Stéphane Prévot: "Neuville a la pression, je ne le vois pas champion!"
Stéphane Prévot, quadruple vainqueur du Condroz, ex-équipier de Bruno Thiry, épaule ce week-end Vincent Verschueren.
- Publié le 02-11-2018 à 11h19
- Mis à jour le 02-11-2018 à 12h23
Stéphane Prévot, quadruple vainqueur du Condroz, ex-équipier de Bruno Thiry, épaule ce week-end Vincent Verschueren. Véritable régional de l’étape, Stéphane Prévot prendra, samedi, le départ du Rallye du Condroz pour la 19e fois. Équipier cette année du champion de Belgique 2017, Vincent Verschueren (Skoda Fabia n°46), le Hutois vise un cinquième succès après les quatre enregistrés aux côtés de Bruno Thiry en 1997, 2000, 2001 et 2002.
Stéphane, laquelle fut la plus belle ?
"Certainement la première avec la Subaru Winfield: un rêve de gosse qui se réalisait. On avait dominé d’un bout à l’autre et c’est certainement celle que j’ai le plus fêtée. Sportivement, je garde bien sûr un meilleur souvenir de 2001 avec la Skoda Octavia au terme d’un sprint haletant face à la 206 de Larry Cols. On était plus ou moins à égalité au départ de la dernière spéciale. Enfin, la plus amusante restera celle célébrée au volant en 2002. Le président du RACB John Goossens était décédé le vendredi et on nous avait annoncé qu’il y aurait une minute de silence et pas de champagne sur le podium. Pas très gai pour une victoire au Condroz. Dès lors Bruno m’a dit qu’on allait s’en souvenir de ce succès. On possédait 6 minutes d’avance sur Snijers et dès lors mon pilote m’a proposé de prendre le volant de la 206 WRC pour la dernière spéciale. Je n’en menais pas large. Je m’étais entraîné sur les liaisons avant pour m’habituer. Un sacré gag. Vous auriez dû voir la tête des gens à l’arrivée."
À quand remonte votre plus lointain souvenir du Condroz ?
"1979 avec la venue d’Hannu Mikkola. Un champion du monde à Huy. Wouaw ! Je n’en revenais pas. J’étais allé le voir à la Grand-place à quelques pas de chez moi. L’année suivante, je me suis rendu pour la première fois en spéciale. J’avais été très impressionné par la victoire de la Porsche Belga de Jean-Louis Dumont. J’avais 11 ans et je lisais déjà la carte..."
Comment vous retrouvez-vous aux côtés de Verschueren ?
"On a déjà disputé deux fois le Rallye de Wallonie ensemble, la dernière fois en 2015 et cela s’était plutôt bien passé. Il m’avait dit à l’époque que son rêve serait de faire le Condroz avec moi. Il m’avait contacté en début d’année pour l’épauler au cours de la saison mais j’avais déjà d’autres engagements en rallye-raid et aux États-Unis. Après l’East Belgian, je lui ai envoyé un message en lui disant qu’une victoire à Huy valait autant qu’un titre qu’il a déjà eu l’an dernier. Et cinq jours après, il m’a appelé pour me proposer le baquet de Véronique Hostens qui a décidé d’anticiper d’une course sa retraite et de m’offrir sa place. C’est un chouette gars et on a des chances de victoire."
En quelle langue donnez-vous les notes ?
"En anglais car son français est très moyen et mon néerlandais est catastrophique."
Que pensez-vous du parcours 2018 ?
"C’est un peu mieux qu’en 2017. Il y a plus de kilomètres dans le Condroz. Avec le Wallonie, c’est le plus beau tracé belge car cette année, Spa était pitoyable. Et puis l’ambiance est incomparable. Dès les reconnaissances, il y a du monde sur les spéciales, à la Cabane, à la carrière de Strée. On a reconnu sur le sec et selon les prévisions, on ne va pas assister à une édition d’anthologie. Sur le sec, ce n’est pas très compliqué. Par contre la bagarre sera plus intense, avec des écarts très serrés."
La sécurité des spectateurs constitue-t-elle toujours un problème à Huy ?
"Les organisateurs ont fait des efforts énormes. Cela n’a plus rien à avoir à il y a une vingtaine d’années, quand le public formait une haie et s’écartait une vingtaine de mètres devant vous. On se croyait au Portugal dans les années 80. C’était de la folie. Le risque zéro n’existe pas bien sûr, mais tout a été mis en œuvre pour limiter le danger avec des grandes échappatoires et un public désormais gardé à bonne distance de la route."
Qui pointez-vous comme principaux adversaires ?
