Sander Berge: "Partir en champion et suivre les pas de KDB"
Sander Berge peut devenir champion pour la première fois de sa carrière. Un cadeau d’adieu qu’il aimerait déballer dès ce dimanche sur le terrain de Bruges.
- Publié le 11-05-2019 à 07h28
- Mis à jour le 11-05-2019 à 08h55
Sander Berge peut devenir champion pour la première fois de sa carrière. Un cadeau d’adieu qu’il aimerait déballer dès ce dimanche sur le terrain de Bruges. Un membre du Racing Genk passe derrière Sander Berge et lui envoie une grande claque dans le dos. Il se tourne vers nous et sort un petit son de douleur. Malgré ses 198 cm et ses épaules de déménageur, le Norvégien de 21 ans n’est pas insensible à la douleur.
On y croyait pourtant à force de le voir remporter une somme colossale (à son image) de duels, arrachant des ballons presque impossibles.
Derrière son visage de poupon et ses allures d’adolescent qui a grandi trop vite, Sander Berge fait preuve d’une énorme maturité et d’une vision très claire du football.
Entretien avec l’un des hommes les plus importants d’un Genk qui pourrait être sacré champion dès ce week-end, lors du déplacement au Bruges.
Sander Berge, le jour J approche à grands pas. Ressentez-vous une atmosphère spéciale dans le groupe ?
"Pas tant que cela, en fait. Chaque match a été une finale. Si nous n’avions pas fait le job jusqu’ici comme si chaque rencontre était cruciale, nous ne serions pas en position de pouvoir remporter le titre. Nous avons atteint notre niveau de jeu et nous sommes même plus forts qu’avant. Nous partons à Bruges avec beaucoup de confiance et de motivation. Nous sommes une équipe de grands matchs. Je préfère devoir me farcir Hans Vanaken et Adrien Trebel à chaque match que de jouer des rencontres qui seraient moins prestigieuses."
Vous ne pouvez tout de même pas cacher que ce Club Bruges - Genk de ce dimanche à 18 h est un match plus important que les autres…
"On ne doit pas se dire ça. Ce n’est pas simple, mais cela explique en partie notre réussite cette année. Nous avons joué à fond tous nos matchs, que ce soit contre les Luxembourgeois de Fola Esch (NdlR : qualifications pour l’Europa League) ou contre Bruges. Nous avons créé un environnement dans lequel on peut développer notre vrai niveau."
C’est aussi pour cela que vous avez longtemps refusé de parler de titre…
"C’était notre méthode de travail. Trop de gens parlent sans poser d’acte par la suite. La modestie a fonctionné. Personne ne s’est cru plus beau qu’un autre. On gardait en tête que se planter était une possibilité."
À quel moment avez-vous pensé que le titre était à votre portée ?
"Quand on a eu dix points d’avance en cours de saison, ça m’a trotté en tête mais j’ai connu assez de leaders voir leur avance fondre lors des playoffs que je suis revenu les pieds sur terre. On sentait que ça venait mais on devait finir la saison encore plus fort. C’est ce qu’on fait en playoffs."
Vous étiez le premier à dire que Genk sera champion !
"Ouais, je n’ai pas dit ça comme ça, mais bon… Clairement nous voulons être champions. Je ne suis pas un sportif de haut niveau pour, au final, terminer deuxième."
Brandon Mechele, le défenseur de Bruges, refuse catégoriquement de vous voir devenir champions sur son terrain !
"Je n’aurais pas non plus envie de cela à sa place. Mais pour nous, c’est un énorme boost d’aller chercher le titre sur le terrain de notre rival. Ce serait historique."
N’avez-vous pas envie d’attendre dimanche prochain, histoire de laisser du suspense ?
"On ne va pas attendre pour le plaisir. Plus vite c’est fait, mieux cela sera."
Bruges espère vous faire paniquer. Imaginez, vous prenez 5-0 dimanche, le stress va-t-il s’emparer de vous ?
(il stoppe) "Non, pas 5-0. Non, on n’ose pas imaginer ça. Si on perd, pas de souci, on jouera le match suivant à fond. Sans stresser."
Avez-vous jeté un œil aux noms des derniers champions genkois ?
"Bien entendu. Certains dans le monde du football pensent à être riches et connus. Moi, je veux laisser une trace. La manière dont on se souviendra de moi au club m’importe beaucoup. J’ai envie de marcher dans les pas de Kevin De Bruyne et Thibaut Courtois, pour ne citer qu’eux."
Peut-on dire que Genk sera un beau champion ?
"Je ne vais pas dire le contraire. Je suis fier de tout le groupe. Dès le début, nous avons été solidaires. Nous avons grandi, pris nos responsabilités ensemble. Nous avons réalisé quelque chose de grand."
En développant du beau football…
"On pensait surtout à gagner. Bien jouer sans rien avoir au final, cela ne vaut rien."
Beaucoup pensaient que vous alliez tout perdre avec le départ d’Alejandro Pozuelo vers Toronto. Comment avez-vous su retourner la situation ?
