À la découverte de la karatéka Luana Debatty: "J’ai couru avec Nafi"
Luana Debatty est revenue vers le karaté après sa parenthèse athlétique, à 16 ans.
- Publié le 27-03-2019 à 06h55
- Mis à jour le 27-03-2019 à 10h15
Luana Debatty est revenue vers le karaté après sa parenthèse athlétique, à 16 ans. Dimanche 10 mars… Louvain-la-Neuve. Le parking du "Blocry" est loin d’afficher complet en cette matinée. Un homme s’affaire dans le coffre de sa voiture. Il s’agit d’Olivier Mahauden, président de la Fédération francophone de Karaté. Il vérifie la taille des tenues, rangées dans des caisses, de notre équipe nationale en vue des championnats d’Europe qui ont lieu en cette fin de semaine, à Guadalajara, avant de rejoindre ses troupes dans l’une des salles réservées aux sports de combat.
Le temps, encore, de répondre à l’une ou l’autre question d’Eddy Quaino, secrétaire fédéral, et de régler un problème avec Marco Costa, sélectionneur national, et le voilà devant la porte, dont seul un badge permet l’ouverture.
À l’intérieur, la plupart de nos sélectionnés participent à l’entraînement national. Seuls manquent à l’appel Michael Dasoul et Hanne Michiels, nos "poids plume", ainsi que Jonathan Mulolo, l’un de nos "lourds", dont la sœur Ophélie précise qu’il souffre de l’épaule et a besoin d’un peu de repos.
En revanche, Luana Debatty est bien là ! À 26 ans, la Liégeoise est notre karatéka actuellement la mieux classée au ranking mondial (20e), de justesse devant Michael Dasoul (21e) et Jess Rosiello (25e). Mais elle est la plus expérimentée avec, déjà, au compteur six Euros et quatre Mondiaux (depuis 2012).
Il est vrai que Luana est née dans le monde du karaté, son nom (Debatty) étant viscéralement lié à la discipline en Belgique, même si elle a commencé assez tard. "J’ai toujours été passionnée de sport, en général. Je suis diplômée en Éducation physique. Mais, avec un père (Pablo) et deux de ses frères en équipe nationale de karaté, je ne pouvais que me lancer dans cette discipline ! J’ai donc commencé à l’âge de 10 ans, participant à mes premières compétitions à 12, puis intégrant notre équipe nationale à 14."
Ces débuts fulgurants n’ont pourtant pas empêché Luana de découvrir d’autres horizons et, en particulier, l’athlétisme… "C’est exact ! Entre 16 et 18 ans, j’ai jonglé entre le tatami et la piste. Je me suis entraînée avec Nafi Thiam, qui est deux ans plus jeune que moi, sous la houlette de Roger Lespagnard. Je courais le 100 et le 200 m. Mon père, lui, voyait bien que j’étais attirée par l’athlé et ne voulait pas me forcer à privilégier le karaté. C’est mon corps qui m’y a ramenée ! Je me suis blessée. Fracture de fatigue. Et je me suis rendu compte que j’étais plus formée pour le karaté. Je ne regrette pas mon choix…"
Entre-temps, ses études secondaires terminées, Luana a entamé son cursus supérieur à la Haute École Charlemagne, à Liège, en Éducation physique ! "J’avais vingt heures de sport par semaine. Je me suis accrochée ! Et, une fois mon diplôme en poche, j’ai commencé à travailler, à mi-temps, dans un magasin de sport. Et ce, jusqu’à ce que j’obtienne un contrat, à plein temps, à l’Adeps."
C’était en décembre 2018. À l’aube de cette année pré-olympique où Luana espère assouvir un autre rêve, celui de se qualifier pour les Jeux de Tokyo…
“Les JO sont le rêve de tous”
La Liégeoise de 26 ans ne veut pas penser à la décision défavorable de Paris 2024.
En poussant la porte de cette salle au plafond assez bas et aux murs bleu ciel, on est frappé par l’intensité des coups portés, pourtant toujours en retenue, par les poings et les pieds, mais on est aussi surpris par les cris stridents qui les accompagnent. On comprend alors mieux pourquoi l’enceinte où s’entraîne notre équipe nationale de karaté n’est pas publique ! Ils sont une douzaine sur le tatami, parmi lesquels nos représentants aux championnats d’Europe. “Nous nous retrouvons au minimum une fois par mois !” explique Olivier Mahauden. “Dans cette salle, il y a les élites. Et, en face, les jeunes… Le karaté est un sport où on débute dès le plus jeune âge. Et, très vite, on voit le potentiel de chacun.”