"Il y a cette année deux vedettes étrangères, des pointures du WRC qui n’en sont pas à leur coup d’essais à Huy puisque Kris Meeke en sera déjà à sa 3e participation, tandis que Stéphane Lefèbvre en est à quatre. Le Français sera encore dans le rythme de l’Espagne. Ils seront dangereux et rapides mais devraient se montrer moins réguliers que Kris Princen et nous. La victoire devrait revenir à un de nous quatre. Adrian Fernémont a montré de belles choses l’an dernier ici et cette saison, mais je le vois un poil derrière."
"Je suis admiratif de Sébastien Loeb"
Prévot imagine bien Sébastien Loeb revenir avec Ford en WRC en 2019.
Stéphane, votre avis sur la victoire de Sébastien Loeb en Espagne à 44 ans ?
"Fabuleux ! Je suis admiratif. Cela confirme que l’expérience est prépondérante en rallye et que, à quelques exceptions près, cela ne sert à rien d’aller chercher des jeunes et de les envoyer au casse-pipe. Combien ne se sont-ils pas déjà brûlé les ailes à essayer de vouloir suivre les ténors du WRC ?"
Qui voyez-vous sacré dans un peu plus de deux semaines en Australie ?
"C’est assez paradoxal mais j’ai peur pour Ogier que la crevaison de Neuville en Catalogne soit un... avantage pour notre compatriote. Il est clair que l’Australie est le pire rallye pour ouvrir la route. La différence entre premier et deuxième est énorme. Maintenant, Thierry n’arrête pas de répéter qu’il n’a pas de soucis avec la pression mais je pense que c’est une carapace. Ogier sera plus serein. Et puis les deux peuvent se réjouir que Tanak ait eu autant de déveine en cette fin d’année avec au moins trois abandons qui ne lui sont pas imputables. Car sinon le championnat serait déjà plié. Pour revenir à votre question, j’espère me tromper car ce serait évidemment chouette et légitime pour notre petit pays amoureux de rallye d’avoir son premier champion du monde, mais objectivement, je pense que ce sera encore pour Ogier. Il faut avouer que la fin de saison de Thierry Neuville n’est pas terrible."
N’est-ce pas l’année ou jamais pour Thierry ?
"On avait déjà dit cela l’an dernier. Non je ne pense pas car il est encore jeune. Maintenant, il est dangereux d’avoir signé pour trois ans. Je ne comprends pas pourquoi il a fait cela si ce n’est pour se mettre à l’abri. En 2019, la paire Ogier-Citroën va marcher, c’est sûr. Et Tanak et Toyota seront certainement les grands favoris."
On ne peut pas dire que notre compatriote soit beaucoup aidé par ses équipiers…
"C’est sûr. Je ne sais pas ce que cet âne de Mikkelsen fait là. Il est pitoyable. Comment peuvent-ils avoir signé un mec pareil pour deux ans? Si Hyundai perd le titre constructeurs, ce sera à cause de lui. Thierry est seul pour ramener les gros points. Dani Sordo a montré de plus belles choses que Hayden Paddon. Il mériterait un programme complet. Le problème est que c’est un fonctionnaire. Lorsqu’il a son contrat en poche, il n’avance plus ou s’écroule après quelques spéciales."
Imaginez-vous Loeb revenir pour une saison complète ?
"Certainement pas chez Citroën. Une des premières clauses du contrat d’Ogier doit être de ne pas avoir Loeb dans les pattes. Je les imagine mal rouler encore dans la même équipe. Maintenant, à la place de Malcolm Wilson, je ne le lâcherais pas. Il peut créer la surprise en lui proposant un volant avec l’aide de Red Bull."
Loeb n’est-il pas lié à vie à PSA ?
"Que peut encore lui offrir Citroën à part un rôle d’ambassadeur ? Loeb n’a pas envie de passer dix mois sur son bateau et de faire l’ouverture de concessions."
Qui sont selon vous les jeunes les plus prometteurs en WRC ?
"Les trois Finlandais lancés par Joukki. Teemu Suninen est prometteur même s’il a fait un rallye d’Espagne de m… On reparlera aussi d’Esapekka Lappi et surtout de Kalle Rovanpera. Vu les connexions du père, je suis persuadé qu’il a un précontrat avec Toyota pour une Yaris en 2020 ou avant."
"Les notes dans un jeu vidéo"
S’il a moins roulé que de coutume cette saison, son programme rallye se limitant à trois épreuves en Subaru aux States avec Kris Atkinson en remplaçant de Travis Pastrana, Stéphane Prévot a travaillé sur des notes durant deux mois. "La société Code Master m’a contacté pour traduire et dicter les notes pour le nouveau jeu Dirt rallye qui sortira en février. Les joueurs des éditions précédentes se plaignaient des notes en français faites avec Google Traduction . Dès lors, on m’a demandé d’adapter les notes de Phil Mills (pour la version originale en anglais) et de les dicter. Avec 12 rallyes et 28 longues spéciales à adapter, j’ai été occupé durant deux mois. Et récemment, j’ai été dix jours en Angleterre pour enregistrer ma voix."