La fin de l'art Deco
Ce mardi, Deco a soufflé ses 36 bougies. C'était son premier anniversaire de retraité quelques semaines après avoir annoncé qu'il rangeait ses crampons. Une sortie discrète sur fond de dopage pour cet artiste de l'ombre qui aura illuminé le football mondial avec ses touches de balle, ses caviars et son engagement.
- Publié le 28-08-2013 à 19h38
- Mis à jour le 10-02-2015 à 14h52
Issu d'une famille de la classe moyenne bréislienne, Deco tape dans son premier ballon à l'âge de 10 ans. Contrairement à d'autres prodiges, personne ne décèle en lui un crack. Il effectue son écolage à Guarani avant de migrer dans le championnat Paulista où il porte successivement les maillots du Clube Atlético Juventus, du Nacional Atlético Clube et de Corinthians. Il y verra les pros de cette dernière équipe remporter le championnat de Sao Paulo et le championnat brésilien. Deco reçoit ensuite une brève chance avec le Timão. Mais, deux matchs et une demi-saison plus tard, le jeune joueur décide de s'engager avec Alagoano, sans plus de succès.
Le Brésil n'est pas convaincu des qualités du petit meneur de jeu qui décide alors de traverser l'océan Atlantique pour rallier le Portugal. C'est au pays de Pedro Cabral, l'homme qui a découvert le Brésil de manière fortuite en voulant contourner l'Afrique pour se rendre aux Indes, que Deco va voir sa carrière prendre une toute autre tournure.
Mais ce ne sera pas à Benfica où le staff de l'époque le trouve quelconque. Graeme Souness, le coach de l'époque, n'est d'ailleurs pas tendre à son sujet. Dans une interview, celui qui n'était pas réputé pour être un esthète lorsqu'il courrait après une balle sur le pré, affirmait : "Je n’aime pas les Brésiliens au milieu de terrain, je préfère les Anglais". Le message avait le mérite d'être clair.
Du coup, Deco tente sa chance dans des formations moins réputées comme Alverca et Salgueiros. Dans la première équipe citée, Deco réalise une belle saison. 32 matchs, 13 buts, il permet à ses couleurs de décrocher la troisième place de la 2e division avec une promotion parmi l'élite à clé. Dans la deuxième formation citée, qui évolue dans le milieu de tableau de l'élite lusitanienne, le succès n'est pas au rendez-vous. Le natif de São Bernardo do Campo ne dispute que 12 matchs et n'inscrit que deux petits goals. Mais cela n'empêche pas le FC Porto de lui proposer un contrat lors de l'hiver 1999. C'est surtout le début d'une belle histoire d'amour.
La rencontre de sa carrière : José Mourinho
Celle-ci battra réellement son plein à partir de 2002 avec l'arrivée sur le petit banc d'un certain José Mourinho. Celui qui n'est pas encore l'Happy One, ni même le Special One, décide de faire de Deco la pierre angulaire de son équipe. Au milieu des travailleurs chargés d'aligner les kilomètres, le natif du Brésil recevra un rôle d'électron libre. Un choix gagnant qui permettra aux Dragons de bien remplir l'armoire à trophées.
"A Porto, avant que Mourinho n'arrive, les joueurs étaient tristes", explique Deco. "J'étais inconsolable vu que j'avais passé trois saisons sans gagner une seule fois le championnat. Mais José était contagieux dans sa façon d'être et de travailler. Nous commencions à gagner match après match et rapidement nous sentions qu'il était possible de remporter le championnat. Nous jouions un beau football. Il est fantastique dans sa façon d'analyser ses adversaires et dans sa faculté à savoir comment jouer contre eux". Une véritable déclaration d'amour du petit meneur de jeu à son mentor qui ferait pâlir Lara Fabian.
Sous la férule du Mou, Porto réalise deux triplés. Un avec la Coupe UEFA en 2003 avant un second avec la Coupe aux grandes oreilles en guise de cerise sur le gâteau en 2004. Mais le succès du club portugais attire l'attention des grosses écuries européennes désireuses de dépouiller ce "petit poucet" qui a contrarié leurs desseins lors de la défunte saison.
