Karembeu: "De Bruyne doit plus utiliser sa frappe"
Christian Karembeu décrypte la Belgique et son équipe de France
- Publié le 10-07-2018 à 06h44
Christian Karembeu décrypte la Belgique et son équipe de France "La Belgique a beaucoup de qualités. Et il y a des joueurs d’expérience aujourd’hui. Vous avez une équipe qui s’est aguerrie depuis deux ans après l’ Euro presque raté parce qu’on attendait plus des Diables. Avec plus de maturité, je pense que Martinez va délivrer une surprise au monde entier."
La déclaration est signée Christian Karembeu. Avant la Coupe du Monde, il nous avait accordé une interview à Bruxelles. Et à la veille d’un duel face à sa France, ses propos sont toujours d’actualité. "Il y a deux ans, à l’ Euro , l’équipe manquait d’automatismes", dit le champion du monde en 1998. "Elle évoluait un peu avec des freins alors qu’elle a tout pour se sublimer par son jeu. Il y a des joueurs de caractère, des joueurs de ballon. Et je crois que Roberto Martinez a saisi ce manque et cette différence pour justement que cette équipe puisse aller très loin et s’améliorer au fil des années."
Quel est votre avis sur la Belgique ?
"Quand vous additionnez tous les joueurs qui évoluent en Premier League , Ligue 1, Serie A et autres, vous avez un onze de départ assez impressionnant. Cette équipe belge fait peur, elle peut challenger n’importe quelle nation. L’armada offensive est impressionnante : Lukaku, Batshuayi, Mertens, Hazard, De Bruyne, etc. En contre-attaque, c’est exceptionnel. Et dans le jeu, De Bruyne ou Fellaini qui vont temporiser ou élargir la vision du jeu… Cela fait beaucoup. Sans parler de vos latéraux offensifs qui apportent beaucoup offensivement."
Qui vous impressionne plus que les autres ?
"Kevin De Bruyne, évidemment. Il joue un peu à la même position que moi désormais. Mais il est beaucoup plus talentueux. Parce qu’il sait changer le cours du jeu. Il marque, il fait marquer. Ses changements de direction et sa lecture de jeu m’impressionnent. Et puis sa frappe… Il ne l’utilise jamais ! Je ne comprends pas. Il doit l’utiliser plusieurs fois par match. Beaucoup plus en tout cas. Il a une frappe exceptionnelle."
Il faut lui confier les clés du jeu ?
"Il ne faut pas penser comme cela. Il faut donner le rôle à chacun. Hazard et De Bruyne peuvent jouer ensemble. Ce n’est pas facile de faire évoluer ensemble de tels joueurs. Ils sont rapides, ils sont véloces, ils peuvent changer de direction instantanément et surprennent souvent l’adversaire."
La France, vous la voyez ou par rapport à la Belgique ?
"Le profil est peut-être un peu le même, mais au niveau des performances, la France a été jusqu’en finale de l’ Euro . Mais au niveau du talent pur des joueurs, c’est similaire. La dernière fois que vous étiez venus en France, c’était impressionnant."
On parle beaucoup de génération dorée dans les deux pays : est-ce que cela a du sens ?
"La génération est dorée en France parce que les jeunes ont déjà gagné un Coupe du Monde avec les jeunes. On suppose donc qu’ils peuvent aller très loin. Ils ont acquis de l’expérience. Ils peuvent donner ce que l’on attend d’eux. Cela a un certain sens dans la mesure où on attend qu’ils puissent donner des prestations dignes de cette génération dorée."
Comment fait-on pour gérer la pression dans cette compétition ?
