Richard Virenque préface le Tour de France: "Pour certains, Froome restera coupable"
Le septuple maillot à pois du Tour nous a reçus chez lui pour préfacer la Grande Boucle qui démarre samedi.
- Publié le 04-07-2018 à 12h29
- Mis à jour le 04-07-2018 à 12h31
Le septuple maillot à pois du Tour nous a reçus chez lui pour préfacer la Grande Boucle qui démarre samedi.
Sur la terrasse verdoyante de sa jolie et charmante maison d’Uccle, Richard Virenque tend son visage vers le soleil comme il pointait autrefois le doigt vers le ciel pour célébrer ses succès.
"Mais qui donc a bien pu dire un jour que la Belgique était le pays de la pluie ? (rires)"
Au retour d’une harassante journée de travail composée de réunions comptables et juridiques pour ses affaires (lire plus loin), le septuple maillot à pois du Tour de France (48 ans) nous a reçu chez lui pour préfacer la prochaine Grande Boucle autour d’une Leffe et d’un morceau de fromage, dans un accueil "à la belge".
Richard, quel sentiment vous habite aujourd’hui à quelques jours du départ d’un Tour sur lequel vous multiplierez à nouveau les casquettes ?
"J’ai toujours autant de plaisir à être présent sur cette épreuve et à y vivre des moments de course sympas. Je travaillerai lors des trois prochaines semaines pour Carrefour, partenaire du maillot à pois, et serai également consultant pour Eurosport et Europe 1. Même derrière un micro, il m’arrive encore de vibrer comme si j’étais sur le vélo. L’année dernière, lorsque Warren Barguil a remporté l’une de ses deux étapes, il a posé le même geste que moi à l’époque pour célébrer son succès. Cela réveille alors forcément des choses (rires) …"
Votre emploi du temps est, paraît-il, minuté durant trois semaines…
"Oui, on peut dire cela comme ça. Ce sont des longues journées qui commencent vers 8 h pour se terminer sur le coup de 21 h, mais j’aime ça. Au soir de l’arrivée sur les Champs-Élysées, je me sens cependant totalement à plat. La fatigue est bien plus écrasante que celle avec laquelle je devais composer à mon époque de coureur. Une petite semaine me suffisait alors pour récupérer. Aujourd’hui, j’ai parfois l’impression que je ne me relèverai pas (rires) ."
Le sujet qui a été sur toutes les lèvres ces derniers jours, c’est bien évidemment l’affaire Froome. Que vous inspire ce dossier ?
"L’incompréhension. Comment est-il possible d’avoir besoin de neuf mois pour trancher dans cette affaire ? Avant que le Britannique ne soit blanchi, la pression que certains avaient installée sur ses épaules était absolument détestable. On l’invitait à faire un pas de côté alors que ce type de décision ne lui appartenait aucunement. Il y a des règlements qui sont là pour décider de tels cas. Certains l’on fait monter sur une estrade pour ensuite le voir se faire guillotiner médiatiquement… Le climat délétère de ces derniers mois n’est aucunement imputable à Froome. Il appartenait aux dirigeants du cyclisme mondial de trancher. Cette longue attente a évidemment nui à l’image du coureur mais aussi à celle de tout un sport."
L’affaire a désormais été classée par l’UCI. Une décision qui met un terme à toutes les polémiques selon vous ?
"Non pas vraiment malheureusement. Depuis décembre, Froome a été placé au cœur d’une arène dans laquelle on avait lâché les lions. Les choses sont désormais clarifiées, mais l’image du coureur est définitivement écornée dans l’esprit d’une partie du public pour qui le quadruple vainqueur du Tour restera coupable. Dans ce genre de cas, c’est toujours le coureur qui trinque… La fédération ne protège pas ceux-ci ni même la réputation de la discipline qu’elle porte."
L’atmosphère dans laquelle le leader de la Sky va évoluer durant trois semaines risque tout de même d’être quelque peu hostile. Dans quelle mesure un tel contexte peut-il impacter la performance ?
"C’est souvent un peu quitte ou double. Froome est un grand champion et tout cela pourrait même le rendre plus fort. C’est en tout cas comme cela que j’avais réagi personnellement en 1999 ( NdlR : les organisateurs avaient souhaité interdire le départ au Varois avant que l’UCI n’annule cette décision pour vice de procédure) , lorsque j’ai remporté mon cinquième maillot à pois un an après (l’affaire Festina) . Chaque matin, le cirque médiatique avec lequel il me fallait composer avait quelque chose d’insupportable. Mon directeur sportif chez Polti à cette époque avait trouvé une solution pour me permettre de me détendre et m’isoler : il m’avait préparé un walkman avec du Mozart (rires). Moi qui étais fan de funky, cela me changeait… Mais cela m’a permis de rester zen. J’espère aussi que le public ne manifestera pas une trop grande hostilité à l’égard du leader de la Sky. Même si vous engagez des gardes du corps pour les départs et les arrivées, cous restez à la merci d’un individu une fois en course…"
Au-delà de ce cas, que pensez-vous de sa tentative de doubler Giro et Tour ?
