Vincent Stouff, sparring partner à Roland: "Avec Goffin, tu peux parler"
Vincent Stouff, sparring, entre autres, de Goffin, Dimitrov, Cilic, Nishikori, Halep et Kasatkina, vit son rêve par procuration.
- Publié le 05-06-2018 à 15h41
- Mis à jour le 05-06-2018 à 15h57
Vincent Stouff, sparring, entre autres, de Goffin, Dimitrov, Cilic, Nishikori, Halep et Kasatkina, vit son rêve par procuration.
Il a vécu autrement son rêve à Roland-Garros cette année. À 32 ans, ce Nantais a croisé la route de David Goffin, Grigor Dimitrov, Marin Cilic, Kei Nishikori, Stefanos Tsitsipas, Madison Keys, Simona Halep et Daria Kasatkina. Après avoir tenté une percée pendant deux ans et demi sur le circuit pro, il s’est résolu à changer son itinéraire de carrière. "En trente mois, je n’ai pas réussi à dépasser la 1.050e place mondiale en simple", confie celui qui a accroché comme meilleur résultat une finale en double en challenger. "Je n’avais pas le niveau. L’expérience est belle. J’ai perdu de l’argent, mais j’ai voyagé et appris l’anglais."
Il s’est tourné vers les entraînements en club et le circuit français. Il y a deux ans, le 54e joueur français est tombé sur une petite annonce émanant de Roland-Garros. "Le tournoi cherchait des sparrings."
Il a été sélectionné sur la base de deux critères : avoir un certain niveau de jeu et être de bonne composition. Depuis le lundi des qualifs jusqu’à vendredi, Vincent Stouff se rend tous les matins, à 8h30, au centre du site où il se met à disposition. "Nous recevons un programme la veille, mais, à tout moment, un joueur ou une joueuse peut nous demander de taper la balle."
Si chaque jour est différent, il passe plusieurs heures sur le court face aux meilleurs joueurs du monde. "Un entraînement ne dépasse pas nonante minutes. Sur une journée, j’ai déjà atteint cinq heures."
À 18h30, il quitte le stade sur les rotules. Au-delà de la fatigue physique, il est aussi vidé mentalement. "Quand tu t’entraînes pour la première fois avec un joueur, tu as toujours un petit stress. Tu as peur de faire trois filets de suite."
En deux éditions, il n’a jamais vécu de situation gênante. "En général, les joueurs te mettent à l’aise. En face, les gars ont une très bonne qualité de frappe. Avec le temps, on apprend à les connaître."
Entraîneur en club pendant l’année, il ne changerait pour rien au monde son job durant Roland. "Physiquement, c’est chaud. Je vis mon rêve par procuration. Comme joueur pro, je n’ai pas réussi. Je suis revenu autrement. Je joue au tennis contre des stars à Roland-Garros. Je partage leurs terrains, leurs vestiaires et leurs restaurants. J’ai mon badge et un peu d’argent."
Son rêve aurait été parfait si, dimanche, il avait pu s’entraîner avec Rafael Nadal. "C’était mon rêve. Je suis né le même jour que Rafa. J’aurais aimé taper la balle avec lui le jour de nos 32 ans."
Un joueur du Top 10 l’a marqué plus que les autres par l’intensité de ses frappes : Grigor Dimitrov. Le Bulgare l’a sérieusement bousculé. "Il est impressionnant. Ses frappes sont hyper liftées. Pendant notre premier entraînement qui a duré 1h30, nous étions deux sparrings face à lui pour pouvoir tenir. Il était à 400 % sur chaque balle. Quand je l’ai vu en match, je ne l’ai pas reconnu. Avec la pression, il frappait beaucoup moins fort."
Depuis, il a retapé la balle avec Dimitrov à trois reprises. "Quand les joueurs redemandent le même sparring, c’est bon signe."
Avec les autres stars, il ne s’est jamais fait engueuler. Certains lui demandent de se positionner de telle manière ou d’envoyer des balles à telle profondeur ou encore de mettre un peu de lift, mais tous sont compréhensifs.
Dimanche, il avait pour mission d’échauffer David Goffin quelques heures avant sa défaite contre l’Italien Marco Cecchinato. "Ce gars est vraiment gentil. Je me souviens de lui car nous avions participé à une tournée canadienne de trois semaines. À l’époque, il était dans un noyau belge avec Gigounon, Authom et Defays. Nous étions 1.200e à l’ATP. Je ne sais pas s’il se rappelle cet épisode. Avec David, tu sens que tu peux lui parler à l’entraînement. Il n’est pas non plus un grand bavard. Ces types ont des timings très serrés. Ils aiment souvent être dans leur bulle. Je le définirais comme un gentleman accessible."
Pendant le tournoi, il est surtout là pour échauffer les joueurs avant un match durant une demi-heure. "Les échauffements sont toujours pareils. En revanche, les entraînements peuvent différer en fonction des joueurs et des demandes. Au début de l’heure, je parle un peu avec l’entraîneur qui me donne ses souhaits. En général, on répète les gammes : beaucoup dans l’axe, les retours, les services, les volées, gauche-droite… Je ne suis jamais sorti d’un entraînement en apprenant une technique nouvelle."
D’ici vendredi, il restera à disposition des stars encore en lice. Chaque soir, il croisera les doigts pour voir son nom à côté de celui de Rafael Nadal. Même s’il travaille dans l’ombre, il est tout simplement heureux de prendre la lumière des courts à sa manière.