Jean-Louis Caverenne, l'ostéo emblématique du tennis belge: "Goffin a beaucoup d'humour, Van Herck est un mélange d’Anthuenis et de Waseige"
Ostéo de l’équipe pendant un quart de siècle, Jean-Louis Caverenne évoque les coulisses du winning team.
- Publié le 22-11-2017 à 08h35
- Mis à jour le 22-11-2017 à 08h36
Ostéo de l’équipe pendant un quart de siècle, Jean-Louis Caverenne évoque les coulisses du winning team. Durant plus de 25 ans, il a accompagné l’équipe belge de Coupe Davis dans tous ses matchs et tous ses déplacements. C’est dire si Jean-Louis Cavarenne, ostéopathe emblématique du tennis national, ramasse les souvenirs à la pelle dans son jardin secret. "J’ai été intégré dans le staff en 1989 lors d’un match face à la Turquie. Et j’ai pris ma retraite après la finale de 2015 face à la Grande-Bretagne…"
Passionné, généreux, toujours à l’écoute, ce Liégeois de 72 ans est intarissable lorsqu’on lui parle de sa chère Coupe Davis. "J’ai passé durant 26 ans des moments merveilleux tant sur le plan sportif que sur le plan humain…"
Certes, il admet avoir vécu quelques moments de tensions. "Je me souviens d’un conflit entre les joueurs et le capitaine Eduardo Masso. J’ai également en tête un différend entre la Fédération et Xavier Malisse. Et un petit souci avec Niels Desein en Australie. Mais, dans l’ensemble, l’ambiance a toujours été très bonne dans le groupe. Il n’y a jamais eu de rivalités, d’animosité ou de querelles communautaires. Ni même de jalousie, surtout lorsque Filip Dewulf a obtenu que les primes soient partagées entre tous les joueurs sans distinction de classement ou de statut…"
La dernière génération est à ce titre exemplaire. "Le team actuel forme une véritable famille. Le staff et les joueurs ne font qu’un. Il n’y a pas le moindre clan. À chaque match, tout le monde est content de se revoir. Les joueurs, les coachs, le staff médical, le cordeur. L’ambiance est toujours détendue, comme entre amis…"
Une grande partie du mérite en revient au capitaine Johan Van Herck. "C’est le véritable chef d’orchestre du groupe. Il fait attention à tous les détails. Mais, en même temps, il est très proche des joueurs. Il les défend toujours et il a leur confiance. Pour faire une comparaison avec le football, je dirais que c’est un mélange d’Aimé Anthuenis et de Robert Waseige."
Dans les coulisses de l’équipe, le star system n’existe pas. "Les joueurs sont d’une rare humilité. Ce sont de gars vraiment bien, respectueux, à l’écoute. Ils ne se permettent aucun caprice. Bien sûr, ils sont très professionnels. Mais tout se passe toujours dans la bonne humeur et la complicité. À mon avis, c’est d’ailleurs ce team spirit si particulier qui explique une grande partie des exploits de ces dernières années…"
Jean-Louis Caverenne ne tarit pas d’éloges sur David Goffin. "C’est un garçon calme, équilibré, qui relativise toujours. D’apparence, il est assez discret et timide. Mais, croyez-moi, il a une vraie personnalité. Il sait parfaitement ce qu’il veut et où il va. Il est sérieux dans sa préparation, travailleur, intelligent, toujours concentré sur ce qu’il fait. Mais, parallèlement, c’est aussi un garçon qui aime rire. Il possède un humour décalé, un peu british …"
De la même façon, il a également suivi, de près, toute la carrière de Steve Darcis. "Je n’ai qu’un adjectif pour le qualifier : généreux. En fait, il est sur le court comme dans la vie. C’est un garçon très attachant à tous les égards. Et lorsqu’il défend les couleurs de l’équipe de Coupe Davis, il se transcende littéralement. J’ai l’impression que le fait de représenter la Belgique lui donne des ailes. Il devient un vrai gladiateur des courts et donne tout ce qu’il a. Jusqu’au dernier souffle. Il est sensible, fonctionne beaucoup à l’émotion et au défi. C’est le joueur de Coupe Davis par excellence. Et un gars vraiment bien…"
Jean-Louis Caverenne ne sera pas sur le court, derrière les joueurs, pour la finale de Lille. Mais il sera, bien sûr, aux premières loges, dans les tribunes. Comme premier supporter.
"Ami et proche des joueurs"
En coulisses, il avait une réelle influence à l’heure des grandes décisions
En 2000, pour le match face à l’Italie à Mestre, près de Venise, la tension est palpable dans les rangs belges. Xavier Malisse a décliné sa sélection en dernière minute. "Le capitaine Gabriel Gonzalez m’a demandé d’essayer de convaincre Tom Van Houdt, que je connaissais très bien, de rejoindre l’équipe. Il a accepté et a même gagné le point du double avec Christophe Rochus. À l’arrivée, on a remporté la victoire 1-4 !"
Très proche des joueurs, Jean-Louis Caverenne pouvait avoir une réelle influence auprès de certains. "En 1996, Filip Dewulf traversait une mauvaise passe et n’avait pas envie de jouer en Roumanie. J’ai insisté pour qu’il vienne. C’était l’un des joueurs avec lequel j’étais le plus proche. Un peu mon fils adoptif. Et il a cédé pour me faire plaisir. Associé à Pimek, il a même remporté le double."
