Les secrets de la terre battue belge
La société Scheerlinck garde jalousement la recette de sa brique pilée.
- Publié le 13-04-2019 à 08h32
- Mis à jour le 13-04-2019 à 08h51
La société Scheerlinck garde jalousement la recette de sa brique pilée.
À cause des conditions météorologiques en Belgique, les clubs de tennis ont limité la terre battue à la saison estivale essentiellement. Dès que les premiers jours de beau temps débarquent, l’agitation gagne la société Scheerlinck, la référence belge en matière de terre battue. D’ailleurs, elle fournit la Coupe Davis et la Fed Cup en cas de besoin.
Avant qu’elle ne déménage ses activités vers Seneffe, Scheerlinck nous a ouvert les portes de son temple situé à Merchtem. Anthony Marinus, gestionnaire commercial, nous a fait la visite des lieux afin de comprendre le processus de fabrication de la précieuse poussière rouge.
"Nous travaillons avec une centaine de clubs, nous confie-t-il. Pour nous, le mois de mars lance la haute saison. Nous entretenons 500 terrains."
Qui dit entretenir, dit une opération assez technique en réalité. Les experts grattent la couche supérieure qui a été dégradée par le gel. "Nous enlevons la couche de 0.0 et 0.2", précise Anthony Marinus qui fait référence à la granulométrie. La taille du grain varie en fonction de la couche.
Pour créer un terrain bien drainé, il faut d’abord poser une granule de graviers qui laisse passer l’eau. Ensuite, on pose une couche de 6 centimètres de lave qui maintient et redistribue l’humidité. Sur deux centimètres, on pose une terre battue de 0,15. Ensuite, sur un centimètre et demi, on place une granule de 0,8 puis de 0,2 sur un demi-centimètre avant, finalement, de mettre de la poussière 0,0 qui permet de glisser. Après l’hiver, il faut enlever ces deux dernières couches.
La société Scheerlinck est spécialisée dans la terre battue depuis 1956. Depuis 15 ans, elle a diversifié ses activités en envahissant les terrains synthétiques de football, de hockey ou de rugby.
Avant de commencer la visite, il nous rappelle que la terre battue et la brique pillée regroupent la même notion. "En Belgique, on parle plus de brique pilée alors qu’en France on dit terre battue", souligne Anthony Marinus.
En réalité, tout dépend des matériaux utilisés pour la fabriquer. Dans la société Scheerlinck, on utilise des tuiles et des briques ainsi qu’un liant dont le secret est jalousement gardé. "Nous sommes en contact avec des entreprises pour récupérer des stocks de tuiles invendables ou de briques. Nous ne récupérons rien sur des chantiers. Nos matériaux sont purs, c’est-à-dire sans traces de colle ou d’autres produits. Nous mettons un point d’honneur à travailler uniquement avec des matières nobles."
Sur le site Scheerlinck, 5 000 tonnes de poudre rouge passent par an. Quand les tuiles et briques arrivent, elles sont broyées avant de passer sur un tamis où elles sont mélangées avec le liant et réduites à l’état de poudre dont la taille varie. La couleur rouge est naturelle. La fabrication de la terre battue est le résultat d’un travail de chimiste.
En Belgique, il n’existe que trois entreprises qui produisent la surface ocre. Pourtant, 75 % des terrains sont recouverts de cette précieuse terre. "Depuis toujours, la Belgique aime la terre battue. Elle a été créée en 1880 à Cannes. Comme son jeu est plus lent, elle est plus familiale. On s’y amuse plus vite car la balle va moins vite. On peut mettre plus d’effet. Les glissades élargissent le jeu. La proximité géographique avec Roland-Garros aide aussi à sa notoriété. Pour nous, Roland reste la référence absolue."
La terre battue impose des contraintes lourdes lors de la fabrication. Le respect des différentes couches de terre favorise le drainage du court alors que la qualité des briques et tuiles favorise un rebond optimal. La terre battue ne pardonne aucune erreur. "C’est pour cette raison que nous effectuons tout le travail manuellement. Un terrain représente une journée de travail."
Si vous décidez de poser un terrain de tennis dans votre jardin, le budget à prévoir avoisinera, en fonction de la disposition des lieux, les 40.000 euros tout compris. Il vous faudra alors déterminer la qualité de votre brique pillée. Il en existe autant que d’entreprises. "Tout dépend du ratio tuiles, briques et liant. Ensuite, le mélange et le nombre de couches posées influencent fortement le produit fini."
Avec ses quatre couches, la société Scheerlinck vise la qualité maximale. Seul hic, la terre battue demande un entretien chaque année.