Le système des primes de Coupe Davis revu en profondeur: "De Greef avait pourtant accepté les conditions"
L’arrivée d’un cinquième joueur a sonné la mort de l’ancien système de répartitions.
- Publié le 01-02-2018 à 07h02
- Mis à jour le 01-02-2018 à 08h57
L’arrivée d’un cinquième joueur a sonné la mort de l’ancien système de répartitions. Depuis 1991, le président de l’Association francophone de tennis (AFT) André Stein a participé à tous les matchs de Coupe Davis des Belges à l’exception d’un week-end dans un pays africain. "Le pays était sujet à des troubles en raison d’une révolte contre un dictateur", se souvient vaguement André Stein.
Il a vu passer de nombreuses générations de joueurs. Il jure les grands dieux qu’il n’avait encore jamais assisté à un refus de sélection d’un jeune joueur. Cette semaine, il doit faire face à deux refus pour des motifs différents. Kimmer Coppejans a préféré disputer un challenger en Australie pendant qu’Arthur De Greef mettait en avant un différend d’ordre financier.
"Je suis réellement déçu, lance-t-il. Que deux jeunes joueurs déclinent une invitation est quelque chose d’impensable jusqu’ici. Ils ont tout à apprendre au contact du 7e meilleur joueur du monde. Je ne comprends pas. Je vois ces refus comme des erreurs de jeunesse."
Par le passé, un autre joueur avait tourné le dos à la sélection : Xavier Malisse. Le cas est différent. "Xavier ne parlait pas d’argent. Avec lui, le souci venait plutôt de ses sautes d’humeur. À l’époque où il a refusé de jouer, il était déjà un joueur confirmé."
Le président n’en démord pas. Les réactions du Bruxellois et de l’Ostendais lui vont loin. Les deux cas diffèrent, même si le résultat est identique. "Pour Kimmer, le choix est sportif mais regrettable. Quant à Arthur, il connaissait très bien les conditions financières. Il les avait d’ailleurs acceptées. Lors de la finale, il avait beaucoup gagné. Il a voulu encore plus. Sa demande était impossible à satisfaire. Imaginez la situation que cela aurait engendrée. Nous aurions assisté à une dérive à tous les niveaux. Je vois qu’il a saisi ce prétexte pour motiver son refus."
Cette zizanie d’ordre financier est une des séquelles de la défaite en finale la saison passée contre la France. Pour rappel, David Goffin avait remporté ses deux points du simple pendant que les Français empochaient les trois autres points dont celui d’un double qui aurait pu basculer dans les deux sens.
"En 2015, nous avions quitté la finale de Gand avec la certitude qu’Andy Murray était intouchable. En 2017, nous avons conscience que nous avons manqué une occasion. J’espère que nous en aurons encore une autre. Nous étions tout près. Le double n’a pas saisi sa chance. C’est le sport. J’en garde un goût amer."
Ce même goût amer a refait surface quand il a appris cette double défection. Pourtant, il en reste persuadé, cette équipe est magique.
"Ce noyau est soudé. Ces gars sont contents d’être là. David a l’habitude de voyager avec un staff, mais les autres sont parfois obligés de partir seuls. Durant la semaine de Coupe Davis, ils bénéficient tous de l’encadrement d’un staff complet et qualifié."
Pour clore cette question épineuse du tennis et de l’argent, André Stein ne dévoilera aucun chiffre des montants perçus par les joueurs, mais il lève un coin du voile.
"Disons que David Goffin perd de l’argent durant cette semaine. Il gagne plus en participant à des tournois ATP. Pour Ruben Bemelmans et Steve Darcis, tout dépend de leur niveau de performance en tournoi ou en challenger . Pour les autres sélectionnés, ils gagnent clairement plus d’argent en Coupe Davis."
En 25 ans, il n’avait encore jamais dû répondre à de telles questions. "C’est la première fois que je parle d’un problème financier. Jusqu’ici, nous avons toujours été d’accord sur les montants sans jamais en reparler."
Place désormais aux véritables enjeux de la semaine qui auront lieu dès jeudi lors du tirage au sort et ensuite à partir de vendredi sur le terrain. Seule la vérité du marquoir entrera dans l’histoire.
