Cian Uijtdebroeks fixe ses objectifs pour sa première saison chez les pros : "Apprendre et viser le Tour de l’Avenir"
Cian Uijtdebroeks, le vainqueur du DH Challenge Ekoï des 17 et 18 ans, va passer des rangs des juniors à ceux des pros. Sans pression, mais avec ambition.
- Publié le 22-11-2021 à 16h40
- Mis à jour le 23-11-2021 à 18h02
Au bout de son intense saison 2021, qui l’a vu dominer la catégorie des juniors avec des prestations internationales, avec des envolées en solitaire sur les plus grandes courses des 17 et 18 ans, Cian Uijtdebroeks prépare déjà activement 2022. Pour sa première année chez les professionnels, puisqu’il va sauter la catégorie des espoirs, comme Remco Evenepoel ou Quinn Simmons ces dernières saisons. Le très prometteur jeune coureur d’Abolens, près de Hannut, a signé trois ans chez Bora-Hansgrohe. Entretien avec le vainqueur du DH Challenge Ekoï des juniors, venu à notre rédaction, ce dimanche, pour y recevoir son prix et évoquer sa riche saison 2021, avec son titre de champion de Belgique du contre-la-montre, sa deuxième place au championnat d’Europe de la discipline, sa sixième position au Mondial du chrono, mais aussi ses sept succès, dont ceux conquis à la Classique des Alpes, à Aubel-Thimister-Stavelot ou sur des étapes de la Course de la Paix, du Tour du Valromey…
Cian, on vous avait quitté à la fin du mois de septembre, à Louvain, avec vos chutes au championnat du monde. Et cette folle course-poursuite pour tenter de revenir en course. Comment allez-vous depuis ? Vous êtes remis de vos blessures ?
"J’ai longtemps eu mal après ces chutes, notamment au niveau du dos. Mais c’est globalement réglé aujourd’hui. Ce Mondial en Belgique, cela reste une déception, avec ces coups du sort (NdlR : il avait subi une déchirure musculaire juste avant la semaine arc-en-ciel). Mais j’ai tourné la page. En fait, j’avais déjà tourné la page dès la première chute à Louvain. Je me souviens que je m’étais demandé si ça valait la peine de continuer. Et puis je me suis dit que je n’avais pas fait tous ces efforts pour rouler cinq kilomètres au championnat du monde. J’ai donc continué, roulant à fond, en donnant tout. Peu importait le résultat. Des coups du sort, dans une carrière, ça arrive. Et ça arrivera encore, sans doute, même si je ne l’espère pas. Je peux donc vivre avec ça."
Votre saison a été intense et très riche avec vos victoires internationales. Qu’avez-vous appris en 2021 ?
"J’ai beaucoup appris cette année. Notamment le fait de devoir assumer le rôle de favori. Avant, je pouvais partir de loin, on ne me connaissait pas trop. Mais j’ai vite remarqué que tout le peloton me considérait cette année comme le favori. On ne m’a plus laissé partir, on me surveillait tout le temps, mes adversaires étaient toujours dans ma roue. Ce n’était pas évident. Il y a eu des faits de course qui n’ont pas été simples, comme au Tour du Valrommey, qui m’ont amené à commettre des erreurs, comme au championnat d’Europe sur route, sur lequel j’ai trop attaqué. Mais cela fait partie de mon apprentissage. Je suis content d’être passé par là. Chez Bora-Hansgrohe, ils m’en parlaient aussi dans ce sens. Ils évoquaient par exemple Peter Sagan, qui avait vécu ça chez eux, chez les pros. Quand il était au sommet de son art, peu de coureurs voulaient rouler avec lui. Cette année, j’ai aussi dû apprendre à gérer… la presse, les attentes médiatiques. C’est une forme de pression, par rapport aux attentes de victoires. Il faut parvenir à en faire abstraction, à se concentrer sur soi. Je suis donc content de mon apprentissage avant de partir chez les pros. Malheureusement, la pandémie du coronavirus nous a privés de nombreuses courses. Pour mon développement, j’aurais par exemple voulu faire les classiques flandriennes. Je n’ai pu disputer que Kuurne-Bruxelles-Kuurne en 2020 (NdlR : qu’il a remportée en solitaire). Cela a été une déception, même si je comprenais bien la situation."
Vous allez sauter la catégorie des espoirs. Comment sentez-vous cette première saison chez les pros ?
"Je ne me mets pas trop de pression. Je ne me dis pas que je vais faire une saison comme celle de Remco lors de sa première année chez les pros. Je suis dans l’optique de grandir tranquillement. Je pense que je ne dois pas me faire de soucis pour suivre les courses. Notamment celles de côtes. Se battre dans la finale des compétitions, ce sera sans doute autre chose. Si je n’y arrive pas en 2022, cela ne me posera pas de problème. Je me donne le temps pour me développer. On fera le point après ces trois premières années."
