Les confidences de Kimmer Coppejans: "J’ai vécu deux ans en enfer"
Vainqueur de Roland-Garros et n°1 mondial en junior, l’Ostendais était promis à un bel avenir… Une rupture de contrat et un changement de coach ont détruit son rêve.
- Publié le 21-09-2018 à 07h53
- Mis à jour le 21-09-2018 à 20h15
Vainqueur de Roland-Garros et n°1 mondial en junior, l’Ostendais était promis à un bel avenir… Une rupture de contrat et un changement de coach ont détruit son rêve. Il était attendu comme le messie. Kimmer Coppejans avait survolé les juniors avec une telle virtuosité que son jeu semblait taillé pour le Top 20 au minimum. Ancien numéro un mondial et vainqueur de Roland-Garros chez les juniors en 2012, son avenir était tracé dans le sillage des Gaël Monfils, Marin Cilic et autres Stan Wawrinka.
Il est le seul garçon belge à avoir réussi cet exploit en Grand Chelem depuis Jacky Brichant en 1947 !
Son passage chez les pros avait même été jugé prometteur. L’Ostendais avait intégré le Top 100 à 22 ans tout en se nourrissant d’une expérience exceptionnelle, vu qu’il figurait dans l’équipe qui a joué la finale de Coupe Davis en 2015.
À l’aube de ses 22 ans, rien ne prédestinait cette graine de champion aux épreuves qu’il était sur le point d’affronter. Le 97e joueur mondial a dégringolé à la 371e place mondiale.
Un grain de sable a enrayé la mécanique au point de faire chauffer le moteur. Tout a explosé. Un de ses partenaires est coupable de ce naufrage. Son fournisseur de raquettes porte une lourde responsabilité. "Ma marque de raquette, Prince, n’a pas honoré les termes de son contrat et n’a pas tenu son accord."
L’entreprise a arrêté soudainement de fabriquer son outil de travail. "J’ai dû changer de raquette sans trouver celle qui convenait à mon jeu. Je suis passé chez Technifibre durant un an."
Un an et beaucoup de galères. Le jeu de Kimmer s’est déréglé de manière cruelle. "Elle n’était pas faite pour moi."
Un an plus tard, il a changé son fusil --d’épaule. "J’ai opté pour un autre modèle de raquette qui me convient mieux. Je l’adore. Elle m’apporte plus de contrôle et un peu moins de force."
L’Ostendais ne se cherche pas d’excuses. "La raquette ne fait pas tout." Elle ne fait pas tout, mais elle a sérieusement écorné la confiance qu’il avait en lui. Aujourd’hui, il vit en paix avec sa nouvelle arme sportive.
Durant cette année sombre, il a pris une autre décision majeure qui a bouleversé toutes ses habitudes. "Je me suis séparé de Tom Devries."
Pourtant , son entraîneur avait accompagné ses pas durant toute sa période de gloire. "Nous avions bossé ensemble durant 7 ans."
Il a rejoint Tennis Vlaanderen sans trouver chaussure à son pied. "Je ne me suis jamais senti très à l’aise là-bas." Malgré tous ses déboires, il ne regrette rien. "Je ressentais le besoin d’essayer autre chose. J’attendais un autre discours. Nous étions enfermés dans une routine. J’assume cette décision."
Il a alors remis sa destinée sportive dans les mains d’un autre homme en qui il avait confiance : son tout premier coach. "Mike Lynch me connaissait par cœur. Nous avions toujours gardé le contact."
Afin d’étoffer son staff, il s’est adjoint les services d’un autre poids lourd en Belgique : Carl Maes. Quand il s’entraîne en Belgique, il se partage entre Ostende et Bree. "Je m’entraîne 3 jours à l’académie Clijsters et 3 jours à Ostende." Et la "fédé" ? "C’est fini", rappelle celui qui avait été coaché par Xavier Malisse durant 9 mois.
Mike Lynch et Carl Maes l’ont aidé à se reconstruire au fil des mois. Le duo a été complété par un autre homme de confiance, son frère Olivier. "Il est préparateur physique des équipes de football et de basket d’Ostende. Avec les trois, je me sens très bien. Ils me font croire que je suis capable de grands projets. J’avais perdu ce sentiment depuis 2 ans."
Sa traversée du désert a pris fin à l’approche de l’été 2018. "Je sentais que mon jeu se remettait dans le bon ordre."
Il y a deux semaines, Kimmer Coppejans remportait le challenger de Séville. "Je ne parlerais pas de déclic. Cette réussite était la résultante de mois de travail avec Mike Lynch, Carl Maes et mon frère Olivier. Tout s’est remis petit à petit."
Son retour au sommet aurait pu aller plus vite s’il n’était pas tombé malade à plusieurs reprises durant les six premiers mois de 2018. "Quand j’ai pu aligner quelques semaines sans pépin, mon niveau a vite progressé. Le tournoi de Séville reste important car il m’a permis de croire en moi."
De mai à septembre, il a grimpé de la 371e place mondiale à la 203e. "Je sais que tout reviendra si je continue à jouer à ce niveau. Mentalement, je me sens plus fort que jamais."
Cet hiver, il bossera comme un dingue pour préparer une année 2019 qui sera capitale dans son processus de come-back. "Je veux améliorer mon meilleur classement qui est une 97e place. Les gens ne réalisent pas que figurer dans le Top 100 est réellement compliqué."
À 24 ans, Kimmer Coppejans est encore jeune. "Et je vais au-devant de belles années."
"Tout peut s’effondrer si vite"
Il a appris que le tennis n’était pas un sport féerique pour tout le monde.