"Avant, on parlait plus d’individualités et moins de l’équipe. Nous avons perdu un grand joueur mais nous sommes meilleurs qu’avant. D’autres joueurs ont pris leur chance. Il y a plus de solidarité et de stabilité. Regardez, ce n’est plus le Real et le Barça qui mènent la danse en Europe mais des blocs comme l’Ajax Amsterdam (NdlR : l’interview a été faite le jour de leur élimination) et Liverpool. Nous avons aussi été boostés par le fait qu’on nous pense finis à cause de ça."
Avez-vous directement adhéré au plan de Philippe Clement, votre entraîneur, pour vous passer de lui ?
"Sans hésiter. Même Pozuelo savait qu’on pourrait être forts sans lui. Nous avons mis en avant de nouvelles qualités. Dans le groupe, pas mal de joueurs ont pu se révéler suite à cela."
On vous en demande beaucoup dans le travail défensif…
"Avant, je courais plus que maintenant car nous nous répartissions moins les tâches. Nous n’étions pas aussi compacts que maintenant. Bryan (Heynen) revient un peu plus bas et Ruslan (Malinovskyi) court aussi beaucoup. Quand Pozuelo était là, je devais couvrir trop de terrain. Je peux désormais prendre de nouvelles responsabilités."
Le Racing Genk est-il l’exemple type du football moderne ?
"Oui, clairement. Nous avons toujours l’ambition de jouer entre les lignes, d’avoir le ballon mais en ayant un certain équilibre. Nous savons aller très vite vers l’avant et même contrer si besoin. On sait changer de style. Dans les grands matchs, ce genre de choses fait la différence."
Vous avez un peu le style de Liverpool…
"Toutes proportions gardées, hein ! Mais je vois ce que vous voulez dire et je suis d’accord. Il y a certaines ressemblances."
Notamment un bon coach. Philippe Clement est-il le meilleur entraîneur de votre jeune carrière ?
"J’aimais beaucoup l’approche d’Albert Stuivenberg et son jeu offensif mais Clement a clairement un truc. On sent qu’il a une longue expérience du vestiaire et qu’il a été capitaine. Il comprend comment traiter chaque joueur pour tirer le meilleur de chacun. Il crée un environnement dans lequel on peut grandir et aller chercher le meilleur de nous-mêmes. Nous avons tous évolué depuis qu’il est arrivé. Prenons un exemple : avant, nous aurions parfois péché par naïveté en voulant trop jouer au football. On s’est endurci en devenant plus adultes."
S’il part, vous le suivrez ?
"Cela va être difficile d’atterrir au même endroit (rires)."
Vous êtes bien resté pour lui l’été dernier…
"On a eu une bonne discussion. Je voulais que l’équipe aille chercher tout son potentiel. Pareil pour moi. Je voulais prendre de l’expérience et il a fait partie de ceux qui m’ont convaincu de rester."
Est-ce difficile, quand on a 20 ans, de refuser une offre de Séville ?
"Quand tu es jeune, tu veux toujours vivre de nouveaux défis. C’est un club et un championnat de rêve. J’étais dans un creux mais j’ai réfléchi en analysant comment tirer le maximum de ma carrière. Genk a voulu me garder et, au final, c’était la meilleure solution pour moi."
Rester est un choix complexe, surtout à l’heure actuelle…
"Ce n’était pas un été facile, croyez-moi. Beaucoup de jeunes joueurs sont poussés à faire des choix. J’ai préféré me poser. Je préférais jouer ici qu’être sur le banc à Manchester City. À 26 ans, d’accord, c’est peut-être le moment ou jamais. Mais j’avais 20 ans à l’époque."
Le moment est-il désormais venu pour vous de partir ?
"Nous avons toujours été clair dans notre façon de voir les choses. Genk veut acheter des joueurs et les garder un certain temps avant de les vendre. On est arrivé à ce stade du processus. La prochaine étape pourrait être la plus importante pour moi. Pour le moment, je me dirige clairement vers un départ."
La Ligue des champions ne vous convaincra pas de rester ?
"C’est une motivation, mais est-ce le bon trajet pour moi ?"
Il est peut-être plus simple de briller contre des grands clubs que de s’y imposer…
"Mais je ne cherche pas à signer dans l’un des plus grands clubs. Je pouvais partir en Premier League quand j’évoluais en Norvège mais je voulais un tremplin. Je reste dans le même état d’esprit : aller chercher une étape intermédiaire. Dans un club qui a un plan pour moi, un coach qui me veut. Je suis arrivé à Genk avec une mission claire : remplacer Wilfred Ndidi (aujourd’hui à Leicester)."
Espérez-vous battre le record du plus gros transfert de Pro League et les 25 millions de Youri Tielemans ?
"Je n’y prête aucune intention. Je préfère gagner ce titre avec Genk que de soulever des trophées individuels ou battre un record. Tu comptes quoi à la fin ? Pas le montant de ton transfert mais ce que tu as laissé comme trace."
Quelle trace pensez-vous laisser à Genk ?
"Je veux partir avec le titre de champion. Impossible de dire autre chose."