Willy De Bruyn: Belge, administrateur de l’AS Monaco et… ancien joueur du RSCA
Willy De Bruyn, un Bruxellois de 72 ans, est une personnalité très importante dans la Principauté depuis quarante ans, au point d’avoir participé à la vente du club au richissime Russe Dmitri Rybolovlev et d’en être devenu dirigeant. Rencontre.
- Publié le 25-11-2015 à 15h20
Willy De Bruyn, un Bruxellois de 72 ans, est une personnalité très importante dans la Principauté depuis quarante ans, au point d’avoir participé à la vente du club au richissime Russe Dmitri Rybolovlev et d’en être devenu dirigeant Ce jeudi soir, au moment du coup d’envoi, un cœur battra plus fort que les autres dans la loge gouvernementale, la plus prestigieuse du stade Louis II. Un cœur mi-monégasque, mi-anderlechtois, celui de Willy De Bruyn.
"Que le meilleur gagne", sourit-il quand on lui demande s’il n’aura tout de même pas une préférence. "Je suis administrateur de l’AS Monaco et j’ai joué au Sporting chez les minimes, mon club favori pendant ma jeunesse à Bruxelles."
Mais qui est ce Willy De Bruyn, membre du conseil d’administration de l’un des clubs les plus riches d’Europe et totalement inconnu dans son pays natal ?
"Je suis quelqu’un qui brille par sa discrétion", répond-il malicieusement. "Ma devise, c’est : pour vivre heureux, vivons cachés ."
Une devise devenue beaucoup plus difficile à mettre en pratique depuis le 23 décembre 2011 quand il fut à la base de la revente de l’AS Monaco au richissime Russe Dmitri Rybolovlev, encore président à l’heure actuelle.
"Cela m’a mis dans la lumière bien malgré moi. Je n’étais pas destiné à participer à la revente d’un club de football puis d’en devenir l’un des administrateurs. C’est juste une occasion qui s’est présentée à moi de manière un peu inattendue."
Cette occasion, c’est un numéro de téléphone suisse qui apparaît sur l’écran de son portable en 2010, celui de Dmitri Rybolovlev, 146e fortune mondiale.
"Il résidait à Genève, mais on ne voulait pas lui donner de passeport en Suisse car il ne maîtrisait pas le français. Il s’est donc dirigé vers Monaco et m’a contacté pour me demander des conseils."
Si cet homme d’affaires, qui négociait dans le même temps le rachat d’un manoir à… Will Smith sur l’île de Hawaï, s’est tourné vers notre compatriote, c’est parce que sa réputation n’était plus à faire sur le Rocher. Administrateur pendant de longues années de la Société des bains de mer de Monaco (société qui gère de nombreux actifs dans l’hôtellerie haut de gamme et les loisirs) avant d’être rattrapé par la limite d’âge il y a un mois mais également proche du Prince Albert (lire ci-contre), Willy De Bruyn est un incontournable dans la Principauté.
"Je travaillais pour une grosse société hôtelière en Belgique qui m’avait nommé chef d’un projet titanesque à Monaco il y a quarante ans", raconte-t-il. "Ce projet avait été une réussite en changeant la façade monégasque au point de vue de l’urbanisme. Je me suis donc fait remarquer et je ne suis jamais reparti."
C’est donc lui qui a installé Rybolovlev à Monaco.
"Mais on ne parlait pas du tout du rachat du club à cette époque", précise celui qui est également administrateur du club de basket de Monaco, de l’Automobile Club de Monaco (qui organise le GP de Formule 1 chaque année) et de différentes sociétés. "Il était dingue de football, mais il ne jurait que par un club : Manchester United. Il m’emmenait parfois avec lui à Old Trafford et il a même tenté de racheter les Red Devils . C’est plus tard que l’occasion de racheter l’AS Monaco s’est présentée."
Le rachat de 66 % des parts se fera pour un euro symbolique, le club, jusque-là propriété exclusive du Palais, se débattant dans le bas de classement en Ligue 2. L’une des premières décisions de Rybolovlev est de nommer Willy De Bruyn dans le conseil d’administration.