Malgré la souffrance endurée durant ces dernières années, il veut transformer ces épreuves en leçons positives. Le joueur a galéré, mais l’homme a mûri.
1. "J’ai appris à savourer"
"J’ai réalisé que tout pouvait s’effondrer très vite. J’ai tout perdu. Cette période m’a aidé à mieux apprécier ma vie de sportif. Je sens que je reviens plus fort qu’avant. J’ai beaucoup appris. Je ne le cache pas. J’ai vécu un enfer. Du jour au lendemain, je suis passé du Top 100 avec un bon niveau de jeu à la galère."
2. "Les vrais amis sont rares"
Lors de son aventure en Coupe Davis en 2015, Kimmer Coppejans a été inondé de messages d’amis qui lui réclamaient des places pour les rencontres. Quand la roue a tourné, il a assisté à de nombreux départs. "C’est dans l’adversité que tu reconnais les vrais. Les gens qui étaient près de moi durant les 24 derniers mois seront toujours là dans ma vie."
3. L’argent ne coule pas à flots
Le tennis brasse beaucoup d’argent à condition de se situer dans la bonne colonne, c’est-à-dire celle des joueurs qui sont alignés dans les tournois du Grand Chelem. "J’ai vu que l’argent ne rentrait plus aussi vite. Quand tu es dans le Top 300, tu n’en vis plus. J’ai eu la chance de ne jamais souffrir sur un plan financier, mais je sais que j’ai besoin de jouer les Grands Chelems qui sont très lucratifs. Quand tu n’es même pas repris dans les qualifs de Grand Chelem, tu vois que tu n’es pas loin."
4. "La Coupe Davis se mérite"
Kimmer Coppejans avait réussi ses premiers pas en Coupe Davis. Repris dans les sélections des quarts, demi et finale en 2015, il a disparu de la circulation après le premier tour 2016. "Être écarté du groupe est une épreuve dure. J’avais été présent lors de la finale à Gand. J’ai quitté la sélection après la Croatie. Je n’avais pas d’autre choix que d’accepter la situation. La concurrence est grande. Je comprends les choix de Johan Van Herck avec qui je suis encore en contact. Je pense que la porte n’est pas fermée. J’ai besoin de sortir de bons résultats et mon tour reviendra."
"Gagner Roland-Garros a été prestigieux"
Chez les Coppejans, le sport rythme la vie de famille. Ses parents pratiquaient le tennis au TC Ostende. "J’ai commencé afin de les imiter", se souvient vaguement Kimmer. Il a fait mieux que les imiter. Il a transformé ce sport-loisir en activité principale de sa vie. "J’ai tout de suite accroché." À 9 ans, il entrait à la VTV, rebaptisé ensuite Tennis Vlaanderen. "À ce moment, le tennis est devenu une affaire sérieuse."
Tom Devries a guidé ses pas pendant les plus belles années de sa vie. "Remporter Roland-Garros était prestigieux. J’ai rencontré beaucoup de monde et été approché par des sponsors." Il a également eu l’honneur de s’emparer durant deux mois de la première place mondiale. "Mais, c’est moins important à mes yeux."
Il retiendra surtout que cet univers était magique. "Ma dernière année en juniors a été la plus incroyable."
"J’étais là pour la finale de Coupe Davis"
Quand un joueur écrit son nom sur une coupe en Grand Chelem, il se hisse dans une autre sphère. Il a supporté cette pression quotidienne. En 2013, il a assuré la transition chez les pros avec simplicité. "De 2013 à 2015, je suis monté au classement de manière progressive. Tout se passait très bien." L’année 2015 a même pris une tournure inattendue pour ce gamin aux mains magiques. La Belgique, emmenée par David Goffin et Steve Darcis, a eu le culot de s’inviter en finale de la Coupe Davis. Kimmer Coppejans a été happé dans cette aventure surréaliste. "J’ai été appelé à partir des quarts de finale." Ce week-end de juillet 2015, Johan Van Herck avait lancé Kimmer dans un double inédit avec Bemelmans pour affronter les Canadiens Nestor et Shamasdin. L’Ostendais a assuré. À quelques kilomètres de chez lui, il avait pris le pouvoir sur le terrain devant ses amis et sa famille. Le duo belge l’avait emporté 7-5, 3-6, 6-4, 6-3. S’il n’est pas monté sur le terrain jusqu’en finale, il figurait toujours dans la sélection. "J’étais là. Je n’ai jamais oublié cette expérience. J’ai eu l’honneur de vivre des matches sur des grands courts avec une ambiance exceptionnelle. Ces matches ont décuplé mon envie."
Une wild-card à Anvers ?
Dans une dynamique à nouveau positive, Kimmer Coppejans jouera encore un Challenger, à Firenze, avant d’enchaîner soit avec l’ATP 250 d’Anvers et deux semaines en Chine, soit avec trois semaines de Challenger en Chine.
"J’ai des chances de recevoir une wild-card à condition, bien entendu, qu’il n’y ait pas un joueur du top qui la demande."
"Je ne voulais pas être sur le terrain"
En juillet 2017, Kimmer Coppejans s’était rendu en Finlande pour disputer un challenger à Tampere. Son adversaire du jour répondait au nom de Tallon Griekspoor. Kimmer avait perdu. "Pendant le match, j’avais l’impression que je ne voulais pas être sur le terrain. Je n’avais pas la motivation. Rien ne fonctionnait. Ce jour-là, j’ai traversé le moment le plus dur de ma carrière. Mon désespoir était profond. J’ai songé brièvement à tout arrêter. Mon caractère m’empêche de fuir devant la difficulté."