C'est une véritable saignée que subissent les Dragons au cours de l'été 2004. La fin d'une époque surtout puisque Ricardo Carvalho et Paulo Ferreira accompagnent José Mourinho à Chelsea tandis que Deco prend la direction de la Catalogne où le Barça local a bien l'intention de dominer à nouveau la scène continentale.
L'Estadio Dragao peut désormais pleurer son stratège. Mais, Deco a quoiqu'il arrive laissé une empreinte indélébile dans l'histoire du FCP. Le président Pinto da Costa himself l'a même qualifié de légende. Le milieu de terrain a donc le droit de s'asseoir à la même table que les emblématiques Paulo Futre, Rabah Madjer ou Mario Jardel. Ni plus, ni moins.
"Bye Bye" Manuel Rui Costa
Après son titre mondial conquis au pays du Soleil Levant avec le Brésil, Luiz Felipe Scolari a décidé de reprendre en main la destinée d'une autre Seleçao, celle du Portugal. Très rapidement, le sosie de David Niven et Gene Hackman se penche sur le cas de Deco qui commence à peine à illuminer le FC Porto de son talent. Le meneur de jeu est naturalisé et ne revêtira jamais la tunique auriverde. Son avenir international, c'est sous les couleurs bordeaux et vertes du Portugal qu'il l'écrira. Mais pourquoi Scolari n'a-t-il pas repéré Deco lorsqu'il s'occupait du Brésil ? "Je pense que l'une de mes plus grosses erreurs, en tant que sélectionneur du Brésil, est de ne pas avoir pris Deco. Maintenant que je suis au Portugal, je suis content de ne pas l'avoir fait.", expliquait celui qui vient de remporter la Coupe des Confédérations avec le Brésil. Ne dit-on pas qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent jamais d'avis ?
Mais la sélection de Deco en équipe nationale provoque certains remous. Le joueur de Porto prend en effet la place d'une légende du football lusitanien, Manuel Rui Costa. L'homme aux chaussettes baissées fait partie avec Luis Figo de la génération dorée qui a conquis le titre mondial chez les moins de 21 ans en 1989 et 1991. Un monument.
La presse n'est pas favorable à cette "Brésilianisation" de sa Seleçao das Quinas. Figo, le capitaine, n'hésite pas à regretter le choix de son sélectionneur.
A l'aube d'un Euro 2004 qui se déroule sur ses terres, le Portugal baigne donc au milieu d'une polémique dont il se serait bien passé. Heureusement pour Scolari, son équipe atteint la finale. Et si la victoire tant espérée n'est pas au rendez-vous, la Lusitanie s'est découvert un nouveau diamant brut âgé de 19 ans. Son nom : Cristiano Ronaldo. Grâce à lui, le cas Deco passe au second plan. Ca tombe bien, le dépositaire du jeu portugais n'a pas spécialement évolué au même niveau que celui atteint à Porto.
Rui Costa a rongé son frein sur le banc pendant la majorité du tournoi. L'élégant numéro 10 est cependant sorti du bois en quarts de finale en claquant un but dans les prolongations contre l'Angleterre. Mais il a bien compris que dans l'esprit de Scolari, il n'était plus que le deuxième choix à son poste. L'homme aux chaussettes baissées prend sa retraite internationale après l'Euro. La voie est toute dégagée pour Deco.
De numéro 10 à numéro 8 au Camp Nou
Au Nou Camp, Frank Rijkaard a décidé que le spectacle serait de mise. Avec des créatifs comme Ronaldinho et Deco, le technicien néerlandais a de quoi faire. Mais pour équilibrer son système, il décide de reculer ce dernier sur l'échiquier. Désormais Deco évolue dans un rôle de relayeur qui lui donne moins l'occasion d'aller nettoyer les lucarnes ou de dribbler quelques adversaires. Anderson Luis de Souza distribue désormais les caviars et régale le public catalan sur chacune de ses transversales. Il "muscle" aussi son jeu pour participer à la récupération. Généreux dans l'engagement, il accumule les cartons jaunes et atteint sa pleine maturité footballistique. Deco étoffe surtout encore un peu son CV puisqu'il y ajoute deux Liga et une deuxième "Ligue des Champions" personnelle en 2006.