"Je précise que je ne décide en rien de la politique sportive du club. Même si j’adore le foot, je n’ai pas les compétences pour réaliser un transfert. Je m’occupe plutôt de la partie administrative."
L’homme d’affaires russe tient le Bruxellois en très haute estime. Un respect qui remonte à une soirée au prestigieux Yacht Club de Monaco.
"Quand Rybolovlev est arrivé à Monaco, sa première démarche a été de s’inscrire au Yacht Club", se souvient Willy De Bruyn. "Lors de son intronisation, il a reçu un diplôme du Prince Albert. Un cocktail a suivi et je les ai présentés, tout comme à d’autres personnalités importantes de la Principauté. Il a été impressionné par mes contacts et nous avons continué à collaborer ensemble."
Ce jeudi soir dans la loge gouvernementale du stade Louis II, Dmitri Rybolovlev ne sera pas là, retenu pour ses affaires par un agenda très chargé. Willy De Bruyn, lui, sera bien là. Avec le cœur partagé.
"Même si je suis à Monaco depuis quarante ans et que je ne compte pas revenir en Belgique, je reste un vrai zinneke."
"Sa réputation sulfureuse est un fantasme français"
Willy De Bruyn n’aime pas qu’on dénigre le président de l’AS Monaco, Rybolovlev.
Milliardaire. Russe. Expatrié suite à différentes tentatives d’extorsion. Passé par la prison pour avoir engagé un tueur à gages (avant d’être blanchi un an plus tard). C’est peu dire que Dmitri Rybolovlev a longtemps incité les Monégasques à la méfiance.
Son investissement personnel dans le club a fini par lever la majorité des doutes sur le Rocher, mais il arrive encore qu’il soit rattrapé par son passé. Et cela énerve Willy De Bruyn.
"Sa réputation sulfureuse est un fantasme français", estime-t-il. "Enfin un fantasme de certains journalistes français, devrais-je dire."
Selon le Bruxellois, les doutes persistants sur un business qui se ferait aux dépens de l’AS Monaco ne tiennent pas.
"Je tiens d’abord à rappeler qu’il n’avait pas l’intention de racheter le club en arrivant en Principauté. Ce fut juste une opportunité. Ensuite, il y a investi près de 350 millions d’€. Cela montre bien qu’il n’est pas là pour gagner de l’argent. Cela me fait d’ailleurs penser à une phrase que feu Giovanni Agnelli, président de Fiat et la Juventus, m’avait dite : Il y a trois façons pour perdre son argent : la plus excitante avec les femmes, la plus passionnante avec le jeu et la plus sûre avec le football. C’est bien vu, je trouve…"
Pour la première fois au plus près de la gestion d’un club de football, Willy De Bruyn ouvre de grands yeux.
"Je gère beaucoup de sociétés dans différents secteurs, mais celui du football est clairement le plus dur. Vous pouvez y perdre beaucoup d’argent. Par contre, si vous voulez devenir connu rapidement, je ne connais pas de meilleur moyen qu’acheter un club de foot. L’impact populaire et médiatique de ce sport est incroyable."
"J’ai une relation franche et intime avec le Prince Albert"
Sans Willy De Bruyn, l’AS Monaco ne serait pas aux mains d’un milliardaire russe qui a investi près de… 350 millions d’€ depuis son arrivée à la présidence il y a quatre ans. La modestie du Bruxellois l’empêchera de le dire, mais son influence fut grande dans ce dossier. Auprès de Dmitri Rybolovlev, bien entendu, mais aussi auprès du Prince Albert, le plus grand supporter de l’ASM. Le souverain de Monaco voue une grande confiance en notre compatriote. Quand on le lui fait remarquer, le Bruxellois sourit. "C’est difficile pour moi de qualifier la relation que j’ai avec le Prince. Je peux juste vous dire ceci : j’entretiens une relation directe, franche et intime avec lui." Sur le Rocher, beaucoup de personnes se déclarent amis avec le souverain mais peu ont une influence directe. "Je suis l’un de ses 5.000 amis", ajoute Willy De Bruyn avant de préciser : "Beaucoup de gens me disent que je fais partie des rares personnes dont le Prince écoute et apprécie les conseils."
CQFD.