Tennis: comment la mafia des matches truqués a été démasquée
Le milieu criminel belgo-arménien chapeautait 48 complices ou mules recrutés près du Petit Château.
- Publié le 05-06-2018 à 21h49
- Mis à jour le 05-06-2018 à 22h42
Le milieu criminel belgo-arménien chapeautait 48 complices ou mules recrutés près du Petit Château. Le 12 août 2016, La DH révélait qu’une enquête était ouverte à la Commission des jeux de hasard sur des soupçons de fraude à grande échelle dans le tennis professionnel international, avec des centaines de paris émis depuis la Belgique sur des matches truqués.
Pourquoi cette enquête n’a-t-elle abouti qu’hier - deux ans après ! - sur treize interpellations et vingt et une perquisitions, principalement en Flandre et région bruxelloise (Saint-Gilles, Uccle, Laeken, Jette, Schaerbeek, Saint-Josse, Watermael-Boitsfort, Berchem-Sainte-Agathe) - et une seule en Wallonie, à La Louvière ? Parce qu’elle a longtemps été menée par… un seul enquêteur.
Des matches truqués dans le football ? Cela n’aurait jamais traîné deux ans.
On avait pourtant affaire, depuis 2014, à une véritable organisation criminelle, le milieu belgo-arménien, qui a utilisé impunément des dizaines et dizaines de complices à Bruxelles pour parier, en agence et chez les libraires, sur des matches de tennis truqués; et ensuite faire écouler l’argent à l’étranger. Au moins quarante-huit complices, appelés "mules", ont été identifiés.
Parmi eux, un grand nombre de candidats réfugiés hébergés au Petit Château. En tout cas, toujours des personnes sans revenu, sans travail, insolvables. Leur tâche consistait à parier sur des matches de tennis arrangés et dont le résultat leur avait été communiqué.
Comment tout a-t-il été trouvé ? Le déclic est venu quand un gérant d’agence bruxellois a surpris le manège d’un joueur arménien et qu’il l’a retenu jusqu’à l’arrivée de la police. L’Arménien possédait un smartphone dont le répertoire a livré une longue liste de noms et numéros de téléphone en Belgique et à l’étranger.
Les enquêteurs ont alors saisi dans plusieurs agences des vidéos montrant des mules en train de recopier de recopier des résultats sur des bouts de papier. On a découvert ainsi l’existence d’un véritable réseau mafieux actif depuis 2014 et ayant des activités dépassant la Belgique, touchant des joueurs des circuits Futures et Challenger (aux gains limités, entre 5.000 et 15.000 dollars), qui disputent des tournois aux quatre coins de la planète, un jour en Europe, le mois suivant en Amérique du Sud ou en Asie.
Pour rester sous les radars, les montants étaient limités, mais nombreux : l’enquête porte sur des centaines de paris. Mais des agences ont refusé de payer et, selon la Commission des jeux, c’est ce qui a entraîné la perte de la bande. Celle-ci est allée porter plainte devant la Commission des jeux parce que certains bureaux de paris refusaient de payer ses gains.
Treize personnes ont donc été interpellées hier pour audition, notamment des joueurs de tennis. Des interventions ont aussi eu lieu à l’étranger. Les suspects sont suspectés d’avoir corrompu des joueurs professionnels afin de pouvoir miser sur leurs résultats. La bande n’agissait pas avec beaucoup de discrétion. Elle jouait auprès d’agences de paris ayant pignon sur rue.