Votre préparation change beaucoup ?
"Le volume des entraînements devient plus chargé, bien évidemment. Je fais plus d’heures, plus d’exercices de musculation. On fait beaucoup d’analyses avec l’équipe, pour voir où se trouvent les faiblesses, comment les améliorer. Il y a aussi de l’apprentissage par rapport à la nutrition, voir ce qu’il est préférable de manger lors des journées de repos, lors des journées d’intervalle…"
Le cyclisme est marqué par la percée immédiate de jeunes talents, au plus haut niveau. Des jeunes qui arrivent déjà formés, avec une préparation très pro. Certains anciens coureurs se demandent combien de temps ils vont tenir mentalement avec ce niveau d’exigence. Cela vous inquiète ?
"L’approche du vélo a effectivement beaucoup changé ces dernières années. Les entraînements sont désormais définis par les watts. Pour résumer, quand on roule, on regarde juste notre compteur… et cela dès les catégories de jeunes. Il faut aimer ; ça, ce n’est pas uniquement pédaler pour le fun, pour le plaisir. Mais c’est mon cas, j’aime ça. J’aime travailler sur les watts. À tel point que je deviens parfois un peu fou si je ne peux pas le faire, si je me retrouve à un entraînement collectif avec l’équipe nationale, par exemple. Si je ne peux pas rouler comme je le veux, avec les watts que je voulais respecter, cela ne me convient pas, je considère que ce n’est pas un bon entraînement. Tout est donc devenu contrôlé, raison pour laquelle certains arrêtent. Raison pour laquelle cela me semble important qu’il y ait encore des libertés sur certains points. Comme la nutrition : je ne suis pas encore à compter tous les grammes de ce que je peux manger. Même si c’est un domaine que je vais améliorer progressivement."
Vous avez participé au premier rassemblement de votre équipe Bora-Hansgrohe récemment. Comment s’est déroulée votre intégration ?
"Très bien. Nous étions dans les montagnes en Autriche, pour un team building. On a fait du ski. On a aussi enchaîné des réunions. L’ambiance était très bonne. Même s’il y a eu beaucoup de changements au sein de l’équipe, notamment avec le départ de Peter Sagan. J’y ai senti beaucoup de motivation, peut-être même plus qu’avant. On tourne un peu la page des classiques avec une réorientation vers les Grands Tours. On a un solide effectif. On n’a peut-être pas les meilleurs coureurs actuels dans ce domaine, comme Tadej Pogacar ou Primoz Roglic. Mais nous avons des coureurs très forts qui peuvent encore progresser, se développer, comme la nouvelle recrue Vlasov. Et des jeunes comme l’Italien Aleotti. Ou moi… Dans le projet de Bora-Hansgrohe, il y a deux parties de l’équipe dans le groupe des grimpeurs. Il y a les leaders qui doivent faire des résultats et des jeunes grimpeurs qui sont en phase d’apprentissage, sans pression. Je suis content d’avoir tant de solides grimpeurs à mes côtés, pour apprendre. C’est idéal pour le développement des jeunes. Prenez l’exemple de Jonas Vingegaard chez Jumbo-Visma, un jeune qui a énormément progressé au contact des meilleurs. Et qui a reçu sa chance."
Vous êtes déjà proche de coureurs en particulier ?
"Comme j’étais dans l’équipe des juniors de Bora-Hansgrohe en 2021 (le Team Auto-Eder), j’avais déjà pu participer à un team building et à deux stages de deux semaines avec les pros. Je connais donc déjà pas mal de monde. Comme mon copain Wilco Kelderman, avec qui je m’entends très bien. Mon intégration a été très facile."
Vous connaissez déjà votre programme ?
"On est encore en train de le planifier. Normalement, je commencerai soit au Challenge de Majorque, soit au Tour de San Juan, en Argentine. Il est ensuite prévu que je m’aligne sur des plus petits tours, comme celui des Alpes. Si cela se passe bien, il est possible que j’essaie également une épreuve WorldTour. On devrait aussi établir un programme avec le Tour de l’Avenir comme un des objectifs de la saison. Ce n’est pas une course pro, c’est une épreuve pour les espoirs, mais cela reste une épreuve de référence. Cela peut être bien dans cette année d’apprentissage de me fixer un objectif, pour aller chercher un résultat."
L’option d’un Grand Tour en 2022 est-elle envisagée, ou c’est trop tôt ?
"Non, c’est trop tôt. Peut-être en deuxième année chez les pros, mais sans doute en troisième année. On va d’abord commencer avec des courses d’une semaine, peut-être d’une semaine et demie maximum. On part avec l’idée de me former pour que je devienne un coureur de classement général, mais on ne sait pas comment le corps va évoluer, changer. On peut prendre des muscles et devenir plus un coureur comme Maximilian Schachmann, plus taillé pour les classiques difficiles. On fera le point après ces trois premières années."