Le tennis belge, Nadal, les grandes gueules : John McEnroe se livre les yeux dans les yeux
- Publié le 28-05-2018 à 06h40
- Mis à jour le 21-09-2018 à 08h41
Les yeux dans les yeux, McEnroe nous a livré son regard aiguisé et (im)pertinent À 59 ans, John McEnroe n’a rien perdu de son sens de la punchline. L’ex sale gosse du circuit n’a toujours pas rangé les raquettes au placard, ni sa langue dans sa poche. Au moment d’évoquer les conditions de jeu de la première édition du BNP Paribas Fortis Champions à Bruxelles, comptant pour l’ATP Champions Tour, Big Mac ne mâche pas ses mots. Et le chic club ucclois du David Lloyd appréciera… "C’est sans doute l’un des pires terrains sur lesquels j’ai eu à jouer dans ma vie." McEnroe enchaîne en se faisant servir une Duvel. Notre face-à-face avec la légende américaine ne pouvait mieux débuter…
L’an passé, vous vous étiez montré dur envers Goffin. Avez-vous changé votre fusil d’épaule ?
"Il est de ce genre de gars qui ont gravi les échelons à leur manière. Goffin ne montre pas beaucoup d’émotions sur le court, qu’elles soient positives ou négatives. D’après moi, il doit changer quelque chose à ce niveau-là s’il veut aller encore plus loin dans un grand tournoi. Il devrait mettre le feu sur le terrain. Emmener le public avec lui et être davantage démonstratif pourrait en faire un joueur encore plus fort et plus redoutable."
Lui manque-t-il d’autres arguments pour revendiquer un succès en Grand Chelem ?
"Il lui manque quelques centimètres ! Il est plus rapide, plus intelligent que beaucoup de joueurs, et puis, il a un toucher remarquable et une science du jeu innée. Mais d’autres ont cet avantage de puissance, notamment au service, auquel il ne peut prétendre, même s’il a progressé et travaillé énormément dans ce domaine. Avec ses armes, c’est difficile pour lui sur les grands rendez-vous de passer au-dessus du Top 3. Pour moi, c’est déjà un formidable accomplissement d’avoir accédé au Top 10."
Est-ce que Goffin est un joueur que vous aimeriez entraîner ?
"Je ne pense pas qu’il voudrait de moi comme coach d’autant que jusqu’ici tout se passe vraiment bien, à merveille, je dirais même, pour lui. À mon avis, il n’a pas besoin de moi. À cette étape de son évolution, je ne serais sans doute pas la personne la plus adéquate. Au contraire d’un Shapovalov qui est plus jeune et dont le profil de joueur me rappelle le mien à l’époque. Ou un Kyrgios qui me fait penser à moi sous certains aspects. Ce sont des joueurs que je comprendrais sans doute mieux."
Elise Mertens a-t-elle ses chances pour ce Roland-Garros ?
"Qui sait ! C’est vrai que le tableau féminin est incroyablement ouvert, il y a 10 à 15 femmes qui peuvent prétendre à la victoire, ce qui offre de potentielles surprises. Il faudra voir dans quel état de forme sera Serena Williams également. Il y a beaucoup d’inconnues."
Quel regard portez-vous sur le tennis belge ?
"Quand je pense au tennis belge, c’est Justine Henin et Kim Clijsters qui me viennent immédiatement en tête. Et non pas des représentants masculins. Goffin réalise un travail solide, il fait partie du Top 10 désormais, il faut lui accorder beaucoup de crédit et d’estime. Mais il est encore loin du palmarès de ces deux incroyables joueuses."
Nadal sera-t-il encore invincible à Roland-Garros cette année ?
"Thiem est celui qui a le plus de chances de vaincre Nadal à Roland-Garros. Djokovic est un autre prétendant, mais il faudra voir son état de forme sur trois sets gagnants. Concernant Zverev, il remportera des Majeurs mais est-il déjà prêt maintenant au meilleur des cinq sets ? C’est à voir. Ce serait une bonne chose pour le tennis. Il y a donc très peu de joueurs qui peuvent renverser Nadal encore aujourd’hui. Son principal adversaire est sans doute lui-même, s’il se blesse par exemple."
Y a-t-il encore des grandes gueules sur le circuit actuel ?
"Il n’y a plus de véritable grande gueule sur le circuit. Sans doute que Kyrgios est l’une des rares exceptions. Je dois reconnaître qu’il a une fameuse personnalité, et ça me plaît. Mais ça ne fait pas tout, il doit travailler et pallier encore de nombreuses carences pour arriver plus haut. Potentiellement, il pourrait être le meilleur joueur du monde, mais je ne pense pas qu’il le veuille réellement. Il a parfois réalisé des coups d’éclat, mais il lui faut trouver de la régularité dans ses performances."
Quel joueur actuel propose le jeu le plus proche du vôtre ?
"Je dois dire que celui qui rassemble le plus de similarités avec moi, c’est Shapovalov. Et ce, en comparaison à de nombreux joueurs que j’ai pu observer au fil des années. L’énergie qu’il dégage sur le court et son style de jeu me sont familiers."
Il fait donc partie des stars de demain. Aux côtés de qui ?
"Pour moi, les talents de la NextGen que je vois réellement émerger sont Auger-Aliassime ou encore Tsitsipas. Peut-être aussi Coric, mais suite à sa blessure, il faut voir comment il va se remettre."
Et Federer, favori pour un 9e Wimbledon ?
"Si je devais faire le pari là maintenant, je parierais sur Federer à Wimbledon. Certes, il n’aura plus joué depuis trois mois et cela entrouvre la porte à d’autres joueurs, même si j’en vois très peu le battre malgré tout."
Avec les performances hallucinantes de Nadal, Federer et Djokovic ces dernières années, cela change-t-il le regard que vous portez sur votre propre carrière ?
"C’est évident que Djokovic, Nadal ou Federer m’ont fait rétrograder dans les palmarès de l’histoire du tennis. Ces trois-là me font dire que j’aurais dû travailler plus dur à l’époque où j’étais sur le circuit. J’ai vécu une belle époque de notre sport et j’ai participé aux moments forts, mais les performances de ces trois gars sont exceptionnelles."
N’êtes-vous pas un peu agacé du fait qu’une partie du grand public se souvienne de vous davantage pour vos colères sur le terrain que pour votre palmarès ?
"Je pense qu’ils me connaissent surtout parce que j’étais un bon joueur. Évidemment, ils me distinguent par mes accès de colère mais, s’il n’y avait que ça, ils s’en ficheraient et ne seraient pas venus me voir ici à Bruxelles."