Filippo Pozzato va tirer un trait sur sa carrière: "Ma tête ne suit plus"
Le champion italien semble se diriger vers la retraite
- Publié le 05-10-2018 à 14h14
- Mis à jour le 05-10-2018 à 14h18
Le champion italien semble se diriger vers la retraite. Un des plus grands palmarès du cyclisme actuel s’apprête à tirer sa révérence. Car il ne fait plus guère de doute que Filippo Pozzato, en manque de résultats depuis plus de cinq ans, ne devrait pas poursuivre sa carrière en 2019. "Je ne me suis vraiment pas amusé ces dernières années car j’ai eu beaucoup de problèmes avec l’équipe. Quand tu ne peux pas jouer un rôle dans la course car le collectif n’est pas assez fort, c’est difficile de conserver de la motivation", concède, sans trop d’amertume, le champion d’Italie 2009.
Pour ne rien arranger, Filippo Pozzato ne se reconnaît plus vraiment dans le cyclisme moderne. "La manière dont se déroulent les courses a beaucoup changé. Il y a désormais beaucoup de stress. Avant, nous partions tranquillement. Et puis il y a beaucoup de coureurs qui n’ont pas la concentration nécessaire et qui pensent que le cyclisme professionnel n’est pas un travail." Le champion italien, qui n’a plus gagné depuis sa victoire à Plouay en 2013, a tout de même choisi de poursuivre sa carrière jusque-là, par amour pour le cyclisme. "Mes jambes sont encore bonnes mais la tête ne suit plus vraiment. Je ne parviens plus à prendre de risques et c’est difficile de gagner dans ces conditions. Après 30 ans, c’est clairement la passion qui m’a fait continuer", analyse le double vainqueur d’étape sur le Tour de France.
Par rapport à ses débuts professionnels, en 2000, Filippo Pozzato a tout de même constaté un agréable changement dans la pratique de son métier. "Il suffit d’analyser les données de puissance pour comprendre que le cyclisme va beaucoup mieux. Et le système ADAMS (NdlR : instrument de gestion en ligne qui simplifie l’administration des opérations antidopage) est excellent pour la crédibilité de notre sport. Mais c’est compliqué pour notre vie privée. Si, par exemple, je veux dormir avec une autre femme à l’hôtel, je dois renseigner ma nouvelle position. Et parfois, j’ai oublié de le faire", détaille avec humour l’Italien.
Au moment de quitter le peloton professionnel, Filippo Pozzato peut regretter de ne pas disposer du même palmarès que Tom Boonen ou Fabian Cancellara, à qui il était comparé à ses débuts. Une situation que l’Italien explique sans détour. "Dans le cyclisme moderne, il y a énormément de coureurs très forts, donc si tu n’as pas une mentalité de champion, tu ne peux pas gagner de grandes courses." Malgré cette relative faiblesse, Filippo Pozzato a tout de même bien garni son armoire à trophées. Et il a marqué de son empreinte le cyclisme international de ce début de siècle.
"Moscon n'a pas de chance"
Filippo Pozzato a un avis bien arrêté sur le cyclisme italien. Ainsi que sur son sulfureux compatriote.
Filippo Pozzato est l’un des plus grands coureurs de classiques du début du XXI siècle. Même s’il n’est plus très loin de raccrocher, le coureur Wilier Triestina - Selle Italia s’intéresse encore de très près à l’avenir cycliste de son pays. "Je m’occupe déjà de certains jeunes tels que Davide Ballerini ou Michele Gazzoli (NdlR : champion d’Europe junior 2017) en tant que manager. J’ai aussi le projet de m’occuper d’une équipe continentale U23 l’année prochaine, pour trouver les futurs talents du cyclisme italien. Je foisonne d’idées mais mon problème, c’est que je manque de temps" , regrette Filippo Pozzato.
Le vainqueur de Milan-Sanremo 2006 concède tout de même que l’Italie ne traverse pas la meilleure période cycliste de son histoire. "Chez nous, il y a de bons coureurs pour les classiques comme Elia Viviani, Matteo Trentin ou Sonny Colbrelli. Mais pour obtenir de grandes victoires c’est compliqué. Avec la mondialisation, la donne est désormais différente", avoue le double vainqueur d’étape sur le Tour de France.
Filippo Pozzato a également un avis très original sur le très décrié Gianni Moscon, 5e des championnats du monde d’Innsbruck. "C’est un grand coureur. Il est bon partout mais il y a quelqu’un de meilleur que lui dans tous les domaines. Ce sera difficile pour lui de gagner une grande course car il n’est pas assez bon au sprint. Mais c’est une bonne personne, je l’aime beaucoup. C’est quelqu’un qui n’a pas beaucoup de chance car ce qu’il a fait au Tour de France (NdlR : Gianni Moscon a été exclu après avoir porté un coup à Elie Gesbert lors de la 15e étape), tout le monde l’a déjà fait. Mais dès qu’il fait une bêtise, la télévision le filme."
"Peter Sagan boit des bières"
À l’instar de nombreux coureurs professionnels, Filippo Pozzato réside à Monaco. S’il avoue "ne pas être très ami" avec l’un de ses voisins, Philippe Gilbert, le vainqueur de Milan-Sanremo 2006 va souvent s’entraîner avec Peter Sagan (Bora-Hansgrohe). Outre le Slovaque, Filippo Pozzato côtoie Elia Viviani (Quick-Step Floors) et Oscar Gatto (Astana) lors de ses sorties dans les environs de la principauté. "Il faudrait deux ou trois coureurs comme Peter Sagan pour faire avancer le cyclisme. Car il a une mentalité impressionnante, importante pour notre sport. Pour lui, le cyclisme est un jeu et il fait le show tous les jours", témoigne, admiratif le coureur Wilier Triestina - Selle Italia.
Au détour d’une question à propos des sacrifices à consentir en matière de diététique lorsque l’on mène une carrière de cycliste professionnel, Filippo Pozzato livre une anecdote croustillante à propos du triple champion du monde. "Je dois respecter quelques règles pour bien faire mon métier. Mais elles sont moins restrictives pour un coureur de classiques que pour un coureur comme Chris Froome. Il ne faut pas croire : Peter Sagan, que je côtoie souvent, boit des bières et gagne quand même", explique ainsi le champion d’Italie 2009.
Pas de doute, le sextuple maillot vert du Tour de France est un coureur à part. À l’image de son ami Filippo Pozzato.