Comment sortir le Tour de France de l’ennui?
La 103e édition de la Grande Boucle a été cadenassée par l’équipe Sky. Voici quelques pistes pour rendre le Tour plus dynamique…
- Publié le 26-07-2016 à 15h21
- Mis à jour le 26-07-2016 à 15h25
La 103e édition de la Grande Boucle a été cadenassée par l’équipe Sky. Plus encore que lors de ses deux premières victoires au Tour de France, le succès acquis cette année par Christopher Froome a semblé dépendre en bonne partie de l’énorme travail de son équipe.
Dave Brailsford, le manager de la Sky, affirmait dimanche soir que l’on ne peut plus désormais remporter le maillot jaune sans faire partie d’une formation du plus haut niveau. Quelle que soit la valeur individuelle du leader, il lui faut être entouré par des lieutenants de toute première valeur.
"C’était de loin la plus forte équipe Sky alignée ces dernières années sur le Tour", assurait, pour sa part, le triple vainqueur de la Grande Boucle qui a disputé dans ce groupe les cinq dernières éditions. "C’est dû à plusieurs raisons, notamment la chute du Giro, qui nous a permis de récupérer Landa. Henao aussi a pu courir (NdlR : le Colombien avait été mis à l’arrêt en raison d’interrogations sur son profil biologique qui ont été levées depuis). Avoir les meilleurs grimpeurs sur ce Tour, c’était impératif, surtout avec ce profil.. par le passé, nous avions eu des équipes très compétitives, mais celle-ci était très forte. On n’a pas gagné le classement par équipes (les Britanniques finissent deuxièmes), mais alors que tout le monde a tout donné pour une seule cause, favoriser ma victoire, on a quatre coureurs dans le Top 20 final."
Outre Chris Froome lui-même, la Sky classe en effet Sergio Henao (12e), Geraint Thomas (15e) et Mikel Niève (17e) parmi les vingt premiers. Quant à Wout Poels, dont on a vu qu’il était au moins l’égal du maillot jaune en montagne, il n’est que 28e, tandis que Mikel Landa pointe au 35e rang…
La domination collective de l’équipe britannique, qui a souvent muselé toute opposition en étouffant les velléités offensives des rivaux de Froome dans l’œuf, est avancée comme une des raisons principales du peu d’intérêt qu’a provoqué la course ces trois dernières semaines. Depuis plusieurs jours, a fleuri un peu partout l’idée que ce Tour de France 2016 fut ennuyant.
Du suspense, du panache, du rebondissement ou des face-à-face entre prétendants, il n’y en eut finalement guère, les seuls temps forts de la course relevant de l’impondérable (l’accident du Ventoux, la chute dans les Alpes…) ou de la météo, mais rarement de l’affrontement sportif.
Comment empêcher le Tour de sombrer dans l’ennui et la routine dans les années à venir ? Telle est la question à laquelle vont devoir s’atteler les responsables d’ASO et les autorités du cyclisme, sous peine de voir à moyen terme le public tourner le dos à une Grande Boucle de plus en plus formatée et stéréotypée. Malgré des tracés et des parcours où ils innovent en cherchant sans cesse à sortir des sentiers battus, les organisateurs voient rarement exaucés leurs souhaits d’une course de mouvements débridée. On ne pourra pas chaque année passer par les digues de Zélande lorsque souffle le vent ou sur les pavés du Nord détrempés…
Voici quelques pistes…
Diminuer coureurs et étapes, interdire capteurs de puissance et oreillettes, alléger le parcours: tout cela rendrait sans doute le Tour plus dynamique.
On ne pourra pas toujours compter sur des chutes, des accidents ou un événement extérieur à la course pour la rendre palpitante d’autant que des étapes ennuyeuses où le peloton se traîne sans qu’il ne se passe grand-chose, cela a toujours existé depuis 1903.
Au fil des ans, le niveau athlétique, tactique, collectif, technologique des coureurs du Tour s’est amélioré. Les intérêts en jeu rendent les coups de panache aussi dangereux que rares. Quelles pourraient être les mesures mises en œuvre dans le futur pour essayer de remédier à la situation ? Voici quelques propositions qui pourraient rendre le Tour plus attractif et, d’ailleurs, la plupart des autres courses.
Réduire le nombre de coureurs par équipe
C’est une mesure que Christian Prudhomme défend bec et ongle mais que combattent les équipes. Le patron du Tour aimerait descendre à huit coureurs pour chaque formation. "Je rêve même de sept coureurs", disait-il ce week-end. Outre le bénéfice pour la sécurité, forcément, un coureur en moins, c’est 11 % du collectif qui disparaît. Sur une épreuve de trois semaines, la différence finira par se faire sentir.
Interdire les capteurs de puissance
Depuis des années, les coureurs courent avec un œil vissé sur l’ordinateur de bord de leur vélo qui leur donne en permanence la puissance développée dans l’effort. Les Sky ont pris l’habitude de contrôler la course comme cela, en montant les cols à 90-95 % de la puissance moyenne admise pour grimper. S’il présente d’indéniables avantages lors de l’entraînement du coureur, le capteur de puissance a tendance à formater la course. Il permet au coureur de mieux gérer ses efforts lors des attaques, des échappées ou des chronos. Plus personne ne se met dans le rouge, les coups de barre sont devenus l’exception. "J’espère que ce ne sera pas interdit", dit Froome."Cela fait partie de mon entraînement, de ma façon de courir. Je ne m’en sers pas vraiment en course, mais cela me permet de réagir s’il y a des attaques."
Et les oreillettes
La gestion par les oreillettes de tous les événements par les directeurs sportifs a tendance à anesthésier la course. À tous moments, les coureurs se réfèrent à leur hiérarchie pour savoir ce qu’ils doivent ou peuvent faire. L’attaque de Romain Bardet dans la descente vers le Bettex lui avait été franchement déconseillée par la voiture AG2R. L’Auvergnat a désobéi à ses directeurs sportifs grâce à des oreillettes… défectueuses. À quoi tient parfois une deuxième place dans le Tour ?
Diminuer le nombre d’étapes
Et si le Tour n’avait que 16-18 étapes au lieu de 21 ? Ce serait une révolution. La proposition risque de devenir la norme pour le Giro et la Vuelta un jour. ASO, on l’imagine se battra bec et ongle pour conserver son format actuel, mais forcément avec trois, quatre, cinq étapes de moins au programme, les coureurs pourront se donner totalement dans l’effort et ne pas courir à l’économie.
Alléger et diversifier les parcours
Le tracé du Tour 2016 avait été manifestement corsé et sans doute trop dans sa finale. Pendant quinze jours, les favoris ont couru avec le frein à main au prétexte que les derniers jours seraient terribles. Ils sont arrivés dans les Alpes évidemment fatigués, tous heureux de s’accrocher à leur place d’honneur respective. Il ne faut pas nécessairement additionner quatre cols de haute montagne pour vivre une course endiablée. On rêve d’un Tour qui serait disputé sur des terrains vallonnés mais pas nécessairement montagneux.