Julien Gorius raconte son expérience en Chine: "J’y suis allé au moment où c’était encore possible d’y aller"
Julien Gorius revient tout juste de Chine où il a passé 10 mois. Il témoigne pour la DH.
- Publié le 04-01-2017 à 10h49
- Mis à jour le 04-01-2017 à 10h53
Julien Gorius revient tout juste de Chine où il a passé 10 mois. Certains y arrivent à l’instar d’Axel Witsel, d’autres en reviennent tel Julien Gorius. Le Français rentre de 10 mois passés en Chine au sein du Changcun Yutai FC dans le nord est du pays, à égale distance de la frontière avec la Corée du Nord et la Russie. Une expérience que le milieu ne regrette pas et qu’il a accepté d’évoquer longuement. Un témoignage qui aide à y voir plus clair sur le nouvel eldorado du football mondial.
Julien, quel bilan faites-vous de votre expérience en Chine ?
"J’ai signé en février. C’est difficile. Pour bien faire en Chine, il faut s’inscrire un peu plus dans la durée parce que l’acclimatation prend énormément de temps. C’est pourquoi, quand tu signes comme moi en ratant toute la préparation avec l’équipe qui avait commencé en janvier, alors que je suis arrivé fin février et que le championnat a commencé début mars, cela s’est révélé difficile. J’ai fait une semaine d’entraînement et je jouais déjà. Si tu fais toute la préparation, à la limite, peut-être que tu commences à t’acclimater. Le fait d’arriver dans la dernière ligne droite du mercato a été difficile, il faut s’adapter à tout. C’est un changement radical. C’est pour cela que c’est vraiment difficile pour les joueurs comme moi qui ne signent qu’un an de tirer un bilan. Cela va vite, c’est un championnat à 16 équipes et 30 matches. Quand tu commences à t’adapter, tu es déjà à la moitié du championnat. Mais, clairement, si je devais aujourd’hui refaire une année, elle serait meilleure. C’est une certitude."
Vous avez beaucoup joué les quatre premiers mois…
" (Il coupe) Là-bas, ce qu’il se passe, c’est qu’il y a un mercato qui ouvre en juillet pendant un mois et qui est comme le mercato d’hiver en Europe. Fin juin, je me suis blessé à la plante de pied et j’allais être éloigné des terrains pendant au moins deux mois. J’allais rater 8 matches sur les 14 ou 15 restants. Donc, le club a qualifié un autre étranger à ma place. Par match, quatre étrangers peuvent jouer mais l’effectif peut en compter six. Un autre a été qualifié, ce qu’on ne peut faire que pendant le mercato. Je suis revenu par la suite mais je n’étais plus qualifié. Je n’étais plus qualifiable mais je continuais à m’entraîner avec l’équipe dès la fin août. Pendant deux mois, j’étais fit mais je ne pouvais rien faire."
Ce qui ne devait pas être simple…
"Non. Ce n’est pas facile mais on m’avait prévenu que les dirigeants misaient beaucoup sur les étrangers et que si tu es blessé pour une longue durée, ils ne prennent pas de gants. Quand cela tombe pendant le mercato, il faut s’accrocher. Dans chaque équipe, on peut changer deux étrangers à ce moment-là et presque tout le monde l’a fait."
Comment sont considérés les étrangers dans l’équipe ?
"Ils sont censés être les joueurs qui font gagner les matches. C’est pour cela qu’en Chine, sur les quatre par équipe, généralement, on prend un défenseur central et trois offensifs. Ils sont censés faire la différence. Pour les Asiatiques, ils sont meilleurs que les locaux. Cela se passe bien si tu joues bien. Mais si tu ne fais pas la différence, même si tu as trois ou quatre ans de contrat, ils ne vont pas faire de sentiment…"
Et du coup, comment se déroule la communication dans l’équipe ?
