour moi."
Ma bonne humeur vient de ma maman”
Si vous demandez une caractéristique particulière de Nurio à ses équipiers ou à ceux qui le croisent régulièrement au stade ou dans la vie de tous les jours, les réponses qui sortiront le plus, c’est la bonne humeur, la joie de vivre. Il est vrai que le défenseur du Sporting quitte rarement le grand sourire qui illumine son visage. “Je suis comme cela depuis que je suis tout petit. C’est une caractéristique reçue de ma maman. Elle a transmis à ses enfants la volonté de voir le côté positif des choses, de la vie. Même quand je vis des événements plus compliqués, j’essaie de garder le sourire.”
Et si sa sélection avec l’Angola lui a permis de retrouver une partie de sa famille, Nurio n’oublie pas tous les sacrifices faits par Lina, sa maman.
“Elle a beaucoup travaillé pour que moi et ma sœur on ne manque de rien. Au début de notre parcours au Portugal, ce n’était pas facile. On habitait dans une maison avec sept ou huit autres personnes.”
Le côté jovial et un peu foufou de Nurio, on le retrouve aussi dans son football, qui est très généreux et spectaculaire.
“Je sais que ma première mission est de défendre. Mais quand je réalise, comme contre Genk, un coup du sombrero avant de donner un assist, je prends mon pied.”