Koen Naert, champion d'Europe du marathon: "J’ai trouvé la confiance qui me manquait"
Koen Naert a brillamment remporté le titre de champion d’Europe sur marathon
- Publié le 13-08-2018 à 10h35
- Mis à jour le 13-08-2018 à 16h35
Koen Naert a brillamment remporté le titre de champion d’Europe sur marathon L’image de son arrivée en solitaire sur la Breitscheidplatz, drapeau belge sur les épaules, Koen Naert en avait rêvé. Mais du rêve à la réalité, il y avait 42,195 km et une longue souffrance pour notre compatriote, arrivé à Berlin vendredi avec le 8e temps d’engagement mais surtout des raisons objectives de croire à l’exploit.
"J’ai toujours eu des difficultés à exprimer mes ambitions mais là, je savais que j’étais bien", explique-t-il après avoir séché les larmes qui avaient coulé instantanément sur ses joues à l’arrivée. "Ce dimanche matin, j’étais très nerveux. Ne l’ayant jamais vraiment été, je ne savais pas trop si c’était un bon ou un mauvais signe. Mais j’ai réussi à transformer cette nervosité en force. C’est fantastique, fou, incroyable ! J’ai du mal à réaliser."
Koen, quand avez-vous compris que vous aviez course gagnée ?
"C’est difficile à dire, on n’est jamais tout à fait sûr dans un marathon. Donc seulement quand j’ai franchi la ligne d’arrivée…"
Quand avez-vous pris la décision de porter votre attaque ?
"Sous mon impulsion, on s’est retrouvé soudain à trois (NdlR : avec le Suisse Abraham, 2e en 2h11.24, et l’Italien Rachik, 3e en 2h12.09) au km 30. Le compte était vite fait : le podium était en train de se jouer. Alors même que je n’avais pas trop puisé dans mes ressources. Je me sentais très fort, surtout depuis la mi-course, alors on a insisté. Au ravitaillement, mon ostéo qui m’a crié de suivre mon propre tempo, que les autres étaient davantage en difficulté. Au km 32, ils ont très vite lâché et je ne me suis plus jamais retourné jusqu’à l’arrivée. J’ai réussi à hausser encore un peu le tempo mais j’étais aussi conscient que je pouvais exploser. Alors j’ai fait en sorte de garder de l’énergie. Ce n’est pas le plus fort, mais le plus malin qui a gagné."
Quarante-sept ans après Karel Lismont, un marathonien belge est champion d’Europe…
"Fou, hein ? Avec un record des championnats en plus (NdlR : 2h09.51, une amélioration de 25 secondes sur son précédent record) . Mon Dieu, quelle journée ! Quelle journée. Je savais que j’étais bien mais faire un marathon en 2 h 10 dans un grand championnat, c’est une très belle performance. OK, le parcours est plat mais quand même. Je me suis agréablement surpris."
Mais on peut dire que vous avez mis toutes les chances de votre côté au cours de votre préparation….
"Oui, on peut le dire. J’avais dit avant la course : si je gagne, je gagne; si je suis 8e et que 7 concurrents sont meilleurs alors que j’ai tout donné, eh bien c’est comme ça. Mais c’était donc la première hypothèse. Incroyable."
Nafi Thiam a dit, au soir de son titre, qu’il y a trois ans, elle n’aurait pas cru pouvoir réaliser tout ce qu’elle a réalisé. En est-il de même pour vous avec le marathon ?
"Oui, certainement ! J’essaie parfois de faire comme beaucoup d’autres et de dire : je veux une médaille ou je veux gagner . Mais ce n’est pas trop dans ma nature. Ici, toutefois, j’avais le sentiment pendant toute la préparation que tous les paramètres étaient au vert et que c’était peut-être ma chance, que c’était le moment pour moi. Je sentais que c’était possible ! Ça tournait bien à l’entraînement, j’avais un bon pressentiment et celui-ci s’est confirmé. Je crois que la confiance en moi, c’était un peu la pièce manquante du puzzle."
Comment avez-vous vécu cette Brabançonne ?
"Je savais que je ne devais pas trop regarder en direction de ma famille parce que je suis une vraie pleureuse . Je ne voulais pas penser à quelque chose en particulier ou à des moments émouvants, parce que j’avais déjà assez pleuré à l’arrivée. Mes parents, qui ne sont plus venus m’encourager depuis longtemps étaient là, ma femme aussi. Dommage que mon petit garçon n’était pas présent mais il est encore un peu petit pour comprendre tout ça."
