Dix champions de 2017 donnent des conseils à Riemer: "À 0-1, Weiler disait: 'On va gagner les doigts dans le nez'"
Weiler, Boeckx, Kara, Trebel, Chipciu, Acheampong et autres racontent comment Anderlecht avait gagné les playoffs il y a 6 ans, lors du dernier titre.
- Publié le 13-04-2024 à 08h31
Six ans sans titre, c’est une éternité pour un supporter d’Anderlecht. La plupart d’entre eux se souviennent encore des playoffs de la saison 2016-2017, quand le Sporting a remporté son 34e et dernier championnat. À la veille d’un derby qui pourrait être crucial pour le titre, nous avons appelé les protagonistes de cette époque, qui ont raconté leurs souvenirs de ce sprint final tout en donnant des conseils à Brian Riemer pour mener à bien cette lutte avec l’Union et, qui sait ?, avec le Club Bruges et Genk.
René Weiler : “On avait une grande puissance mentale”
L’architecte de ce dernier titre était l’entraîneur René Weiler (50 ans), actuellement 2e en Suisse avec le Servette Genève. “Nos atouts pendant ces playoffs étaient notre unité ferme et nos grandes ambitions. On voulait marquer le plus de buts possible. Et on avait aussi une grande puissance mentale.”
Son conseil : “C’est difficile à dire, vu que je n’ai vu que deux fois Anderlecht à l’œuvre. Mais je serais très heureux de voir Anderlecht gagner le titre, parce que c’est un club spécial.”
Frank Boeckx : “Il faut un buteur comme Teo”
Frank Boeckx (37 ans) était un des meilleurs Anderlechtois de la saison. Consultant de foot à la télé et dans des podcasts, il est à peine de retour de vacances en Namibie quand il nous raconte : “On avait tout dans notre équipe : des gars qui jouaient bien entre les lignes, des gars qui étaient rapides à la reconversion et un attaquant – Teo – à qui il ne fallait qu’une demi-occasion pour marquer (NdlR : il a marqué les deux buts du titre à Charleroi). C’était un cas à part. Il parlait mieux l’anglais que ce que les journalistes pensaient. Et quand il sortait avec ses potes polonais en semaine et qu’il ne foutait rien à un entraînement, on ne se tracassait pas. Le week-end, il répondait présent. Et Weiler ? Cela ne le gênait pas de laisser le ballon à l’adversaire, un peu comme Blessin maintenant.”
Son conseil : “Il faut gagner tous ses matchs à domicile. Avec un 15 sur 15 devant son propre public (Anderlecht avait 10 sur 15 en 2017), le Sporting sera très proche du titre. Ce qui aide, c’est un attaquant qui marque les yeux fermés comme Teo.”
Uros Spajic : “Restez le Real Madrid de Belgique !”
Le Serbe Uros Spajic (31 ans), actuellement capitaine de l’Étoile Rouge de Belgrade, formait le duo défensif central avec Kara. “Je me rappelle que cela avait chauffé pendant ces playoffs. On avait 120 minutes dans les jambes à Manchester United avant d’affronter le Club Bruges à domicile (victoire 2-0) et on avait perdu 0-1 contre Charleroi. Bruges était revenu à quatre points, mais on n’a pas paniqué. On avait tellement de qualité dans le groupe et on était tous des vainqueurs.”
Son conseil : “Ne vous contentez pas d’une deuxième place. C’est une catastrophe, ce qui s’est passé depuis mon départ. J’ai été choqué par les images de la fête à Anderlecht après la qualification pour les poules de la Conference League, en 2022. Anderlecht a sa place en Ligue des champions, pas en Conference League ! Quand j’ai signé en 2016, on m’a dit : ‘Anderlecht, c’est le Real Madrid de Belgique.’ Si j’avais déjà entendu parler de l’Union ? Oui. Quand j’étais à Feyenoord, mon coéquipier Bart Nieuwkoop était parti à l’Union, qui venait de la D2 belge. Je me demandais ce qu’il allait faire là, jusqu’au moment où j’ai vu qu’ils ont failli être champions.”
Kara Mbodj : “Grâce à nos fortes personnalités”
Kara Mbodj (34 ans), qui a 5 kilos en moins qu’en 2017, s’entraîne encore avec les U23 de l’Union. “Ah… ce titre de 2017… On avait une équipe forte dans toutes les lignes. On avait beaucoup de qualité. Mais vous savez ce qui a vraiment fait la différence ? La plupart de nos joueurs avaient une forte personnalité.”
Son conseil : “Pour être champion, il faudra qu’Anderlecht soit régulier comme pendant la phase classique. Et il faut que les patrons prennent leurs responsabilités dans les matchs difficiles, comme on l’avait fait en 2017.”
Bram Nuytinck : “Weiler avait écarté Okaka”
Bram Nuytinck (33 ans), qui joue actuellement à NEC Nimègue, n’avait été titulaire que deux fois lors des playoffs. “Mais je n’oublierai quand même jamais ce dernier de mes trois titres. On n’avait pas les plus grandes stars – Tielemans était encore jeune – mais on se battait tous pour le ballon. Souvenez-vous de la façon dont on s’est qualifié au Zenit, avec un but à la 90e de Thelin…”
Son conseil : “Il faut jouer les playoffs avec les joueurs qui sont prêts à aller au combat pour l’équipe. Le mérite de Weiler était qu’il avait créé une unité. Un exemple : il n’avait pas hésité à écarter Stefano Okaka.”