Après une saison de moins bonne facture, le Barça décide de se séparer de Rijkaard pour introniser Pep Guardiola. Si le Néerlandais était connu pour son laxisme, le nouvel entraineur entend ne rien laisser passer en matière de discipline. Exit donc les joyeux fêtards que sont Ronaldinho et Deco. Ce dernier n'avait d'ailleurs pas hésité à faire l'apologie de la fête dans une interview. "Les footballeurs ont le droit de sortir la nuit. Nous sommes jeunes!" Manifestement pas Guardiola qui a décidé de se passer de son clubber qui quitte Barcelone après avoir porté la vareuse Blaugrana à plus de 160 reprises et avoir planté 20 pions.
Mais ce n'est pas grave puisque Deco retrouve un certain Luiz Felipe Scolari à Chelsea. Après le Portugal et l'Espagne, le meneur de jeu semble bien décidé à conquérir le Royaume de sa gracieuse Majesté. Il quitte cependant la Catalogne sur une "fausse" note en affirmant dans une interview que "ce n'était pas avec Andrès Iniesta et Xavi que Barcelone allait remporter des titres". Raté.
Le début de la fin à Chelsea
Très rapidement, l'idylle entre le naturalisé portugais et Stamford Bridge vire au conte de fées. Chelsea accumule les cartons grâce à la vista d'un Deco qui est sacré "meilleur joueur du mois" dès août. Chez les Blues, il retrouve le rôle qu'il occupait à Porto mais il y a ajouté son abattage. Deco semble parfaitement taillé pour répondre aux exigences de la Premier League.
Mais les mauvais résultats vont ensuite s'enchainer et Luiz Felipe Scolari sera remercié par Roman Abramovitch. Ce départ précoce du technicien brésilien sonne le début du déclin de Deco. Guus Hiddink ne lui accorde pas sa confiance et son temps de jeu se réduit à une peau de chagrin.
Avec la venue de Carlo Ancelotti, la situation de Deco ne s'améliore pas pour autant. Le meneur de jeu décide alors de prendre deux grandes décisions en février 2010. Il annonce tout d'abord que la Coupe du monde 2010 sera sa dernière compétition internationale et qu'il retournera dans son Brésil natal à la fin de la saison. Il remporte encore le doublé avec Chelsea. Mais ces trophées là ont sans doute moins de saveur que ceux auxquels il a apporté sa pierre à l'édifice.
Treize ans après avoir débarqué sur le Vieux Continent, Deco retraverse donc l'océan Atlantique pour se rapprocher des siens. Une sortie sans faire de bruits. A l'image de ce personnage posé.
Le Flu artistique avec Fred
C'est donc à Fluminense que Deco pose ses valises pour le dernier chapitre de sa carrière. Mais pas question pour autant de se reposer sur ses lauriers. L'homme a encore faim de titres et remporte son premier Brasileirão en 2010. En soutien de Fred, le meneur de jeu régale de ses inspirations. Assists, transversales, dribbles. Il s'éclate comme jamais. Replacé au coeur du jeu par son entraîneur, Deco est moins prolifique puisqu'il ne marque que 7 fois en 92 apparitions. Il remporte une deuxième fois le championnat brésilien avant de devoir remiser les crampons un peu plus tôt que prévu.
Une fin de carrière sur fond de dopage
Sans doute que l'ancien international portugais aurait aimé franchir le cap des 100 matchs disputés avec Fluminense, mais un contrôle positif à un diurétique à la fin du mois d'avril aura eu raison de ce rêve. La principale caractéristique du produit retrouvé dans les urines du joueur est de masquer la prise de certains dopants. Le meneur de jeu a beau clamer haut et fort son innocence, l'échantillon B confirme les résultats de la première analyse.
Malgré cela, le tribunal de justice sportive de Rio finit par le blanchir. Il a en effet estimé que Deco n'avait pas consommé ce produit intentionnellement. Malgré cet épilogue heureux, Deco décide cependant d'annoncer la fin de sa carrière. "Mon corps n'en peut plus", affirmait le magicien lors de la conférence de presse. Il refermait ainsi la porte de son casier en reprenant ses 22 titres acquis au cours de ses 554 matchs disputés.
Obrigado mister Deco.