Un jour, un Diable: La trajectoire sinueuse de Fellaini
Avant d’exploser au Standard, Big Mo n’a pas toujours été un titulaire indiscutable en catégories de jeunes.
- Publié le 12-06-2014 à 17h19
- Mis à jour le 13-06-2014 à 11h33
Avant d’exploser au Standard, Big Mo n’a pas toujours été un titulaire indiscutable en catégories de jeunes. L’histoire qui suit n’est pas banale. Elle est celle d’un gamin au physique de basketteur mais qui n’a jamais pensé à un autre ballon que celui dans lequel on tape avec les pieds. Un gamin qui, quand il fut recalé à Mons à l’âge de 12 ans, ne s’imaginait sans doute pas un jour disputer une Coupe du Monde au Brésil. C’est pourtant l’incroyable destin de Marouane Fellaini.
Né à Etterbeek et inscrit à Anderlecht à l’âge de 7 ans, c’est en région montoise, où la famille Fellaini emménagea, que Marouane Fellaini s’est construit. A l’Institut Saint-Ferdinand de Jemappes, à deux pas de la rue Macdonald où il habitait, mais surtout sur les terrains de football. De Mons d’abord, des Francs Borains ensuite, le regretté Bruno Agazzi l’ayant jugé insuffisant pour poursuivre son chemin à l’ombre du stade Tondreau. C’est alors vers les Francs Borains qu’Abdelatif Fellaini, Tifo pour les intimes, aiguilla son rejeton.
Dans le Borinage , où il séjournera quatre années, Marouane fera la connaissance d’une des personnes qu’il considère comme étroitement liées à sa réussite : Karim Mariage. Encore aujourd’hui, l’ancien entraîneur des scolaires nationaux du RFB fait partie des privilégiés pour qui le Mancunien décroche son portable dès le premier essai.
"Je ne l’ai véritablement entraîné qu’une année, en scolaires nationaux, mais je l’avais appelé à plusieurs reprises en renfort l’année précédente" , se souvient Karim Mariage, devenu un des plus grands fans du Mancunien. "A l’époque, déjà, Marouane avait ce petit quelque chose en plus. Son gabarit était son principal atout mais malgré sa taille, il savait jouer au foot. Lors de sa dernière saison au club, nous avons raflé le titre dans une série fort relevée. Nous n’avons perdu qu’un match : le premier de la saison face à l’Olympic. Pour être rentré de vacances avec 15 jours de retard, Marouane était suspendu…"
Dans les années 2000, le terme box-to-box ne voulait encore rien dire. Pourtant, le frêle Fellaini courait déjà d’un rectangle à l’autre avec une facilité déconcertante. "Il avait une VMA extraordinaire."
Médian très offensif plutôt que récupérateur, le Belgo-Marocain planta cette saison-là une vingtaine de buts. La machine était lancée. Voilà pourquoi le Diable Rouge voue un profond respect à son entraîneur de l’époque.
"Les entraîneurs les plus importants de sa carrière sont Boskamp et Preud’homme, qui l’ont lancé chez les pros" , estime Karim Mariage. "De mon côté, je pense lui avoir permis de prendre conscience de ses qualités. Cette année-là, il fut pour la première fois appelé en sélection provinciale. Cela a été sa rampe de lancement."
Si on excepte l’épisode de la suspension suite aux vacances prolongées, Karim Mariage n’eut jamais à lever la voix sur son plus illustre élève. Il brosse le portrait d’un garçon à la mentalité exemplaire, qui n’en serait pas là sans son papa, ancien gardien de but à Casablanca.
Parfois encombrant pour les entraîneurs qu’il suppléait volontiers, Abdelatif fut, plus que quiconque, la clé de la réussite de son fils. "Avant ses 16 ans, seul son papa croyait en Marouane."
Aujourd’hui, les doutes qui accompagnaient Marouane à l’adolescence, principalement en raison de lacunes dans le jeu court, se sont évaporés. Il ne lui reste plus qu’à convaincre à MU , chose dont Karim Mariage ne doute pas.
"Tout dépendra, selon moi, de la Coupe du Monde qu’il réalisera. Mais une chose est sûre : Marouane ne doute de rien."
"Nous l'avons amené, Dessy l'a façonné"
Avec Daniel Striani, Neko Petrovic fut le premier agent de Marouane.
Entre les Francs Borains et le Standard, une saison seulement s’est écoulée. Une saison que Marouane passa à Charleroi, le président borain de l’époque, Jean Zarzecki, n’estimant pas utile de promouvoir Fellaini dans le noyau A malgré l’insistance de l’encadrement.
"Abdelatif, très malin, avait profité du départ en vacances du manager du club pour obtenir la libération de son fils auprès du président" , explique Karim Mariage. Ensuite, tout alla très vite, même si Marouane ne fut pas toujours titulaire avec les Espoirs du Sporting zébré.
