Vingt ans après, et si la Belgique battait de nouveau Noah au cinquième match ?
- Publié le 26-11-2017 à 09h09
- Mis à jour le 26-11-2017 à 12h42
Eduardo Masso évoque la victoire des Belges contre la France à Gand en 1997. L’oeil vif, le verbe facile, tout en faisant des fouilles dans sa mémoire, Eduardo Masso, machinalement, lisse ses poils poivre et sel qui, aujourd’hui, rongent ses joues creusées. Ce plongeon vingt ans en arrière que nous lui imposons, réveille immédiatement en lui ces sensations, plus épidermiques que rationnelles, qui animaient sa chanson de gestes quand il occupait, au titre de capitaine, le banc de touche de l’équipe belge de Coupe Davis.
"Une mission entamée en 1993 et qui prendra fin en 1997", glisse-t-il avec une pointe d’ironie.
1997, justement, fut l’année qui lui valut sa plus grosse satisfaction dans ce rôle de capitaine hérité au terme de sa carrière de joueur. "C’était en septembre. Après être sortie des éliminatoires de la zone Europe-Afrique au terme d’un thriller vécu face au Danemark, en match de barrage on hérite de la France, tenante du titre. Le match est programmé au Flanders Expo à Gand. Automatiquement, on opte comme surface pour la terre battue, puisqu’on dispose dans nos rangs d’un Filip Dewulf qui, quelques mois plus tôt, s’était hissé en demi-finale du tournoi de Roland Garros. Et comme deuxième joueur, je peux m’appuyer sur Johan Van Herck."
Bien vu , car en face, se pointe un certain Cédric Pioline, très à l’aise sur les surfaces rapides, mais aussi Fabrice Santoro, alors en plein boom, et dont le jeu atypique à deux mains fait pas mal de dégâts sur le circuit ATP.
Et puis, surtout, pour piloter le navire tricolore, se hisse la haute carcasse d’un certain Yannick Noah, dont toute la France admire le charisme et la voix. "On a fait le choix de ne pas montrer notre peur, tout en demandant à l’équipe d’entretien du terrain, de joyeusement bien noyer ce dernier, afin qu’il soit le plus lent et le plus lourd possible."
Un choix payant. Dans le premier match, en effet, Dewulf fait joujou avec Santoro en trois sets. "Il l’a atomisé. Il frappait dans tous les angles et le Français était totalement perdu face à tant de saine agressivité."
Place alors au duel Van Herck-Pioline. Le Français mène deux sets à rien quand il est surpris par un passing du Belge. "Son pied a glissé sur la ligne et on a entendu un grand crac : Pioline venait de se bloquer le dos ! Tout de suite, le médecin de l’équipe de France l’a manipulé, car il avait l’interdiction, règlement oblige, de lui faire une piqûre pour faire disparaître le mal. Noah a bien cherché à gagner du temps pour qu’on soigne au mieux son joueur, mais moi j’ai fait appliquer le règlement à la lettre. Pioline a essayé de reprendre le jeu, mais comme j’avais dit à Van Herck de se limiter à lui balancer des balles gauche-droite et l’inverse, pour l’user physiquement, le Français a très vite signifié son abandon…"
La Belgique qui vire au premier soir par 2-0 : c’est toute la France qui s’interroge, à commencer par Yannick Noah. "Il était déçu, mais surtout par Santoro."
Il le sera un peu moins après le double qui tombe dans l’escarcelle française.
Place, alors, à la journée de dimanche. Pioline est remplacé par Guillaume Raoux. "En apprenant cela, j’informe Dewulf que le gars est dangereux, car c’est un véritable joueur de Coupe Davis. Rusé, gagneur et qui n’abandonne rien. J’avais raison de me méfier, car face au jeu de Raoux, Filip ne s’adapte pas et s’incline en trois sets."
Résultat, Belgique et France sont à égalité avant le dernier simple. Lequel, a priori, doit opposer Van Herck à Santoro. "Mais Noah surprend tout le monde en titularisant, à dix minutes du début du match, Lionel Roux, qui était occupé à réaliser une grande saison. Je me dois de m’adapter. Surtout que Van Herck m’informe qu’il a des douleurs aux adducteurs et ne se sent pas à 100 %. Et Christophe Van Garsse qui entend cela me dit :‘Mais moi je suis là. Et je vais gagner !’ Ce qu’il va en effet faire. Mais après avoir traversé pas mal de turbulences physiques et mentales.
"A la fin du 2e set, il me confirme qu’il souffre de crampes. Je luis dis de s’accrocher et de frapper le plus fort possible. Il m’écoute et il finit par mener deux sets à rien, avant de balancer le troisième, en attendant que les crampes s’estompent. On l’a bourré de sel et en fin de compte il oublie ses crampes pour claquer un 6-1 dans le 4e set et, ainsi, nous offrir la victoire face à la France qui, ne l’oublions pas, et je le répète, était alors propriétaire du Saladier d’Argent..."
Yannick Noah a le masque. Mais beau joueur, après avoir embrassé sa femme du moment, il est venu féliciter Eduardo Masso pour son coaching et ses bons choix. Si l’histoire pouvait se répéter dimanche soir...