Olivier Deschacht : “Personne n’osait être ridicule”
Olivier Deschacht n’était pas titulaire pendant ces playoffs, mais en garde quand même de bons souvenirs. “La force de Weiler, c’est qu’il vous disait ses vérités devant tout le groupe. Résultat : personne ne voulait être ridicule devant les autres, et tout le monde se donnait donc à fond. Et physiquement, on était au top grâce à ses entraînements, qui étaient courts mais intenses. On faisait toujours des petits matchs et on ne recevait pas trop de tactique.”
Son conseil : “Je veux voir une énorme faim et un pressing vers l’avant dès la première minute. Pas comme à Bruges, où je ne voyais même presque pas de déception. Les joueurs doivent se rendre compte du fait qu’ils ont une chance unique d’être champions. À l’avenir, l’Antwerp, le Club Bruges et Genk ne vont pas laisser des plumes comme cette année-ci.”
Ivan Obradovic : “Weiler se frottait sur le ventre”
Ivan Obradovic (35 ans) avait pris le dessus sur Deschacht pendant les playoffs. Le Serbe a arrêté le football depuis deux ans. “J’ai la chair de poule en repensant à Anderlecht, qui était le petit Real Madrid. Parfois, je montre la vidéo du match du titre à mes enfants. Weiler était spécial. Parfois, on ne s’entraînait que 45 minutes, mais à fond. Et parfois, il se frottait le ventre comme pour dire : 'Mon instinct me dit qu’il faut faire ceci ou cela.'”
Son conseil : “Les playoffs, c’est un championnat pour des 'Braveheart', des guerriers qui ne lâchent rien et qui restent courageux jusqu’au bout…”
Adrien Trebel : “Kara avait dit : 'On gagne 1-3'"
Adrien Trebel était à Anderlecht depuis quelques mois quand il a gagné le titre. “On avait zéro stress pendant les playoffs ! C’était en grande partie le mérite du coach. Avant le premier match des playoffs, il a dit : ‘Si vous ne perdez pas de match, vous serez champion. Même un point c’est bon.' Après la seule défaite, contre Charleroi, il a dit : ‘Pas grave, les gars ! Vous allez quand même être champions !' À la mi-temps du match du titre à Charleroi, quand on était mené 1-0, il est rentré pendant deux secondes dans le vestiaire et il a dit : ‘Je n’ai rien à dire, juste qu’on va gagner les doigts dans le nez.’ Puis, c’est Kara qui a parlé et qui a dit qu’on allait gagner 1-3 ou 1-4. On a gagné 1-3. Un autre exemple ? À Bruges, j’étais à côté d’Herman Van Holsbeeck en tribune parce que j’étais suspendu. Quand Youri rate son penalty à 1-1, Herman me regarde et dit tout calmement : ‘Pas de problème, Adri. Un point est bon. On sera champion au prochain match.’”
Son conseil : “C’est bien d’avoir un bon effectif, mais Weiler avait créé un groupe de potes. C’est ça qu’il faut. On se sentait intouchables. Rien ne pouvait nous déstabiliser. C’est vrai que les gens n’étaient pas contents de la façon dont Weiler nous faisait jouer. Mais à cette période de la saison, je signerais des deux mains pour être champion avec un football moins attrayant.”
Alexandru Chipciu : “Ma fille s’appelle Irene, avec les lettres de René”
Alexandru Chipciu, aujourd’hui 34 ans et à Cluj en Roumanie, était un des deux Roumains d’Anderlecht, avec Stanciu. Il avait marqué deux buts pendant les playoffs. “On avait une équipe qui savait courir pendant tout le match. Et avec Tielemans, Hanni et mon meilleur ami Stanciu, qui évolue actuellement en Arabie saoudite et qui est encore le meilleur joueur de Roumanie, on avait la qualité pour faire la différence sur des reconversions offensives. Moi, j’étais un des préférés de Weiler. Il a encore tenté de me transférer à Lucerne, un de ses anciens clubs. J’ai d’ailleurs appelé une de mes filles Irene, où vous retrouvez les lettres 'René'. (Rires)”
Son conseil : “Il faut y croire jusqu’au bout, parce qu’Anderlecht est un si beau club. Après ma carrière – j’espère d’abord faire partie de l’équipe nationale pour affronter vos Diables à l’Euro – j’espère revenir à Anderlecht en tant que coach…”
Frank Acheampong : “Amuzu, l’arme secrète, comme moi”
Frank Acheampong (30 ans) est parti en Chine après le titre de 2017 et il y est encore. Il joue actuellement pour Henan FC, 12e du classement (sur 16). Pendant les playoffs de 2017, c’est lui qui avait provoqué le penalty (raté par Tielemans). Et lors du match du titre à Charleroi, Anderlecht a commencé sa remontada après sa montée au jeu. “Je n’étais pas titulaire à tous les matchs, mais j’étais l’arme secrète avec ma vitesse. Je suis d’ailleurs encore assez rapide pour dépasser plusieurs adversaires. René Weiler et Besnik Hasi ne m’ont pas oublié, parce qu’ils m’ont appelé pour que je vienne dans leur club. Oui, Hasi me voulait à Malines, mais j’avais déjà signé à Henan.”
Son conseil : “Il faut une flèche dans l’équipe, surtout pour tuer l’adversaire en fin de match. Ce sprinter à la Acheampong, c’est Amuzu. Je lui parle souvent, vu qu’il est Ghanéen comme moi. On s’est vu quand je suis venu en Belgique pour ma rééducation chez le kiné Lieven Maesschalck.”