"A l’époque, on nous l’avait présenté comme un attaquant de pointe" , se souvient Didier Beugnies, alors en charge du centre de formation de Charleroi. "Malgré tout, nous croyions en lui, même si personne ne pouvait imaginer qu’il réussirait la carrière qui est la sienne. Je me souviens d’ailleurs très bien d’une discussion entre les Fellaini et Mogi Bayat, à laquelle j’avais assisté. Mogi lui avait proposé exactement le même projet qu’au Standard : rester en Espoirs et passer pro à court terme en fonction de l’évolution sportive du joueur. L’aspect financier a dû intervenir."
Ce sont les agents Daniel Striani et Neko Petrovic, qui étaient à l’époque associés, qui ont amené Marouane Fellaini (désormais géré par Lucien D’Onofrio) au Standard.
"Marouane était réserve des Réserves de Charleroi" , souffle Petrovic. "Une connaissance nous en avait parlé et c’est à Emmen, lors d’un match avec les jeunes du Maroc, que nous l’avions vu pour la première fois. Il n’avait joué que les dix dernières minutes. Suffisant, cependant, pour étaler un potentiel physique impressionnant. Nous tenions là un joueur d’exception."
Marouane avait presque atteint son but : jouer en division 1. Christophe Dessy, responsable de la formation au Standard, lui permettra de passer le dernier cap en le façonnant pour le football professionnel.
"Dessy avait demandé à le voir à l’oeuvre en compétition ETT, face à Bochum si mes souvenirs sont bons" , poursuit Neko Petrovic. "En première période, au poste de médian défensif, Marouane fut fantastique, si bien que les gens de Bochum nous approchèrent à la mi-temps. Malgré un second acte nettement moins folichon en défense centrale, Christophe Dessy avait cerné le potentiel du joueur. Le lendemain, il signait son contrat."
Et de dévoiler qu’après les débuts européens d’un joueur qui n’avait alors que 19 ans, Tottenham proposa 1,6 million au Standard. Deux ans plus tard, Everton mettra 20 briques sur la table…
"Son papa a toujours cru en lui"
Anthony Senni, un des amis d'enfance de Marouane, témoigne.
Ils ont porté le même maillot quatre saisons durant mais aujourd’hui, l’un joue à Manchester United et l’autre à Pâturages, qui vient de fêter son retour au sein de l’élite provinciale hennuyère. Pour autant, le Diable Rouge n’a jamais oublié d’où il venait, ni avec qui il avait grandi.
"Nous sommes restés en contact jusqu’à son départ pour Everton. Quelques mois plus tôt, il était venu à mon anniversaire. Depuis, c’est via Karim Mariage que j’obtiens des nouvelles de Marouane" , confie Anthony Senni, avec qui Big Mo a évolué aux Francs Borains de 13 à 17 ans.
Avant cela, ils s’étaient affrontés à plusieurs reprises lors des derbies entre Mons et les Francs Borains.
"Nous ne nous aimions pas beaucoup. Il faut dire que nous étions deux médians accrocheurs" , révèle Anthony Senni, avec qui Marouane tissa des relations fortes une fois les deux gamins dans la même équipe.
Avec Adrien Leclercq, qui a, comme Senni, porté les couleurs de Boussu Dour en D2, Anthony et Marouane formaient l’épine dorsale de l’équipe de scolaires nationaux qui rafla tout sur son passage.
"Je m’occupais de la récupération pour que Marouane puisse donner libre cours à son tempérament offensif. Déjà à l’époque, c’était un vrai box-to-box ."
Dans les catégories de jeunes, la taille de Marouane était un atout. Mais selon son ami d’enfance, c’est un trait de caractère qui lui a permis de réussir au plus haut niveau.
"J’ai toujours été épaté par son ardeur au travail" , souligne Anthony. "Dans le vestiaire, on ne l’entendait pas plus qu’un autre. Il faut dire que son papa ne le lâchait pas d’une semelle. Tifo, comme on appelait Abdelatif, a toujours cru en Marouane."
On ne décèle aucune pointe de jalousie dans les propos de l’ancien camarade de Marouane : "Que du contraire, c’est une grande fierté d’avoir travaillé avec lui. Quand j’ai la chance de le voir à l’oeuvre, j’ai toujours une larme à l’oeil. En quelque sorte, je vis mon rêve de gosse à travers lui."
150.000 euros pour le RFB
A l’âge où Eden Hazard fit ses débuts en Ligue 1 , Marouane Fellaini était entre l’équipe scolaires des Francs Borains et le Sporting Charleroi, où il fut attiré par Khalid Karama. C’est toutefois dans le Borinage qu’il séjourna le plus longtemps en équipes de jeunes, ce qui permit au RFB de renflouer ses caisses suite au transfert du médian à Everton.
"Nous avons perçu, non pas des indemnités de formation que Charleroi nous a payées suite à son passage là-bas, mais une taxe de solidarité calculée sur base du nombre d’années passées chez nous" , précise Alain Battard, qui gérait le club boussutois à l’époque.
En tout et pour tout, le passage de Marouane aura profité aux Francs Borains à hauteur de 150.000€ environ. "Pour le club, cela aurait été plus rémunérateur qu’il demeure une saison de plus dans le noyau A. Mais pour être honnête, rien ne prédisait à l’époque qu’il réussirait. Même Charleroi ne l’avait pas mis sous contrat."