"Presque en slip au Zimbabwe !"
À force d’offrir des vêtements aux citoyens locaux désœuvrés, sa valise était vide.
En 2002, la Belgique est invitée à défier le Zimbabwe des frères Black, à Harare. "Quel fabuleux souvenir ! Le pays est merveilleux. J’ai même eu l’occasion de faire un petit safari avec le staff. Mais, parallèlement, quelle misère dans les villes et villages. On a sympathisé avec de nombreux citoyens locaux désœuvrés. Et, à force de leur offrir nos vêtements, c’est à peine si on n’est pas rentré en Belgique en slip !" La Belgique s’était imposée sans problème majeur même si Malisse, énervé, avait hérité d’un avertissement. "Même durant le match, l’ambiance était à la fête. Je me souviens que Tom Van Houdt avait même grimpé dans les tribunes pour jouer du tambour avec un supporter zimbabwéen ! Ce sont des moments magiques qu’on n’oublie pas…"
"L’homme au revolver !"
Il a permis à Malisse de battre Federer grâce à une improbable machine.
Jean-Louis Caverenne collectionne les anecdotes dans son album de souvenirs. Il en a ressorti quelques-unes. À la fois amusé et ému.
"La plus connue est sans doute liée à ce fameux quart de finale face à la Suisse en 1999. La rencontre se disputait au Primerose, sous une véritable canicule. Les joueurs souffraient beaucoup. Lors de son match face à Roger Federer, Xavier Malisse a soudain été victime de crampes. J’ai alors sorti un nouvel appareil de cryothérapie. C’était une sorte de grand revolver, très spectaculaire, qui avait une action réfrigérante. Xavier, qui était proche de l’abandon, a aussitôt retrouvé un deuxième souffle et a fini par remporter le match. À l’époque, cette machine avait beaucoup impressionné les Suisses. Lorsque j’ai ensuite croisé Federer sur d’autres tournois, il m’a toujours reconnu comme l’homme au revolver !"
"Des faux bandages à Kiev"
Pour permettre à Rochus et Vliegen de gagner le double, tous les coups sont permis
En 2006, lors d’un match face à l’Ukraine à Kiev, Jean-Louis Caverenne a interprété, à sa façon, les règlements. Il en sourit encore. "Le capitaine Julien Hoferlin avait oublié de modifier les noms des deux joueurs qui devaient disputer le match de double. Sur la feuille de match, Gilles Elseneer et Stefan Wauters étaient inscrits alors que Julien voulait finalement faire jouer Olivier Rochus et Kristof Vliegen. Je n’avais pas le choix. J’ai donc bricolé un grand bandage sur le bras d’Elseneer et j’ai demandé à Stefan de simuler de soudaines crampes à l’estomac. C’est passé comme une lettre à la poste. On a gagné le double et on s’est qualifié. Et, comme par miracle, le lendemain, pour les deux derniers simples sans enjeu, Elseneer et Wauters étaient parfaitement rétablis sous le regard étonné de l’arbitre…"
"Diplomate dans les moments de tension"
Comment Jean-Lou a désamorcé quelques bombes...
Forcément, Jean-Louis Cavarenne a vécu quelques moments de haute tension dans les coulisses de l’équipe belge. "En 1998, les joueurs ont demandé le départ d’Eduardo Masso car ils souhaitaient l’arrivée de Gabriel Gonzalez, déjà coach de Filp Dewulf, Joahn Van Herck et Christophe Van Garsse. Ils m’ont demandé de servir d’intermédiaire. Humainement, c’était compliqué mais j’ai usé de toute ma diplomatie…"
En 2011, face à l’Espagne de Rafael Nadal, la non-titularisation d’Olivier Rochus lors du premier simple suscite également quelques polémiques. "Dans ces cas-là, j’ai toujours essayé de jouer la carte de l’apaisement et de la tranquillité. Mais ce n’est pas toujours évident lorsque la colère est à fleur de peau…"
Même avec les adversaires, Jean-Lou avait toujours le mot juste pour réconforter. "En 1994, en Israël, Amos Mansdorf avait abandonné sur crampes dans le match décisif face à Dewulf. Tandis qu’il se faisait huer sur le chemin du vestiaire, je l’ai accompagné en essayant de le consoler…"
"Perturbé face au grand Boris Becker"
Il se présente au champion allemand qui, à son tour, décline son identité
En 1992, à Essen, la Belgique affronte l’Allemagne de Boris Becker et Michael Stich. "Lors du dîner de gala avant le match, la coutume veut que les délégations se présentent. Impressionné, je tends donc la main à Boris Becker en précisant mon identité. Il me répond en donnant, à son tour, son nom et, presque, sa profession. Comme si je ne le connaissais pas ! À l’époque, c’était l’une des personnalités les plus illustres sur la planète. Sa notoriété était telle que, pour ce match, il était obligé d’emprunter des chemins différents pour échapper à la foule de ses admirateurs. C’était hallucinant. C’était une superstar dans tous les sens du terme. Je n’ai connu cela avec aucun autre joueur, ni Federer, ni Nadal…"