A la rencontre de Karel Sabbe, le dentiste belge plus fort que Scott Jurek, célèbre ultra-marathonien américain
- Publié le 19-10-2018 à 16h22
- Mis à jour le 19-10-2018 à 16h23
Le Waregemois Karel Sabbe, après avoir couru 3.510 kilomètres sur l’Appalachian Trail, possède désormais deux records sur des prestigieux sentiers de randonnée américains.
Aux États-Unis, l’importante communauté de trekkeurs et traileurs est tenue en haleine par les FTK, abréviation de Fastest Known Times, réalisés sur des sentiers de randonnées classiques. Deux des records appartiennent à un dentiste belge passionné d’ultrafond. Le 28 août dernier, Karel Sabbe, 28 ans, terminait un périple de 3.510 kilomètres (!) en 41 jours, 7 heures et 39 minutes sur l’Appalachian National Scenic Trail.
Ce sentier se situe sur la Côte Est des États-Unis et relie le Mont Springer (1.153 m), dans la forêt nationale de Chattahoochee-Oconee de l’État de Géorgie, au Mont Katahdin (1.606 m), qui se trouve dans le Maine et le parc d’État Baxter. Au total, 14 États américains sont traversés par le sentier.
Ces dernières années, des ultra-traileurs de renom comme Karl Melzer ou Scott Jurek ont détenu le record de l’Appalachian Trail. Mais en 2017, le trekkeur Joe McConaughy se l’accaparait avec un chrono de 45 jours 12 heures et 15 minutes, le tout sans assistance. Le record de Sabbe est considéré comme effectué avec assistance, même s’il n’y a eu que deux ou trois personnes à ses côtés. Officiellement c’est donc Scott Jurek que l’ultra-traileur waregemois, dentiste de profession résidant désormais à Gand, a effacé des tablettes. Nous sommes revenus avec lui sur son parcours et la préparation de ce record.
Comment se passe la récupération depuis la quête de votre record ?
"Lentement, j’ai été courir seulement deux fois (NdlR : l’interview a été réalisée à la mi-septembre) mais ça allait très difficilement. Les jambes sont fatiguées mais je me sens bien à l’idée d’aller courir. Pour une récupération complète, il faudra évidemment pas mal de temps."
Avant le trail, vous étiez surtout footballeur…
"J’ai joué au Racing Waregem au niveau national, mais ce n’était pas évident à combiner avec mes études universitaires à Louvain. J’ai continué à jouer pour le plaisir avec des amis mais j’étais souvent blessé."
Vous avez couru deux marathons, à chaque fois sous les trois heures avant de vous orienter rapidement vers le trail. Pourquoi ?
"Les marathons, c’était pour accompagner un ami. Le trail est ma passion parce que c’est synonyme d’aventure, de plaisir, de traversées de rivière… C’est du pur fun. Et c’était mieux pour réduire le risque de blessures qui sont plus nombreuses sur asphalte."
Vous vous êtes ensuite dirigé vers des formats de courses de plus en plus longs pour en venir aux chemins de randonnée. Comment s’est faite cette évolution ?
"J’ai toujours été un randonneur et c’est comme cela que j’ai appris à connaître le trail. J’avais déjà fait le GR20 en Corse et la Trans-Pyrénées. J’ai remarqué que je pouvais faire ces routes beaucoup plus rapidement et voir plus de paysages que si je marchais. Sur le Pacific Crest Trail, je me suis rendu compte que je pouvais courir longtemps sans ressentir un gros impact sur mon corps. Après des courses de 60-70 bornes, je pouvais recourir facilement le lendemain. L’idée m’est venue d’augmenter un peu ce kilométrage pour arriver à effectuer 70 à 80 kilomètres sur plusieurs jours. C’était la bonne décision."
Vous détenez d’ailleurs aussi le record sur le Pacific Crest Trail, un sentier de 4.500 kilomètres reliant le Mexique au Canada que vous avez parcouru en 52 jours, 8 heures et 25 minutes, soit une moyenne de 81,5 km par jour. Quelles sont les particularités des sentiers américains par rapport aux européens ?
"L’Appalachian Trail est le couloir d’une région naturelle protégée. Sur les 3.510 kilomètres, vous n’avez que 30 kilomètres d’asphalte. Lorsque vous vous arrêtez aux points de vue, vous ne voyez que de la nature autour de vous. Sur d’aussi longues distances en Europe, c’est beaucoup plus difficile de ne pas tomber sur une zone urbanisée. Avoir autant de nature sur 98 à 99 %, c’est un rêve pour un traileur."
La "Continental Divide", qui est la dernière couronne qui vous manque de la "Triple Crown of Hiking", est-elle l’un de vos prochains objectifs ?
"Le gros problème est que cette piste n’est pas aussi officiellement balisée que l’Appalachian Trail et que le Pacific Crest Trail. Cela ne changera probablement pas avant une dizaine d’années. Mais évidemment, si cela devait changer, ce serait un rêve de le faire."
Sur l’Appalachian Trail, vous avez battu le record d’un grand monsieur du trail, Scott Jurek. Pensez-vous vous attaquer à ceux d’autres d’athlètes connus comme François D’Haene sur le John Muir Trail ou Kilian Jornet sur la Trans-Pyrénées ?
"Je connais le John Muir Trail (338,6 km) car il fait partie du Pacific Crest Trail. Pour le moment, l’accent est mis sur les très longs sentiers. Le prochain objectif sera encore probablement une piste de 3.000 kilomètres ou plus. Pour la Trans-Pyrénées, je devrais voir en détail quelle route a parcouru Kilian et à quelle moyenne quotidienne de kilomètres. De plus, dans son documentaire, j’ai vu qu’il avait un large entourage pour le soutenir. Ce ne sera en tout cas pas facile."
"Je m'entraîne en Flandre"
Courir n’est pas le métier de Karel Sabbe, qui exerce comme dentiste.
"Il est important de gérer son emploi du temps très efficacement", confie-t-il au sujet du difficile équilibre à trouver pour mener à bien de tels défis sans en oublier le reste. "Par exemple, j’ai effectué de nombreuses séances d’entraînement en conditionnement physique sur un équipement tel qu’un stairmaster, où vous pouvez faire beaucoup de mètres d’altitude en un temps relativement court."
Pas question pour le Flandrier de filer dès qu’il le peut à la montagne, voire au sud de la Belgique, pour y chercher un peu de dénivelé positif. "J’ai choisi de m’entraîner à proximité de Gand ou des Ardennes flamandes parce que pour aller dans les Ardennes, vous devez compter le temps perdu avec le déplacement. Tout comme pour les stages dans les Alpes. Quand vous prenez deux mois de congés pour le record, vous ne pouvez pas en prendre plus. En mars, François D’haene est venu faire une initiation au mont de L’Enclus. J’y ai également reçu de nombreux conseils intéressants. Par exemple, les pentes des Ardennes flamandes sont trop courtes alors que j’ai besoin de plus longues. Mais en faisant un exercice au préalable, par exemple un wall sit, puis en marchant sur la pente et en effectuant à nouveau un exercice tel que des fentes, vous augmentez l’intensité musculaire."