”Fake news”, “honteuse”, “populiste” : plusieurs eurodéputés exaspérés par la communication “caricaturale” d’Ecolo
Après chaque vote important au Parlement européen, les Verts distribuent les bons et les mauvais points, en réduisant des débats parlementaires très complexes à une opposition sans nuances entre deux camps, se désolent notamment Benoît Lutgen (Les Engagés), Olivier Chastel (MR) et Frédérique Ries (MR).
- Publié le 25-04-2024 à 06h45
- Mis à jour le 26-04-2024 à 16h28
”Pas d’argent pour votre pension, pour votre santé, pour la planète ? Vous pouvez les remercier”, pouvait-on lire mardi sur un visuel d’Ecolo pointant du doigt plusieurs députés européens belges et partagé, entre autres, par la coprésidente d'Ecolo Bruxelles, Marie Lecocq.
Ce message se base sur les votes portant sur les nouvelles règles budgétaires européennes au Parlement européen pour affirmer qu’une poignée d’eurodéputés souhaiteraient le retour de l’austérité en Europe. Un raccourci que les personnes visées par le visuel n’ont pas du tout apprécié.
”C’est une fake news de plus”, se désespère Benoît Lutgen (Les Engagés/PPE), pointé dans le panneau. “Ils font croire qu’on a voté sur la valorisation des pensions ou sur le financement des soins de santé, mais ce n’est pas le cas. Et au mensonge, les Ecolo ajoutent la duplicité car, au niveau fédéral, ils ne se sont pas levés pour dire qu’il ne fallait pas approuver ces règles.”
Pour qu’un texte européen soit adopté, il doit être validé par le Parlement européen, mais également par le Conseil de l’Union européenne. Dans ce Conseil des ministres de l’UE, la Belgique ne peut aller porter sa voix que s’il y a consensus au sein de son gouvernement. Puisqu’un accord a déjà été porté au nom de la Vivaldi dans cette instance par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V), cela signifie qu'une position sur l’orthodoxie budgétaire européenne a déjà été validée par le vice-Premier Georges Gilikinet, et donc par Ecolo. La position de la Belgique est l'abstention.
Une dette à 35 milliards
Sur le fond, plusieurs députés s’accordent à dire que la Belgique devait voter pour ces nouvelles règles au risque de s’exposer à des sanctions financières encore plus lourdes venant de la Commission européenne. Dans les sept prochaines années, la Belgique devra économiser 5 milliards d’euros par an. Le débat porte sur la méthode pour trouver ces sommes, soit en coupant dans des dépenses – et c’est souvent le social et la transition écologique qui passent en premier – soit en augmentant les recettes à coups de nouvelles taxes (sur les riches ?). Ce qui est certain, c’est que des choix politiques doivent encore être faits.
”Dire que notre vote équivaut à couper l’argent pour la planète est un raccourci honteux”, s’indigne Olivier Chastel, chef de délégation (MR/Renew Europe). “Les Verts peuvent ne pas être d’accord avec cette nouvelle mouture du pacte de stabilité, mais s’il n’avait pas été adopté, la conséquence aurait été le retour de l’ancien pacte qui est bien plus rigide. Sur la forme, il faut préciser qu’ils sont coutumiers du fait. Tout au long de cette législature, nous avons été très surpris de leurs attaques à la fois ad hominem et, surtout, transformant la réalité avec des titres tapageurs. Nous ne serions pas étonnés de voir pareilles méthodes venant de partis populistes.”
Cette méthode consiste à lister ceux qui ont voté pour ou contre un texte européen complexe pour ensuite désigner ces parlementaires comme responsables des conséquences que les Verts présagent de se réaliser. Elle a été utilisée pour le vote sur la nouvelle PAC, pour la loi sur la restauration de la nature, lors des discussions sur le Green Deal ou lors des débats sur la taxonomie dans laquelle le nucléaire était intégré comme une énergie verte.
”Cette pratique du name and shame (tableau, picto) est très courante chez les Verts, une manie presque. À ce point qu’il leur arrive aussi de se tromper, et comme récemment de m’attribuer une de leurs vilains drapeaux rouges sur un vote… où je n’étais pas présente”, se souvient Frédérique Ries (MR/Renew Europe). “Quand je l’ai signifié vertement, sans jeu de mots, à Philippe Lamberts [coprésident des Verts/ALE, NdlR], il s’est à peine excusé.”
Méthode d’extrême gauche
Ce mode opératoire n’exaspère pas que des représentants des partis de droite/centre droite, mais également des figures de la gauche. Mardi, Philippe Lamberts a accusé “les sociaux-démocrates, conservateurs et libéraux” d’avoir choisi “le retour à l’austérité”. Or, les socialistes belges et français avaient voté contre le texte. “C’est triste de voir Philippe Lamberts s’abaisser au niveau de LFI et du PTB”, a réagi dans un tweet François Perl (PS), conseiller stratégique chez Solidaris.
Le visuel pointant les mauvais élèves affichait en grand Marc Tarabella. Seulement, il appert que le bourgmestre d’Anthisnes avait corrigé son vote par après. Le député n’étant plus au PS mais encore membre des sociaux-démocrates (S&D), il s’était trompé de liste. Cette correction n’a toutefois pas été reprise par les Verts.
”C’est vraiment dommage de réduire le débat politique européen à des oui et des non, à une opposition entre des bons et des méchants”, regrette Bernard Hayette, secrétaire politique de la délégation PS au Parlement. “Avec 27 nations autour de la table, il est évident que tout le monde n’est pas d’accord. Cela suppose des discussions autour des textes et de trouver des compromis. Philippe Lamberts connaît bien ces dossiers. Il est vraiment dommage d’utiliser ce type de communication. Nous avons tout intérêt à être pédagogiques et éviter cette approche caricaturale.”