Mouratoglou décortique le phénomène Tsitsipas: "C’est une machine à gagner”
Stefanos Tsitsipas est le phénomène qui monte sur le circuit. Le grec, 15e mondial à 20 ans, a une personnalité qui détonne autant que son jeu d’attaquant naturel.
- Publié le 16-01-2019 à 16h25
Stefanos Tsitsipas est le phénomène qui monte sur le circuit. Le grec, 15e mondial à 20 ans, a une personnalité qui détonne autant que son jeu d’attaquant naturel.
Qualifié pour le troisième tour à Melbourne, il peut nourrir cette année toutes les ambitions. Un homme le connaît parfaitement, c’est Patrick Mouratoglou qui l’a pris sous son aile dans son académie. Il a accepté de nous décrypter le phénomène.
Qu’est-ce qui vous plaît chez lui ?
"Plein de choses ! Il est super entreprenant dans le jeu, il joue pour gagner tous les points, il se rue au filet. Il s’accroche sur tous les matches, c’est rare, surtout chez les jeunes. C’est un vrai matcheur, ce qui est une des plus grosses qualités. Il fait aussi partie du club des quelques joueurs qui battent souvent des mecs qui sont meilleurs qu’eux, et ça les fait progresser."
Et sa progression est linéaire mais incroyablement rapide dans le même temps !
C’est bon signe, car il va très vite. En 2017 il était en qualification de tous les tournois du Grand Chelem. En 2018, il commence l’année à peine dans le Top 100 et la finit 15e en battant trois fois Thiem, en battant Zverev, Djokovic, Anderson. Il fait finale d’un ATP 500 (Barcelone), finale d’un Masters 1000 (Canada), victoire en ATP 250 (Stockholm) et gagne le Masters de la Next Gen. C’est une machine à gagner, et parce qu’il met son âme sur le court. C’est un vrai attaquant, depuis tout jeune.
Il n’a pas l’air d’être débordé par l’émotion de se retrouver si vite dans les sommets du jeu…
Ce n’est pas l’ambition qui manque… L’an dernier il est 15e après l’US Open et il dit “Je veux être Top 10 pour faire le Masters”. Il veut plus, et c’est la marque des champions. Et il a ça en lui.
Il a aussi une personnalité différente des autres joueurs : comment le décririez-vous et comment on travaille avec quelqu’un comme ça ?
On doit s’adapter aux joueurs. Lui, il est vraiment dans son monde. Parfois tu lui parles et il n’est pas là. Enfin avec moi il est là tout le temps parce que je ne lui parle pas beaucoup, mais dès qu’il y a une voix un peu récurrente il bloque beaucoup de choses, écoute ce qu’il a envie, vit dans un monde où des choses extra tennis lui plaise (photographie, vidéo, blog, podcast) et ça aussi il le fait à fond. Il n’a pas besoin d’énormément de socialisation avec les autres : c’est un solitaire, et il est beaucoup dans l’action. Il adore les réseaux sociaux. Il est assez étonnant.
Il faut canaliser tout ça ?
Non, car c’est important de s’aérer. Il faut être obsessionnel sur le tennis mais aussi avoir quelques respirations. Stefanos est aussi très obsessionnel sur le tennis. Serena est pareil : elle a ses activités hors tennis, mais le soir elle se met dans son lit et regarde 50 000 vidéos de tennis.
Comment gère-t-il les attentes autour de lui ?
Pour l’instant il les gère bien. Il me fait penser un peu à Andy Murray qui avait une pression monstrueuse en Angleterre et qui m’impressionnait par sa manière de gérer la situation. Stefanos a l’habitude de créer de la distance, d’être dans sa bulle, sans le faire exprès il a déjà créé un environnement qui accueille facilement tous ces événements. Tout est assez organisé, sa manière d’être et de vivre font aussi que ça colle parfaitement. Il s’est déjà protégé de plein de choses.
Si on vous dit qu’il fait une finale de Grand Chelem cette année, vous le croyez ou c’est trop tôt ?
Je le crois pour une raison : je vois à quelle vitesse il progresse. C’est incroyable. Et même techniquement. Tout ça parce que c’est un joueur très doué pour trouver des solutions afin de gagner : dans les matches, il va développer des aptitudes tout seul. Il a fait ça plein de fois. Tout n’est pas parfait, il y a encore des choses à régler mais globalement c’est quand même propre ce qu’il fait. Il a deux qualités monstrueuses : c’est un gros compétiteur et il a très faim. Il fait ça pour lui, il ne joue pas du tout pour les autres et ça c’est rare.