Philippe Dehaes, le seul Belge qui ne veut pas une victoire de Flipkens
Philippe Dehaes dira à sa protégée Kasatkina de fatiguer la Campinoise.
- Publié le 30-05-2018 à 11h10
- Mis à jour le 30-05-2018 à 11h11
Philippe Dehaes dira à sa protégée Kasatkina de fatiguer la Campinoise.
Daria Kasatkina - Kirsten Flipkens, c’est le duel belge à 75 % à Roland-Garros. Philippe Dehaes sera le seul Belge à vouloir une défaite de Flipper. Le coach de la Russe de 21 ans est d’ailleurs ravi des nombreux matches disputés par Flipkens à Nuremberg jusqu’à samedi passé. "Elle sera fatiguée, souligne Philippe Dehaes. Je demanderai à Daria de durcir le match. Kirsten est capable d’endormir ses adversaires avec son slice."
Daria Kasatkina, 14e mondiale, a assez d’armes pour agresser Flipkens. Depuis sa collaboration avec le Brabançon, la Russe a énormément progressé. À Indian Wells, elle a signé son résultat le plus probant avec des succès contre Stephens, Wozniacki, Kerber et Venus Williams.
Ce duo, qui bosse ensemble depuis octobre 2017 alors que Kasatkina était 34e, a très vite trouvé sa vitesse de croisière. "Je ne cache pas le choc culturel au niveau de l’approche. Des larmes et du sang à la Russe, très peu pour moi."
Dehaes privilégie l’approche douce. Sa méthode se définit par… l’absence de méthode. "Je suis d’abord à l’écoute de l’athlète. Nous travaillons sérieusement sans nous prendre au sérieux comme le disait Julien Hoferlin. Nous passons tellement de temps ensemble dans l’avion, en taxi, à table que nous devons nous marrer aussi."
La Russe confirme cette approche. "Philippe est trop marrant. Il a une manière de travailler très différente de mon coach précédent. Un mélange de rigueur et de plaisir sur le court. Il peut être très exigeant lors des entraînements et se mettre à chanter dans la voiture avant d’aller manger. Il n’est pas normal."
La dite norme est mouvante en tennis. La réussite d’une joueuse dépend du binôme positif qu’elle forme avec son entraîneur. "Je fonctionne avec elle comme avec mes enfants Alice et Juliette. J’écoute."
La liberté qu’il laisse à sa protégée n’est pas un manque d’ambition. Bien au contraire. Il nourrit de grands projets pour sa joueuse. "Intrinsèquement, elle peut gagner Roland-Garros. Aujourd’hui, 10 filles sont capables de gagner le tournoi. Le niveau n’est pas moins fort, mais il n’y a plus un énorme talent comme Justine Henin. Daria ne manque pas de talent. Elle doit encore progresser mentalement."
Avec Alex, le frère de la Russe, Philippe Dehaes essaye de polir ce diamant brut qui bosse avec un autre Russe la question mentale. "Elle travaille sous hypnose. Tout le monde vit des expériences positives et négatives qui sont gravées dans notre mémoire. Daria fait sortir le positif pour le valoriser. Elle s’endort souvent dans ces séances."
L’énergie et l’enthousiasme du Brabançon sont contagieux. Il avait défrayé la chronique avec ses discours ultra positifs. À Roland, il a créé une histoire. "Chaque jour, je lui raconte un bout d’histoire qui lui donne envie d’entendre la suite le lendemain."
Il ne se définit pas comme un psychologue ou un gourou, mais l’ancien coach de Maryna Zanevska s’en rapproche très fortement. "La clef, c’est la tête. Moi, je lui apprends à gérer un moment."
Malgré l’échec de la période Zanevska, il n’a jamais douté de sa méthode. "Et j’ai eu raison. Avec Dasha, tout fonctionne très bien. Je ne me mets aucune limite avec elle."
Mercredi, à Roland, il essayera d’écarter l’obstacle belge avant de voir loin, très loin.
Il a fait un remake de… Hulk à l’entraînement
Philippe Dehaes raconte le jour où il a déchiré son t-shirt pour montrer sa détermination.
Un jour, à Bratislava, Philippe Dehaes avait mis son réveil plus tôt pour assister à l’entraînement physique de Daria Kasatkina. Il avait donc rejoint le préparateur physique qui aime jouer la carte de la provocation. "Durant toute la séance, j’ai couru. Je me suis surtout accroché. Vers la fin, le préparateur physique m’a dit que je pouvais en rester là et que je pouvais être satisfait de ce que j’avais fait."
Il le dispensait donc d’une série de course en haut de l’escalier. L’homme avait évidemment touché la fierté du Brabançon qui avait à cœur de montrer qu’il avait encore le niveau malgré son âge.
"Je l’ai regardé dans les yeux. J’ai déchiré mon t-shirt à la manière de Hulk. Ma réaction extravagante avait provoqué un fou rire chez Dasha. J’ai fait l’exercice torse nu. J’y suis évidemment allé à fond. C’était un jeu. Après, j’ai eu besoin de deux jours pour récupérer (rires)."
Sa femme :"Je ne voulais pas être un boulet"
Aujourd’hui, il ne cache pas que sa situation est merveilleuse même s’il a dû consentir à un gros sacrifice.
"Depuis janvier, j’ai passé neuf jours en Belgique. Je peux le faire car j’ai une femme merveilleuse qui a compris mon choix. Je m’éclate en tant que coach car je sais que ma femme gère la famille. Ce n’est pas drôle tous les jours", poursuit celui dont le contrat avec Daria Kasatkina arrive à son terme en octobre. "On analysera la situation à ce moment. Si la collaboration s’arrête, je reviendrai à Wavre pour gérer l’école des jeunes et être plus près de ma famille."
Sophie, sa femme, ne mettra aucune pression sur ce choix. "Il avait vu Daria durant 3 semaines il y a 3 ans. Il m’avait dit que c’était un avion de chasse, mais il a poursuivi avec Zanevska jusqu’au moment où la situation n’était plus possible. Quand il a achevé son parcours avec Zanevska, Alex, le frère de Daria, l’a tout de suite appelé. Philippe a toujours été correct avec moi. Il m’a demandé mon avis. Comment pouvait-il refuser de travailler avec une Top 30 . Il a le coaching dans le sang. Il est pédagogue. Même si on va ramer, il devait accepter. Je ne voulais pas être la femme qui l’empêche de vivre son rêve. Je ne suis pas un boulet."
"Elle regardait les crêpes"
Philippe Dehaes anticipe une question sur le poids de Daria Kasatkina. "Certains pensent qu’elle est grassouillette. Sur une quinzaine, elle garde une réserve qui lui permet de mieux récupérer. Elle met plus de poids dans la balle. Elle bouge pas mal. Imaginons qu’elle perde 4 kilos. Elle sera plus rapide, mais elle perdra de la puissance."
À travers une anecdote, le Wavrien raconte la passion de Daria pour la nourriture. "C’est une véritable passion. L’autre jour, nous nous promenions à Bratislava. Je lui racontais une histoire et je sentais qu’elle ne m’écoutait pas. Elle m’a répondu qu’elle était désolée, mais qu’elle regardait les crêpes."
D’ailleurs, elle n’a pas une envie naturelle de s’entraîner. "Il faut un peu la pousser."