Le président de la Fédération francophone sait de quoi il parle, lui qui a accompagné son propre fils, Quentin, sacré champion olympique de la Jeunesse, en octobre, à Buenos Aires. Un titre particulièrement prometteur que la décision de Paris 2024 de remplacer le karaté par le breakdance à son programme olympique est venue assombrir… “Nous avons pris un coup sur la tête ! Non seulement pour Quentin, mais pour le karaté belge en général… Certains projets que nous devions défendre auprès du COIB ont été mis au frigo. Vraiment dommage ! Cette décision est d’autant plus incompréhensible que la France est actuellement n° 2 mondiale de notre discipline.”
Et, surtout, les organisateurs de Paris 2024 n’ont pas attendu de voir comment le karaté serait perçu aux Jeux de Tokyo. Alors, même si le choix doit encore être avalisé par le CIO (et qu’il ne sera que fin 2020), c’est un coup dur pour la discipline en Belgique.
Âgée de 26 ans, Luana Debatty, très active sur le tatami lors de cet entraînement dominical, préfère ne pas penser à la polémique et se concentrer sur… Tokyo 2020. “Je ne veux pas me mettre d’idées négatives en tête. Au contraire, je veux saisir ma chance ! À commencer par cet Euro où je suis persuadée que tout peut arriver, selon la forme du jour. Et elle dépend d’un tas de facteurs, physiques et mentaux. C’est pourquoi je n’aime pas trop m’avancer en termes d’objectif… Pour le reste, il y aura, bien entendu, d’autres compétitions cette année. Huit encore, avec les Jeux européens, fin juin, à Minsk. Mais il est évident que les Jeux sont le rêve de tous ceux avec qui je m’entraîne, ici, aujourd’hui !”
“Un bon binôme : il y a le père et il y a l’entraîneur”
Luana Debatty doit beaucoup à son père, Pablo, ancien karatéka de haut niveau, qui est devenu son entraîneur.
“C’est exceptionnel et je le prends comme un avantage, même si ce n’est pas toujours facile à gérer sur le plan émotionnel. Il ne faut pas tout mélanger. Il y a le père et il y a l’entraîneur. Nous formons un bon binôme au niveau sportif, tout comme je peux toujours compter sur lui sur le plan affectif.”
Dans la famille de Pablo Debatty, Luana est la seule à pratiquer le karaté… “Mon grand frère, Michael (31 ans), est peintre, à Bruxelles, et ma petite sœur, Mathilda (19 ans), termine ses études secondaires. Comme moi, ils ont reçu une éducation sportive, mais ni l’un ni l’autre n’ont embrayé sur le karaté, discipline dans laquelle je me suis épanouie. Si l’on excepte ma parenthèse athlétique, j’ai toujours cherché à évoluer. Et ce, dès les premières compétitions, à l’âge de 12 ans. Et, oui, je rêve des Jeux olympiques ! Un objectif raisonnable, que mon père partage parce qu’il a toujours cru en moi.”
Dès 2012, Pablo Debatty a initié la carrière internationale de Luana en insistant pour qu’elle participe au Mondial, à Paris, où elle s’est classée septième, à la surprise générale, après trois combats gagnés. Le début d’une belle histoire…
“Ce contrat Adeps engendre une forme de pression”
Après avoir terminé ses études supérieures en Éducation physique, il y a quatre ans, Luana Debatty a immédiatement été engagée dans un magasin de sports, à Rocourt.
“J’y ai travaillé jusqu’en décembre, moment où j’ai appris que mon contrat à l’Adeps passait à plein temps. J’en suis fière et heureuse parce que j’y vois une marque de confiance après une belle saison 2018 au cours de laquelle j’ai décroché l’or en Espagne et terminé cinquième au Japon. Mais ce contrat engendre aussi une forme de pression. Je ne veux pas décevoir ! C’est pourquoi je mets vraiment tout en œuvre pour réussir…”
Outre l’Euro, en cette fin de semaine, l’objectif de Luana est de se qualifier pour les Jeux de Tokyo. Pour y parvenir, deux solutions : figurer dans le top 15 mondial en juin 2020 ou monter sur le podium lors du tournoi olympique.
“Oui ! Étant entendu qu’au programme des Jeux, le nombre de catégories passe de cinq à trois… Et, dans mon cas, je suis 20e mondiale en -68 kg, mais 47e olympique en +61 kg ! Je dois donc engranger un maximum de points dans ma catégorie, tout en ne pouvant combattre contre des +68 kg, à l’exception de ce fameux tournoi de qualification olympique, prévu en janvier 2020, à Paris. Ce sera peut-être, là, l’heure de vérité !”