Julian Alaphilippe: un doublé (presque) inattendu à Louvain
Julian Alaphilippe a déjoué les pronostics, les statistiques et s’est étonné lui-même.
- Publié le 27-09-2021 à 19h19
- Mis à jour le 30-09-2021 à 19h44
Au départ d’Anvers, le tenant du titre n’était pas le favori à sa propre succession. Et même s’il était présenté comme l’un des principaux prétendants, il n’était pas considéré comme le plus dangereux rival de Wout Van Aert.
Une histoire à écrire
Les statistiques ne jouaient clairement pas en la faveur de Julian Alaphilippe. En effet, jamais un Français n'était parvenu à gagner deux championnats du monde et donc, évidemment, à conserver son titre. Louison Bobet, André Darrigade et Bernard Hinault s'étaient approchés des deux maillots arc-en-ciel, voire du doublé. Le Breton, titré en 1954, avait dû se contenter de l'argent en 1957 et 1958. Le sprinteur landais, doyen des champions du monde encore en vie et présent à Louvain ce dimanche, était monté trois années de suite sur le podium, avec le bronze en 1958, l'or en 1959 et l'argent en 1960. Le "Blair eau" fut aussi très proche du doublé en 1981, seulement battu au sprint par Freddy Maertens et Giuseppe Saronni, un an après sa démonstration de Sallanches.
Jamais la France, en tant qu’équipe, n’était d’ailleurs parvenue à conserver un titre, laissant au mieux trois ans entre deux maillots arc-en-ciel (1933-1936, 1959-1962, 1994-1997). Mais les statistiques sont faites pour être contredites et Julian Alaphilippe a sans doute conquis, ce dimanche, une place à part dans l’histoire du cyclisme hexagonal.
Une partie de poker à gagner
Un peu plus de deux semaines avant le mondial, lors du Tour de Grande-Bretagne, Julian Alaphilippe avait été dominé par un Wout Van Aert en état de grâce. Et ce même sur son propre terrain de jeu. L'Auvergnat a su jouer sur cette impression pour s'enlever un maximum de pression avant le jour J. En faisant d'abord part de son soulagement de s'affranchir d'un maillot qui lui conférait "un peu moins de liberté" et lui mettait "une forme de pression". En assurant, ensuite, qu'il n'était pas le seul atout de l'équipe de France où "tout ne reposerait pas sur (lui)". Enfin, en adoubant son successeur désigné tout en lui lançant un défi. "S'il veut le veut vraiment, qu'il aille le chercher comme j'ai été le chercher", assurait le puncheur Deceuninck-Quick Step la veille de la course. Une façon d'ajouter de la pression sur les épaules de Wout Van Aert alors que l'Anversois en avait sans doute déjà largement assez.
Une course à durcir
La course féminine de samedi n'a pas dû inspirer confiance à Julian Alaphilippe. Car la répétition d'un tel scénario, c'est-à-dire un sprint à vingt, ne pouvait jouer en sa faveur et aurait sans doute favorisé les plans de Wout Van Aert, de Sonny Colbrelli ou de Florian Sénéchal et de Christophe Laporte chez les Bleus. Mais la tactique agressive des hommes de Thomas Voeckler a rendu la course très difficile. "On voulait lancer les attaques avant les autres et qu'on nous prenne pour des fous. Nous savions que ce serait une course de mouvements et on voulait les faire avant tout le monde", confessait le sélectionneur français après la course.
Le harcèlement continuel des équipiers de Julian Alaphilippe a fini par épuiser tout le monde, y compris le grandissime favori de la course. "Ce fut une course très exigeante, il a fallu rouler vite dès le début de course. Si on considère le moment crucial, le final, on voit que Julian Alphilippe était le plus fort de tous, il a placé plusieurs attaques et a été le seul à pouvoir le faire. À la fin, il était impossible de répondre", concédait Wout Van Aert après coup.
Plus une course est dure et plus il y a de chances que le plus fort émerge à la fin.
Un jour parfait pour se sublimer
"Je me sens vraiment de mieux en mieux, je sais que je serai là, j'ai travaillé dur pour être là", avançait Julian Alaphilippe deux jours avant la course. Mais même s'il était sans doute intimement persuadé qu'il était capable de réaliser le doublé, le Français de 29 ans s'est un peu surpris lui-même. Le coureur Deceuninck-Quick Step a finalement marqué le final de la course de son panache en se détachant à 17 kilomètres de l'arrivée au terme de sa cinquième attaque.
Julian Alaphilippe s'est ensuite longtemps maintenu avec une avance très inconfortable avant de logiquement prendre le large au moment où ses quatre poursuivants directs ont commencé à penser aux médailles d'argent et de bronze. "Ce n'était pas prévu, je ne pensais pas que j'étais capable de tenir jusqu'au bout. Je suis content", s'est réjoui l'Auvergnat après avoir reconduit son bail en arc-en-ciel d'un an.
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