Les confidences de Justine Hénin, première fan des Diables blancs
Consultante pour France Télévisions, Justine Henin sera présente à Lille où son cœur sera 100 % belge.
- Publié le 24-11-2017 à 06h39
- Mis à jour le 24-11-2017 à 09h20
Consultante pour France Télévisions, Justine Henin sera présente à Lille où son cœur sera 100 % belge. Parmi les 27.000 personnes présentes dans l’Arena Pierre Mauroy figure une septuple championne en Grand Chelem et ancienne numéro un mondiale. Justine Henin honorera de sa présence cette finale en tant que consultante pour France Télévisions. Elle est sereine et confiante. "Mon cœur est belge", souligne-t-elle avec vigueur. "Les Français ont fait appel à mes services pour avoir un avis objectif sur les rencontres. Je serai en plateau avec Laurent Luyat et d’autres. Lionel Chamoulaud et Arnaud Clément seront au commentaire tandis que Nelson Monfort se promènera dans les tribunes."
Elle goûtera à nouveau à l’ambiance d’un grand rendez-vous festif estampillé des couleurs nationales. Pourrait-elle être tentée par un poste de capitaine de l’équipe belge de Fed Cup, une compétition qu’elle a remportée en 2001 avec Kim Clijsters ? "J’ai appris à ne jamais fermer une porte. Pour le moment, la réponse est négative. Il faudrait que je sois passionnée par le projet et par les joueuses de l’équipe."
Et si Johan Van Herck l’avait appelée comme consultante sportive durant les deux semaines de préparation ? "Si je peux aider, je me rends toujours disponible."
Contrairement à 2015 où il avait bénéficié du renfort de Michaël Llodra afin de renforcer la paire de double à l’aube de la finale, Johan Van Herck n’a demandé aucune arrivée cette année. "L’équipe n’a besoin de rien d’autre. Elle a prouvé qu’elle fonctionnait parfaitement. Les joueurs comme le staff sont aptes à gérer un tel événement même si une finale reste un moment particulier."
Des finales, elle en a connues durant sa riche carrière. Des petites aux plus grandes, elle a tout remporté… ou presque. Il ne lui manque que le Major londonien.
"Après une carrière, les gens retiennent le nombre de levées du Grand Chelem que vous avez gagnées. Existe-t-il des personnes qui se soucient de savoir si vous avez une, deux ou quatre Fed Cup ou Coupe Davis ? J’aurais préféré remporter Wimbledon à la place de la Fed Cup . Les joueurs veulent tous remporter le Saladier d’argent . Dès qu’ils l’ont fait, ils n’ont plus aucun intérêt à la remporter à d’autres reprises."
Elle ouvre la brèche à un vaste débat sur la place que les joueurs et joueuses accordent à la Coupe Davis ou à la Fed Cup. Il serait hypocrite de considérer que la Coupe Davis est magique quand on connaît le nombre de maîtres qui la boycottent chaque année. En 2017, Federer, Wawrinka, Nishikori, A. Murray, Raonic, Nadal, Cilic, Berdych n’ont pas disputé le moindre match pour leur pays. Seuls Djokovic, Tsonga, Kyrgios et Goffin ont offert un peu de crédit à ce tableau dégarni. "Tout concilier est très difficile, explique Justine Henin. Le calendrier est contraignant sur un plan physique. La Coupe Davis n’est plus une priorité. Même Goffin avait zappé le premier tour. Je le comprends. Il a le droit d’être fatigué. J’ai pris les mêmes décisions que lui à l’époque. Je suis partagée sur la question. D’un côté, mon cœur est attaché aux traditions. D’un autre côté, l’évolution est inévitable."
Même si elle préfère un Major à une Fed Cup, elle se souvient de son titre de 2001. "J’avais 19 ans. Avec Kim, nous avions gagné le titre en un week-end, loin de la ferveur belge. La magie n’était pas totale. Peut-être étais-je encore trop jeune pour en profiter ?"
Le contexte des messieurs est très différent. "Ils sont plus matures. On sent que l’équipe est très unie. Leur entente est incroyable. Il ne passe sûrement des choses à l’intérieur car le sport n’est pas un monde de bisounours. Certains moments doivent être douloureux, mais l’équipe fait bloc. Pour moi, la Belgique ne manque pas d’atouts. Elle possède un esprit, un capitaine exceptionnel, un mec du Top 10 et un guerrier."
"Steve, il n’a jamais abandonné"
L’ancienne icône du tennis mondial n’a jamais travaillé directement au cœur de l’équipe, mais elle en connaît tous les membres. Elle côtoie Steve Darcis depuis 20 ans.
"Quand je pense à Steve, je ne peux cacher mon admiration pour sa gestion des blessures. Il n’a jamais abandonné. Il le doit à sa générosité sur le terrain. Son cœur est énorme. Il a réussi à saisir les opportunités quand elles se présentaient. Sa maturité est venue sur le tard."
