Qui se cache derrière Damso, l'auteur du futur hymne des Diables en Russie ?
- Publié le 20-11-2017 à 19h22
Choisi pour chanter l’hymne des Diables Rouges, le rappeur belge est au cœur de la polémique. Une polémique autour des Diables Rouges ? Voilà bien la dernière chose à laquelle nous pouvions nous attendre après leur qualification pour la Coupe du Monde en Russie. Et pourtant…
Pour une fois, cette polémique n’est pas sportive, elle concerne le choix de l’artiste qui écrira et interprétera l’hymne de la campagne russe d’Eden et ses coéquipiers. Après Stromae et Dimitri Vegas&Like Mike, c’est le rappeur belge Damso qui a été choisi par l’Union belge. Sauf que ce choix n’est pas du goût de tout le monde. Ils sont nombreux à pointer du doigt les propos chantés dans les titres de ses deux premiers albums : Batterie faible (2016) et Ipséité (2017).
Reconnaissons-le, l’intéressé n’y va pas avec le dos de la cuillère. À lui seul, le single A. Nwaar Is The New Black donne le ton : "Téméraire, des bagarres, j’en ai connu. D’amour et de sperme, j’ai repeint ses lèvres. À son haleine, j’savais qu’elle était moche. Un verre de Daniel’s pour ne voir que ses formes. L’amour de la chair n’a pas que bonnes odeurs. J’la prends dans le noir pour ne pas voir ses cornes. J’aime la violence et voir le sang qui coule. Entendre mes ennemis dire pardon, sans leur pardonner. Baiser leur meuf en transmettant la chtouille. J’suis très méchant quand couilles tu me les casses (putain). J’pourrais t’égorger, te voir te vider de ton sang". Difficile d’associer ce message avec celui qu’on attend des Diables Rouges… D’autant moins dans le contexte actuel avec les affaires Harvey Weinstein, Kevin Spacey et consorts.
Du haut de son mètre 92 et de ses 25 ans, Damso n’est pas un agneau, c’est une certitude. Car la vie n’a pas fait que des cadeaux à ce natif de Kinshasa. À 9 ans, sous les balles, sa famille a fui la République démocratique du Congo pour échapper à la guerre civile qui ravage le pays. C’est en Belgique qu’elle trouve refuge. Et c’est chez nous que William Kalubi - c’est son vrai nom - va découvrir le rap… mais aussi le racisme ordinaire, à l’école, confiait-il dans Les Inrocks en avril dernier.
Le futur Damso se met à rapper mais ses parents - un père médecin, une mère sociologue - ne l’entendent pas de la même oreille. Ils ont de l’ambition pour leur rejeton. Ce sera d’abord la fac de psycho puis des études de marketing (et des petits trafics pour empocher quelques pièces) avant un retour à Kinshasa pour y suivre des cours d’économie imposés par son père.
Mais il était écrit que Damso ne serait pas économiste. Sans crier gare, il prend l’avion pour Bruxelles où, coupé de tout lien familial, il va de squat en squat quand ce n’est pas la rue qui lui sert de chambre. Il se donne sept mois pour percer dans la musique. Il ne lui en faudra que cinq. Son titre Comment faire un tube et sa première mixtape sont remarqués sur le web. Le rappeur français Booba le repère et le convie à partager son Pinocchio. Le reste se lit dans la presse spécialisée musiques urbaines et sur la toile : Damso est devenu le fer de lance du rap francophone.
L’Union belge a-t-elle eu le nez fin en confiant l’hymne des Diables Rouges à quelqu’un pour qui "la vie est dure et trash. Je ne fais pas de concession avec ce que je ressens" ? On peut se poser la question. On est en tout cas loin des hymnes festifs mitonnés par le Grand Jojo dans le passé.
Mais il convient aussi de rappeler qu’en 2014, Ta fête, la chanson de Stromae pour la Coupe du Monde au Brésil, n’était pas non plus une chanson festive, contrairement aux apparences. "Il est l’heure, fini l’heure de danser/Danse, t’inquiète pas tu vas danser/Balance-toi, mais tu vas te faire balancer/Défonce-toi, mais tu vas te faire défoncer/Tu aimerais faire ta fête/Ta mère veut te la faire aussi, ta fête/Le juge voudrait te faire ta fête/Tout le monde te fera aussi ta fête". Vous la voyez la femme battue qui est dissimulée derrière les paroles du maestro ?
Union belge: “On aura un droit de regard”
Contactée, l’Union belge s’étonne de la polémique qui entoure le choix de Damso pour interpréter l’hymne de la prochaine campagne mondiale des Diables Rouges. "La chanson n’est pas encore sortie qu’il y a déjà des critiques qui tombent, déplore le porte-parole Pierre Cornez. En avril, lorsque le tube sortira, si ces critiques doivent apparaître, on sera tout à fait ouvert pour mener un débat."
L’Union belge a néanmoins justifié son choix et tenu à rassurer. "L’objectif en choisissant Damso était d’avoir un jeune Belge célèbre auprès du public, explique Pierre Cornet. Auparavant, nous avions choisi Stromae et les DJs Dimitri Vegas et Like Mike. Damso est un artiste qui rencontre un franc succès et c’est quelqu’un issu de l’immigration, ce qui est le cas également de beaucoup de nos joueurs. Pour le moment, on laisse carte blanche à l’artiste. Mais vu que sa musique sera associée à la Fédération belge de football et aux Diables Rouges, on va évidemment contrôler le texte. Il faudra voir si les paroles correspondent au message que l’on souhaite véhiculer et qui est positif. On aura un droit de regard."