Wimbledon: le gros tour de force de Federer, Nadal n'y était pas, Djoko au rendez-vous
Le Suisse, à 37 ans, a encore trouvé la clé face à Nadal et disputera une nouvelle finale dans son jardin.
- Publié le 13-07-2019 à 07h30
- Mis à jour le 13-07-2019 à 16h03
Le Suisse, à 37 ans, a encore trouvé la clé face à Nadal et disputera une nouvelle finale dans son jardin. On a appris à Wimbledon que Roger Federer s’était alloué les services, depuis 2017, d’une compagnie spécialisés dans l’analyse de data, Golden set analytics, dans le but de décortiquer le jeu de ses grands rivaux et de trouver des parades. Une voie ouverte par son grand rival Djokovic.
Le Suisse peut déjà leur réserver une belle prime, car il devient plus qu’évident que la solution à l’équation Nadal a été débusquée. "J’ai réussi à tenir mon plan de jeu, à rester agressif. J’ai gagné beaucoup de points importants dans les deux derniers sets et ça a fait la différence sur ce match. J’étais clair dans ma tête parce que j’avais le bon plan."
En demi-finale, il a sorti le match parfait tactiquement, que ce soit au retour ou à l’échange où son revers désormais frappé à plat et pris plus tôt continue de faire dérailler le coup droit espagnol. À chaque attaque de Rafa, il avait la solution, trouvait les bonnes zones, sortait totalement son rival des schémas qu’il aime tant. Limite, il savait en avance où la balle allait tomber.
Et avec les victoires accumulées depuis 2017 face à son meilleur ennemi, on lit sur son visage une énorme confiance. Le défi Rafa ne lui fait plus peur et à ce niveau du jeu, la perte d’emprise d’un rival sur un autre peut tout changer. Pour atteindre la 12e finale de sa carrière à Wimbledon et sa 31e en carrière, il a aussi épaté son monde physiquement. Federer en mode muraille du fond du court face à Nadal, on ne voit pas ça tous les jours.
Porté par une envie énorme et une détermination de tous les instants, c’est lui qui a gagné la bataille du terrain : lui qui a pris les risques et le filet pour arracher le jeu décisif, lui qui eu la lucidité requise dans tous les moments importants des deux derniers sets.
Lui aussi qui a été suffisamment malin pour ne pas insister sur le deuxième set afin de sauver une énergie précieuse. Après la rencontre, il a confié qu’il était "épuisé" dans la fin du match mais jamais on n’aurait pu le deviner ! "Le dernier jeu était dingue, c’était génial. Ce sera sans aucun doute un de mes matchs que je vais le plus aimer regarder plus tard."
Le roi du bluff, le roi du plan de jeu, le roi du sang-froid, le roi du jour tout court. Alors qu’il a Nadal dans sa nuque pour le record de Majeurs, il vient de s’assurer de ne le voir revenir à sa hauteur cette année (NdlR : 20-18 actuellement). À 37 ans et 340 jours, le voilà devenu le troisième joueur le plus âgé à atteindre une finale de Grand Chelem. Mais vendredi sur le Centre Court, on aurait juré voir la fougue de la jeunesse plus que le bonus de la fin de carrière. "J’ai hâte de jouer ce match face à Novak. Je ne vais pas aller faire la fête. L’âge veut dire quelque chose donc je ne veux pas trop me laisser aller niveau émotions après ce match. Il en reste encore un alors je dois serrer les dents et rester concentré."
Rafael Nadal absent du rendez-vous: "Ce n’était pas mon jour c’est tout"
L’Espagnol n’a pas été capable de hausser le ton face à Federer.
C’est rarissime de devoir écrire cela sur Rafael Nadal mais vendredi l’Espagnol est un peu passé à côté de son match. On pensait qu’il imposerait le défi physique, qu’il agresserait sans cesse Federer, que sur ce gazon plus lent cette année il serait impossible de lui coller des coups gagnants. Mais la muraille a pris l’eau et cette défaite devrait lui causer quelques migraines dans les jours ou semaines à venir.
Quasiment toujours en réaction, empêtré tactiquement face à l’incapacité de son coup droit de faire le boulot, Rafa a commis des bourdes plus grosses que lui aux pires moments, que ce soit avec un deuxième mini-break dans le jeu décisif, pour se faire breaker en début de troisième set ou encore pour rater cette balle de 5-5 en fin de match.
"Je n’ai pas joué aussi bien que lors des tours précédents. Mon revers ne fonctionnait pas et ça m’a créé trop de soucis dans le jeu. Je n’avais pas les meilleures sensations, je n’ai pas bien retourné du tout et lui a très bien joué", a expliqué Nadal très lucidement.