Sur un plan sportif, elle reconnaît certaines limites physiques. "Ce n’est pas un gars physique. Il n’a jamais atteint la cour des plus grands car il a connu des hauts et des bas. Tout le monde ne peut pas être Top 5. Steve vit sa carrière à fond. Quelle authenticité ! Il mérite tout ce qui lui arrive de bon."
Quand on évoque Steve Darcis, il est impossible de ne pas se diriger vers le caractère guerrier du gaillard. En Coupe Davis, le Liégeois bascule dans une magie que même Justine Henin ne peut expliquer. "Certains cadres nous parlent plus que d’autres. À Roland-Garros, j’ai réussi de grandes performances. Pourtant, je n’y ai pas joué mon meilleur tennis. Je me sentais plus forte en Australie ou à Dubaï. Je compensais par d’autres paramètres. Je me sentais comme à la maison. Steve a créé un phénomène de communion avec le public. Cela ne s’explique pas. Tant que la magie opère, on en profite."
Il y a 15 mois, elle était présente à Forest National lors de la qualification des Belges pour la finale. "Il peut très bien être un héros national le dimanche et redevenir un copain, mari et papa le lundi. Nous gardons le contact par message lors des grands événements privés ou sportifs. Je l’apprécie beaucoup."
"Goffin a assez d’expérience"
Justine Henin est fascinée par les exploits à répétition de David Goffin. "Il en vivra encore d’autres. Il apprend la constance, ce qui est la force des grands. Il a presque toujours digéré chaque nouvelle étape de sa carrière. Je pense qu’il est capable de gagner un Grand Chelem. Il devra saisir les opportunités quand elles se présenteront."
Ce week-end, la Belgique aura besoin que son chef de file remporte ses deux matchs. "Et il faudra que Steve remporte le 3e point. Je ne suis pas inquiète pour David. Il est capable d’enchaîner deux grandes finales en 8 jours. La fatigue est inévitable, mais le corps a des ressources insoupçonnées. Il est costaud sinon il n’aurait jamais réussi à se qualifier pour le Masters. Il n’a pas fini de me surprendre. En tennis, on prend un jour après l’autre. Il a assez d’expérience."
Ce week-end, personne ne peut prédire le scénario des rencontres. "Il peut se passer 1.000 trucs. Nous avons besoin de joueurs en super forme. Nous ne sommes légèrement pas favoris. Français et Belges reçoivent une belle opportunité. Un des deux seulement pourra la saisir. La pression sera sur la France car les supporters français ne comprendraient pas une défaite des Bleus."
"Les capitaines, ce n’est que du show"
Justine Henin connaît très bien les deux capitaines. "Ils sont très différents. Leur apport aussi. Noah joue plus avec les médias. Dans son ADN, c’est un artiste. Il défend très fort son équipe. En fait-il trop ? Je ne sais pas. Tous les deux cherchent l’intimidation. Ils parviennent à transcender les joueurs. Ils sont intelligents. Ils transmettent une énergie folle à chacun. Il faut prendre de la distance par rapport aux capitaines. En dehors du court, tout n’est que du show. L’histoire ne retient que la vérité du terrain."
L’infirmerie, cette grande inconnue
David Goffin et Steve Darcis devront être au sommet de leur forme s’ils veulent avoir une chance de soulever le Saladier d’argent. "En fin d’année, tous les joueurs ont des pépins physiques. Ils doivent apprendre à avancer avec leurs blessures. En général, un joueur sait 95 % du temps jusqu’où il peut aller. Quand il joue avec une infiltration au coude durant 3 semaines, il sait ce qu’il fait. En tennis, tout ne se prévoit pas. L’infiltration est inévitable, mais il faut aussi se respecter. Durant ma carrière, j’ai pris beaucoup d’anti-inflammatoires. J’ai joué des finales avec de fortes douleurs. Personne ne doit oublier que nous ne sommes pas invincibles. Dans les cas de Steve et David, je suis certaine que l’équipe fera tout pour qu’ils soient au top niveau vendredi."
27.000 personnes. Et alors ?
Le stade transformé en Arena bouleversera les codes classiques du tennis. Le bruit sera inévitable. Entre les points, le vacarme sera infernal. "La présence de 27.000 personnes au bord du court jouera un rôle. Il est impossible d’établir avant le jour J l’impact qu’il aura sur les acteurs du week-end. Nous devrons attendre vendredi pour voir si les Français seront portés ou tétanisés par cette ferveur."
"Je préfère affronter Steve à David"
Si elle recevait l’occasion de jouer un match contre David Goffin ou Steve Darcis, elle opterait pour Shark. "L’un et l’autre me poseraient beaucoup de soucis. Moi, j’aime cogner en rythme. J’aime l’intelligence de Steve qui crée beaucoup de problèmes chez l’adversaire. David Goffin, c’est un métronome. Sa régularité est dure à jouer. En plus, il reste calme et couvre admirablement le terrain."