"En 1998, on jouait en France, à la maison, donc on avait pas mal de pression. On a été mature, tout simplement. La majorité d’entre nous jouait dans des grands championnats étrangers, dans toutes les compétitions européennes. Que ce soit les Desailly, les Deschamps, les Zizou , les Thuram, etc. C’est pareil pour les Hazard, De Bruyne, Lukaku aujourd’hui. Ils ont de l’expérience dans les compétitions européennes et internationales. Ils sont à l’âge de la maturité. Il y a du potentiel. Et je sais que le coach Martinez est dans l’optique de faire jouer cette équipe. Parce qu’il a une philosophie espagnole qui tend à faire jouer et maîtriser le ballon. Les joueurs ont déjà cela. Maintenant, il faut qu’ils marquent et surprennent leur adversaire."
"Thierry peut nous faire mal"
Karembeu craint son ami Henry, qui était prédestiné à devenir entraîneur
L’expertise d’un champion du monde est plus que précieuse en Coupe du Monde. En Russie, l’apport de Thierry Henry est indéniable pour les Diables. D’autant que l’attaquant français a toujours eu cette fibre pour le coaching.
"Thierry je l’ai vu avec les jeunes d’Arsenal, c’était prédestiné", nous dit Christian Karembeu. "Avec son aura, son expérience, il apporte beaucoup. Il peut donner des directives aux attaquants, dans leurs déplacements, etc. Il booste l’équipe. Il peut nous faire mal à nous, les Français."
Parce que le talent ne suffit pas. Le plus important est la mentalité et la cohésion de l’équipe. "Quand on est dans une telle compétition, il ne faut faire qu’un, dit Karembeu. C’est la clé. Ce n’est pas forcément le meilleur qui gagne. En 1998, on avait quand même des grands joueurs. Mais au début du Mondial , on a laissé nos ego de côté. On a toujours échangé. Et c’est venu naturellement sur le terrain et en dehors. Le coach nous donnait cette facilité d’être nous-mêmes et d’en même temps faire partie du collectif. C’est très important, parce qu’il faut penser à la nation, au maillot et cela va être naturel de devenir le protagoniste d’un match. On joue pour l’équipe et pas pour soi. C’est la base."
"L'étoile est éternelle"
Karembeu se souvient : il soulevait la Coupe du Monde il y a 20 ans
Les souvenirs sont encore intacts. Il y a 20 ans, Christian Karembeu avait soulevé la Coupe du Monde avec son équipe de France. Au final, il a joué un rôle capital dans la compétition, avec quatre rencontres sur sept jouées, dont le quart, la demi et la finale. Et pourtant, il n’était pas arrivé avec un statut de titulaire. Il avait suivi les deux premières rencontres (face à l’Afrique du Sud et l’Arabie Saoudite).
"Je redécouvrais l’équipe de France", nous confie le Français aux 57 sélections. "Je n’avais plus été appelé depuis presque un an. C’était difficile pour moi d’avoir le même statut. J’ai commencé en 1992 en équipe de France. Et un moment, je ne jouais pas en club, ce qui m’a fait perdre plusieurs sélections. J’ai toujours eu cette force de travailler en moi. Et puis, j’ai signé au Real Madrid. Et tout a changé. Dès que j’ai pu rejouer, le coach m’a appelé. Il m’a dit : ‘Tu n’es pas encore sélectionnable, mais on verra en fin d’année.’ Je suis donc revenu en équipe de France à petits pas parce que j’étais de nouveau un petit bleu . Même si j’étais champion avec le Real, j’étais nouveau avec les Bleus . C’est le coach dans sa stratégie qui voulait m’intégrer petit à petit dans le noyau."
Et finalement , il avait marqué la Coupe du Monde de la France. Et aujourd’hui encore, ses souvenirs semblent encore réels. "L’étoile est sur le maillot, dit-il. Elle est éternelle pour nous. On se remémore ces moments-là et cette performance collective. Pour nous, c’est aussi un moment de bonheur et d’unité nationale. Parce qu’enfin, on reconnaît la France. On fête nos 20 ans. On espère que les Pogba, les Griezmann pourront étoffer la tunique bleue avec une deuxième étoile. C’est ce qu’on leur souhaite. On espère qu’ils pourront encore une fois surprendre et faire rêver les Français. On avait réussi à unir cette France et à faire rêver."