Qu’il ait développé un vrai blocage tennistique et mental face à Novak Djokovic en Grand Chelem, on le sait. Mais qu’il se retrouve avec le même problème face à Federer à ce stade de leurs carrières c’est très étonnant. Comme face au Serbe, il ne sait pour le moment pas vraiment répondre aux ajustements tactiques de ses deux plus grands rivaux. La demi-finale gagnée à Paris dans la tornade ne voulait pas dire grand-chose, celle-ci perdue à la régulière révèle l’étendue du problème.
L’avantage psychologique a changé de camp mais c’est surtout dans le jeu que l’Espagnol va devoir rebattre les cartes : ce coup droit lifté ne fait plus l’effet voulu sur le revers de Federer depuis que le Suisse prend la balle plus tôt et y va franchement. Le revers court croisé qui tombe sur le coup droit de Federer, inutile. Et puis on n’a pas compris ce manque d’audace vers l’avant, cette obstination à rester dans des filières de fond de court qui ne fonctionnaient pas. À l’image de la finale de Melbourne face au Djoker, c’est comme s’il n’avait plus cette vitesse supérieure à passer.
"Je suis triste d’avoir perdu, d’avoir raté une chance d’aller en finale mais ce n’était pas mon jour c’est tout. Cela allait mieux à la fin mais c’était trop tard."
Pas de première finale à Wimbledon depuis 2010, pas de 19e titre du Grand Chelem : Nadal a perdu gros vendredi.
Le Djoker n’allait pas rater cela
Le Serbe a tenu son statut de favori face à Roberto Bautista Agut et défendra son titre dimanche.
Il a tremblé pendant un set et demi avant de reprendre son entreprise de démolition. Novak Djokovic a mis derrière lui les deux défaites subies face à Roberto Bautista Agut cette saison pour remporter cette demi-finale (6-2, 4-6, 6-3, 6-2) et décrocher une sixième place en finale à Wimbledon. La 25e de sa carrière en Grand Chelem et la deuxième sur trois possibilités cette saison. Imaginez un peu si la tempête parisienne ne lui avait pas fait perdre ses moyens à la Porte d’Auteuil quelques semaines plus tôt…
Le vent était d’ailleurs au rendez-vous vendredi mais bien moindre et surtout cette fois les nerfs du Djoker étaient prêts à ne pas griller. Il lui a fallu beaucoup de sang-froid après un premier set parfait pour contenir la frustration et la rage qui montaient dans les deuxième et troisième sets alors que sa concentration s’était envolée et que son rival jouait la muraille.
"Ce match a failli tourner… C’était très serré dans le troisième set mais garder mon break m’a donné confiance et ensuite j’ai sorti le meilleur set du jour pour boucler ce match."
Le Djoker en est à 12 sur 13 en demi-finales de Grand Chelem même s’il a tout de même affiché des petits signes de fébrilité qui donneront un peu d’espoir à son adversaire en finale. Tout de même, quelle force de caractère il a pour avoir encore enchaîné la désillusion de Paris avec la révolte de Londres. Sa quête d’un 16e titre du Grand Chelem est encore en cours.
"Je pourrais arrêter de jouer n’importe quand, j’ai suffisamment gagné mais si je continue c’est par passion d’abord et ensuite parce que oui, je veux écrire l’histoire de ce sport : record de Majeurs, record de semaines de n°1 mondial dont je me rapproche."
Le plus impressionnant chez Djokovic ici, ce n’était finalement pas les moments où il jouait comme sur un nuage mais plutôt ceux où il était dans le dur, où le doute était là et où pourtant il ne craquait pas. Même quand il doit jouer "ugly", il reste le plus fort. Et c’est aussi ce message terrible envoyé qui a petit à petit désespéré Bautista Agut : quand les brèches dans la muraille se comblent encore et encore, il n’y a plus qu’à abdiquer. Et face à ce Big 3, les rivaux mettent tant d’énergie à leur dérober un set qu’ils se font ramasser à la petite cuillère ensuite.
À l’image de cet échange à 45 coups remporté par le n°1 mondial sur un revers le long de la ligne venu d’ailleurs alors qu’il risquait de perdre son break d’avance à 4-2 dans le troisième set. Sa plus grande bataille de la quinzaine l’attend dimanche : "Il y aura forcément de la nervosité vu l’enjeu. Le plus important sera déjà de gagner cette bataille intérieure, le reste en sera la conséquence."