Robert Waseige, ce maître motivateur
Robert Waseige a perdu le dernier match d'une existence vouée toute entière au football et à sa famille.
- Publié le 17-07-2019 à 18h28
- Mis à jour le 18-07-2019 à 10h18
Robert Waseige a perdu le dernier match d'une existence vouée toute entière au football et à sa famille. Robert Waseige ne soufflera pas quatre-vingts bougies. L'enfant de Ste-Walburge, si viscéralement liégeois, a rejoint, hier, le paradis des entraîneurs, lâché par un cœur qui aura résisté dix-huit ans après avoir subi, en 2001, un quadruple pontage aorto-coronaire et être en guerre ouverte avec le diabète.
Dans sa petite maison de Rocourt, proprette mais toute simple, qui le caractérisait si bien et qu'il n'a jamais voulu quitter, une pièce-bureau, devenue sanctuaire, lui était réservée. Il y avait accumulé, sans ostentation, les souvenirs et les nombreuses récompenses qui ont jalonné une carrière dont il pouvait s'enorgueillir. Ne ressassant pas sans cesse le passé, il n'allait guère s'y recueillir, préférant se river à l'écran de sa télévision pour suivre la NBA, dont il était devenu un grand fan, ou pour répondre aux sollicitations, toujours nombreuses, des médias avides de l'entendre commenter, avec son humour si personnel, les circonvolutions d'un ballon rond qu'il n'a jamais renié.
L'âge venu, il se conformait à des habitudes: le repas de midi avalé, le même jour de chaque semaine, dans le resto de Moreno Giusto, un des anciens joueurs de ce FC Liégeois d'antan dont les membres se retrouvent toujours aujourd'hui avec le même ravissement était un rite auquel il ne dérogeait pas. Revenu à ses sources, il suivait aussi, d'une place fixe dans la tribune, la remontée du FC Liège qu'il espérait tant revoir évoluer un jour à l'échelon professionnel. A l'automne de son existence, ne supportant pas l'inactivité et comme pour bien démontrer son éclectisme, il était devenu un étudiant assidu de l'université du troisième âge.
Robert Waseige incarnait, sans l'avoir vraiment cherché, une personnalité authentique de notre football. Ce clubman modèle émargea à la première grande équipe de ce FC Liégeois qui faisait parfois de l'ombre à un Standard pas encore tentaculaire. Il a disputé ces derbys exaltant la Cité ardente dans des stades pleins jusqu'à la gueule qui massaient les supporters jusque dans les zones neutres. Il exprimait déjà en germe sa véritable vocation: celle d'entraîner. C'est à Winterslag que son talent allait éclore. C'est au FC Liégeois qu'il allait s'épanouir pour la première fois, acquérant des lettres de noblesse qu'il allait polir par la suite au Standard et à Charleroi, deux clubs dans lesquels il est revenu, puis à la tête des Diables rouges, bien moins doués que leurs successeurs actuels, qu'il a pourtant menés, en 2002, jusqu'à un huitième de finale tronqué par l'arbitre du mondial asiatique alors qu'il avait annoncé qu'il retournait au Standard au terme de la compétition.
Robert Waseige a d'abord marqué l'histoire du FC Liégeois, qu'il a entraîné pendant dix saisons. Il l'a extrait des bas-fonds du classement pour le hisser aux premières loges du championnat et même le lancer sur la scène européenne. A Liège, à Charleroi, au Standard et même en équipe nationale, il n'a jamais dérogé à une méthode de travail très personnelle. Susceptible en diable, Robert Waseige adorait "piquer" par un trait d'humour qui frisait parfois l'ironie.
Il adorait titiller ses footballeurs ou ses interlocuteurs. l Il n'hésitait pas à vexer un des ses joueurs vedettes qui rechignait à jouer de la tête, en lançant, guoguenard: "Tu iras refaire ton brushing après l'entraînement." Le trait portait presque toujours ses fruits. Jean-François De Sart, que Robert prenait parfois pour cible, ne lui en a jamais tenu rigueur: "Robert était un grand monsieur. Un motivateur hors pair. Un vrai professeur et un maître dans la communication. Parce qu'il maniait à la perfection la langue française, il imageait très souvent ses séances en les agrémentant d'un discours qui nous faisait rigoler mais qui portait ses fruits. C'était son style. Sa manière d'expliquer sa conception du football. Son mode de fonctionnemenent a contribué à nous insuffler l'amour du football. La preuve? Beaucoup d'entre nous sont devenus entraîneurs".
Robert Waseige était un self made man, un autodidacte qui a peut-être parfois commis l'erreur de ne pas vouer une confiance suffisante aux personnes qui l'entouraient. Il s'est forgé tout seul, arrachant même, à l'apogée de sa carrière, la reconnaissance de la frange des journalistes néerlandophones qui avaient accueilli sa nomination à la tête des Diables avec des ricanements.
Personnage nature, Robert Waseige n'a jamais dû se dépouiller des oripeaux de la vedette qu'il n'a jamais cherché à incarner. Il a toujours mené la vie de monsieur-tout-le-monde, sans jamais cultiver des goûts de luxe. Il était aussi un homme de valeurs, qui a bien éduqué ses trois garçons. Robert ne doit pas nourrir de regrets. Il a bien vécu et bien servi la cause de "son" football. De là-haut, il distillera sûrement quelques traits d'humour à ceux qu'à regret il a dû abandonner ici-bas.