"Je vais rester Koen Naert''
Le prochain grand objectif du marathonien ? Les JO de Tokyo
Ancien coureur de 5.000 m (13:32.83) et de 10.000 m (28:32.29), Koen Naert a réorienté sa carrière en 2015, année où il a perdu la confiance de la ligue flamande et où il a rejoint son pendant néerlandophone, la LBFA, via le club du Royal Excelsior SC. Mais pourquoi le marathon ?
"Il est ressorti de tests de lactate que j’étais quelqu’un qui devait évoluer vers de longues distances", explique cet infirmier de profession. "Ici, je suis devenu champion d’Europe à mon septième marathon, je ne peux donc pas avoir de regrets."
Est-ce une petite revanche sur la fédé flamande ?
"Je ne pense pas comme cela. Je suis content que la LBFA et l’Adeps m’aient donné ma chance. Je suis heureux de pouvoir leur offrir ce titre européen pour avoir cru à mon projet à long terme, ce qui était très important. Désavouer un athlète de 26 ans, même si c’est un marathonien, ce n’était peut-être pas la meilleure décision que la ligue flamande qu’ils aient prise…"
Que va changer ce titre pour vous ?
"Je ne sais pas encore très bien. Je vais rester Koen Naert, comme avant, et ce n’est pas parce que je suis champion d’Europe que je vais commencer à me prendre la tête à propos de mon statut. Je vais rester le même, continuer à travailler dur en direction des prochains Jeux Olympiques et garder les pieds bien sur terre."
Votre prochain grand objectif, c’est Tokyo 2020 ?
"Oui, on peut le dire. Tokyo sera très difficile. Ici, c’était un peu une répétition générale. Au début de l’année prochaine, je veux encore signer un bon chrono dans un marathon rapide. En revanche, je ne suis pas certain de participer au marathon des Mondiaux à Doha, qui va se courir à minuit. Je n’ai pas l’habitude de cela et je ne vais peut-être pas prendre le risque."
Une nouvelle alimentation
L’athlète de 28 ans affiche un taux de masse grasse de 4,7 % à Berlin
La vie d’un athlète, et à plus forte raison peut-être, celle d’un marathonien, est faite de sacrifices. Koen Naert n’échappe pas à la règle.
"Si je dois tout expliquer, j’en aurai pour une heure ou deux !" rigole-t-il. "Vivre comme un marathonien n’est pas évident, c’est 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, toute l’année. Ce n’est pas intensif en permanence mais il faut vraiment travailler beaucoup pour y arriver. Je suis quelqu’un qui calcule très bien ses pics de forme. Quand je regarde mon taux de masse grasse, qui est habituellement de 7,9 % alors qu’il est maintenant de 4,7%, c’est la preuve que j’ai bien travaillé. C’est pour cette raison que je peux être un peu moins regardant pendant l’intersaison, ce sont des choix que je pose. Je préfère être deux fois à 100 % pendant l’année que d’être toute l’année à 90 %."
Surtout, il porte à présent une attention accrue à son alimentation. "Depuis mes débuts en marathon, je voulais franchir une étape chaque année pour m’améliorer et là, depuis janvier, je travaille avec la nutritionniste Stéphanie Scheirlynck. J’ai changé totalement mon alimentation. Étant assez gourmand, je pouvais très bien manger des frites par exemple dans le passé, je ne faisais pas trop attention mais c’est terminé. Et visiblement, cette nouvelle approche fonctionne ! J’arrive, en plus, à faire des efforts sans trop y penser, sans trop de difficulté. Il est vrai que c’est plus facile quand les résultats suivent. Vous savez, le sport de haut niveau, c’est davantage que simplement s’entraîner et récupérer. Il faut être en ordre au plan mental et faire en sorte d’avoir une bonne équipe autour de soi. C’est une autre clé de mon succès : pendant sept ans, j’ai régulièrement déménagé tandis que maintenant, j’ai acheté une maison et je suis enfin stabilisé. Je travaille avec les bonnes personnes autour de moi."
Ce titre européen salue aussi son sens du détail.
"C’est vrai, je ne voulais rien laisser au hasard", dit-il. "J’ai fait attention à tout. Je ne suis, par exemple, sorti de la chambre d’appel qu’au tout dernier moment pour rester au maximum à l’ombre, je me suis versé de l’eau sur la tête, j’ai porté une veste réfrigérante jusqu’au tout dernier moment. Et ce n’est pas un hasard non plus si je suis le seul avec un maillot blanc, que j’avais tout spécialement demandé à la fédération. Mis bout à bout, ces détails font une grande différence au final."