"C’est osé, car tout le monde s’y est cassé les dents depuis près de 20 ans. Mais il a gagné le Tour d’Italie de manière extrêmement intelligente. Il n’est arrivé au mieux de sa forme que lors de l’ultime partie de l’épreuve et a tapé un seul grand coup pour renverser le classement général. C’était la meilleure stratégie pour pouvoir ensuite enchaîner avec le Tour. Le tracé de cette Grande Boucle est cependant tellement piégeux dans sa première partie que même un coureur en grande forme peut se retrouver totalement hors du coup après une semaine."
Êtes-vous d’accord pour dire que le Tour n’a peut être jamais paru aussi ouvert ?
"Oui, c’est vrai même si on avait déjà pensé cela dans le passé (sourire). Derrière Froome il y a effectivement un gros peloton de rivaux capables de le renverser. Nibali pourrait par exemple tirer profit du parcours. J’aime son tempérament, c’est un agitateur de course (rires). Il sait surprendre ses concurrents. Il peut se passer tellement de choses en première semaine qu’il me paraît impossible d’avancer le nom d’un favori. Les organisateurs ont bien fait les choses !"
"Alaphilippe est le coureur qui me ressemble le plus"
Maillot à pois du Tour de France à sept reprises, Richard Virenque a construit une bonne partie de son palmarès et de sa popularité autour de ce paletot distinctif. "La conquête du classement de la montagne correspondait parfaitement à mon tempérament, à ma personnalité. Pour ramener les pois à Paris, il faut se lancer dans un combat quotidien dès que la route s’élève, sans jamais trop calculer. Si je devais schématiser, le maillot jaune incarne le premier élève de la classe studieux et appliqué alors que la tunique blanche à pois rouges colle plutôt à l’image d’un trublion, doué mais parfois indiscipliné."
Le Francais identifie-t-il aujourd’hui un potentiel successeur ? "Barguil ? C’est vrai qu’il me ressemble un peu dans la manière de courir, mais pas dans la personnalité, il est trop réservé. Je me sens plus proche de Julian Alaphilippe. Proche du public et ambianceur, il ne tient pas en place. Sa qualité première reste son formidable punch, mais je suis persuadé qu’il pourrait réussir de belles choses en changeant une ou deux petites choses dans son entraînement. Je le connais bien et en ai déjà discuté avec lui. Cela viendra peut-être plus tard (rires) .
Je sais que votre compatriote Thomas De Gendt a fait du classement à pois un objectif sur ce Tour. Au vu de son tempérament, il est tout à fait capable d’aller le chercher, mais la réalisation de ce défi dépendra de l’adversité. S’il est en match avec un véritable grimpeur, cela me paraît tout de même compliqué…"
"le bois de la Cambre, c'est mon bureau"
Installé à Bruxelles depuis six ans, le Varois se plaît beaucoup dans notre capitale
Installé à Bruxelles depuis 2013, Richard Virenque semble être tombé sous le charme de notre capitale.
"J’ai d’abord habité à Saint-Gilles avant de déménager et de me poser à Uccle, dans le très agréable quartier de la place Saint-Job, confie le septuple vainqueur du maillot à pois sur le Tour de France. On est vraiment bien chez vous vous savez (rires) ! Je possède également une seconde maison dans les Caraïbes où je passe l’essentiel de l’hiver. Je suis donc surtout dans votre capitale à la belle saison."
En authentique bruxellois , il possède sa liste de bonnes adresses. "Tout en haut de celles-ci, je place… le bois de la Cambre. C’est bien simple, j’y vais absolument tous les jours dès que je suis à Bruxelles. Je m’y promène et y passe aussi énormément d’appels téléphoniques. J’en ai fait un deuxième bureau (rires). Bénéficier d’un tel cadre de vie en plein cœur d’une capitale européenne, c’est absolument formidable."
Très régulièrement, le Français enfile également ses baskets pour mettre le cap vers la forêt. "Je m’entretiens physiquement en courant et ai quelque peu délaissé mon vélo. La vie en ville présente d’innombrables avantages mais aussi quelques inconvénients comme celui que plusieurs dizaines de minutes soient nécessaires pour en sortir à vélo avant de profiter de routes plus paisibles. Si je vivais à une vingtaine de kilomètres d’ici, je serais assurément chaque jour ou presque en machine parmi les innombrables groupes de cyclos qui sillonnent vos campagnes."
Mais au-delà des plus beaux endroits de notre capitale, c’est aussi l’art de vivre à la belge qui plaît beaucoup à Richard Virenque.
"Il y a ici un sens de l’accueil que l’on ne retrouve pas ailleurs. Sans chichis, on vous reçoit comme des amis de toute une vie même à la première rencontre. Le Belge n’a pas de filtre et c’est sans doute cela qui fait qu’une communauté très cosmopolite se sent à l’aise à Bruxelles."