"C’est très difficile. Dans l’équipe, il y a trois joueurs qui parlent un Anglais de base. Échanger avec les partenaires, c’est quasi mission impossible. Quand j’ai signé, il y avait un entraîneur serbe (Slavisa Stojanovic, passé par le Lierse) et cela se passait bien parce qu’il parlait anglais, c’était plus facile pour s’intégrer. Après six matches, on fait un début de saison catastrophique, il a été viré. Un coach coréen (Lee Jang-soo) est arrivé mais il ne parle ni chinois, ni anglais. C’est quelqu’un de très reconnu en Chine car il a été champion avec Evergrande, il a un certain palmarès et c’est pour cela qu’on le prend. Il y a double traduction aux entraînements, d’abord en chinois puis en anglais donc il y a pas mal de pertes de temps à chaque fois avec les deux traducteurs."
Regrettez-vous d’être parti là-bas ?
"Non, je ne regrette pas du tout le choix que j’ai posé. J’y suis allé au moment où c’était encore possible d’y aller. On va rentrer dans une nouvelle ère : il y a tellement peu de place pour les étrangers que même les clubs les plus modestes vont acheter dans les mois à venir les tout meilleurs qui évoluent en Europe. C’est parti pour cela, en tout cas."
"Quand personne ne te comprend…"
Durant les dix mois qu’il a passés en Chine, Julien Gorius a séjourné dans un grand hôtel de Changchun. "On avait la possibilité d’avoir un appartement avec le club. Je réfléchissais plus par rapport à ma famille. Rester à l’hôtel était plus simple car les gens parlent anglais déjà. Mais en dehors de l’hôtel où tout était parfait, c’était dur. C’était quand même une mégalopole avec 8 ou 9 millions d’habitants. Ce n’est pas Las Vegas, ce n’est pas catastrophique non plus mais quand personne ne te comprend… Cela fait partie des choses difficiles mais il y a des choses bien", expose le Français qui a apprécié de pouvoir visiter "Shangai, Pékin, des villes magnifiques".
Autre écueil : la vie familiale. "Tu es tout le temps à l’hôtel : quand il y a un match à l’extérieur, tu pars deux ou trois jours avant et tu ne reviens que le lendemain du match. Sur une semaine normale, je voyais ma famille deux jours. Le reste du temps, c’était les voyages, l’hôtel. C’était un bouleversement pour moi car je ne voyais jamais ma femme et ma fille; elles ont préféré rentrer en Belgique. Au départ, elles devaient venir s’installer avec moi mais vu comment cela se passait, elles faisaient des allers retours entre la Belgique et la Chine toutes les six ou sept semaines."
Son avenir: "La priorité est de revenir en Belgique"
Dans des proportions forcément moindres qu’Axel Witsel, l’aspect financier a forcément pesé dans le choix de Julien Gorius, 31 ans. Mais pas uniquement. "Cela faisait 11 ans que j’étais en Belgique avec 300 matches en D1. Si une proposition de l’étranger venait, il fallait l’étudier. Elle est venue, on l’a étudiée et on s’est dit qu’un an, cela irait vite. Financièrement, je faisais un bon en avant; cela me permettait de découvrir une autre culture surtout dans un championnat qui commence à faire vraiment parler de lui. On s’est dit : pourquoi pas ? Cela restera une expérience dans notre vie", reconnaît le Français qui a regagné la Belgique mi-novembre.
Depuis, sa famille s’est agrandie d’une deuxième petite fille et le milieu a retrouvé Genk. "Je m’entretiens dans un centre de fitness avec les ostéopathes et les kinés du club de Genk depuis six semaines six jours sur sept. Je me sens prêt, il me manque le rythme du match, ce qui est normal mais c’est pour cela que je ne me suis pas octroyé de vacances. Je sais qu’il faut être prêt", souligne le milieu qui espère rebondir ce mois-ci. "J’ai des contacts, pas encore au point de dire que cela va se faire mais je discute avec des clubs. La priorité pour moi est de revenir en Belgique."
Où son profil de joueur libre ne manque pas d’attirer des convoitises.