"David a boosté les ventes"
Du haut de ses 63 ans, André Stein nourrit toujours une légère inquiétude à la veille de recevoir en Wallonie une rencontre de Coupe Davis ou de Fed Cup. Son angoisse porte sur le taux de remplissage des tribunes. "Il y a toujours cette appréhension de ne pas remplir la salle. Cette fois, les ventes avaient bien démarré. Quand les gens ont compris que David Goffin serait réellement là, nous avons vu une deuxième vague de réservations. Il a boosté les ventes. Les trois quarts de la salle sont déjà remplis. Les supporters pourront encore réserver en ligne leurs tickets ou alors les acheter sur place." Pour rappel, la salle, dans sa configuration tennis, peut accueillir 4.000 personnes. Le président ne voit pas plus loin que ce week-end. "Je peux vous dire que le moteur est déjà en marche. Personne ne pense à la finale. Il faudra d’abord passer ce tour. La victoire est à notre portée, mais nous nous méfions de Fucsovics."
"Steve se bat pour revenir à 100 %"
André Stein a pu s’entretenir au bord du terrain avec Steve Darcis tout en regardant le jeune Julien Cagnina suer sur le court. "Steve est exceptionnel. Il avait demandé s’il pouvait nous aider cette semaine avant même que nous lui demandions. Il a pris une sage décision en renonçant à la compétition pendant plusieurs mois. Il est motivé pour guérir à 100 % afin de revenir sur le circuit pour plusieurs années." Quant à Julien Cagnina, il en attend beaucoup. "Je le connais depuis qu’il est enfant. Et pour cause, il est originaire du club de Fayenbois. Il était promis à un bel avenir. Cette sélection lui a rendu confiance. Il est fier d’être là. Et je peux vous dire qu’il n’a jamais parlé d’argent. Il est excellent en fond de court avec un gros coup droit, mais il doit jouer plus vers l’avant."
"David Goffin n'est pour rien dans le changement"
La répartition des primes a changé. Exit le gâteau coupé en quatre. Les Belges ont adopté le système français.
Pendant des décennies, la répartition des primes en Coupe Davis n’avait pas pris de ride. L’enveloppe était divisée de manière égale entre les quatre joueurs. Aucun n’a jamais protesté contre ce système. Les difficultés sont apparues à partir du moment où un cinquième joueur a pu être appelé. Le statut de ce réserviste était compliqué car il ne jouait pas, mais il était empêché de disputer un autre tournoi. "En 2017, Arthur De Greef a touché ses 25 % lors des demi-finales car il a remplacé Joris De Loore, blessé la semaine précédente, confie André Stein. Joris a perçu une indemnité."
En finale, les rôles se sont inversés. Arthur De Greef a retrouvé son statut de 5e homme et a donc touché un montant très inférieur à celui des demi-finales.
Conscient des limites de ce système qui ne tenait pas compte non plus du statut des joueurs, la fédération de l’AFT et celle de Tennis Vlaanderen ont planché sur une répartition qui correspond plus à la réalité du terrain. Était-il juste de rémunérer de la même manière le 7e joueur mondial qui apportait deux points que le 250e joueur qui disputait un double ?
En 2018, l’équipe belge a donc changé les dispositions. "Nous avons copié le système français, commente André Stein avant de poursuivre son explication. Nous avons mis en place un système à points."
Concrètement, les joueurs amassent des points pendant toute l’année. Une présélection, une sélection, une présence sur le terrain, une victoire, une victoire finale de l’équipe ou encore le classement du joueur sont autant de critères pour obtenir des points. Les chèques sont donc signés en fin d’année après le décompte. "Ce système fonctionne sans difficulté en France. Il évite les rouspétances."
David Goffin est étranger à ces changements. Le Liégeois, gentleman des courts, est également un gentleman dans les négociations de primes. André Stein ne tarit pas d’éloges. "David n’y est pour rien dans tout cela. Il ne réclame rien. Nous avons changé de système afin d’éclaircir les statuts des 4e et 5e joueurs. Depuis que je suis là, c’est la première fois que nous remettons ce système à l’ancienne en cause."
Lundi, le président de l’AFT était présent à Bruxelles pour assister à la remise du Trophée national du mérite sportif à David Goffin.
"J’ai entendu de grands sportifs louer l’exemplarité de David. J’en étais, bien entendu, fier. Quand Alain Courtois m’a demandé des anecdotes pour son discours, je ne savais que lui dire car David est un garçon calme qui fait peu de vagues."