Clement se livre avant Standard-Genk: "Michel Preud'homme est moins excité qu’on le pense"
Philippe Clement a été l’adjoint apprécié de Preud’homme à Bruges pendant 4 ans.
- Publié le 27-10-2018 à 07h24
- Mis à jour le 27-10-2018 à 12h07
Philippe Clement a été l’adjoint apprécié de Preud’homme à Bruges pendant 4 ans. "Que ferai-je quand je le reverrai ? Je lui donnerai un bisou !"
Philippe Clement sourit. Qu’il soit, pour la première fois, confronté à lui comme entraîneur, n’affecte pas son plaisir de retrouver Michel Preud’homme, "mon mentor " comme il le qualifie.
Les deux techniciens ont vécu quatre ans ensemble à Bruges. Ils se sont acclimatés l’un à l’autre, ils ont appris à s’apprécier, puis se sont mutuellement adoptés : "Nos contacts se sont forcément un peu distendus. Mais nous correspondons encore de temps à autre, par sms. De quoi parlons-nous ? Très peu de notre équipe respective car nous sommes redevenus des rivaux. Mais Michel demeurera toujours pour moi un ami. C’est une chance pour moi d’avoir pu travailler avec un grand professionnel comme lui. J’ai plus appris avec lui à Bruges que si j’avais entraîné, seul, une équipe moyenne."
Philippe Clement confesse : "Notre première saison commune, à Bruges, Michel occupait seul un bureau. Les autres membres du staff partageaient un autre local. Un an plus tard, Michel m’a attiré près de lui. Je lui en serai toujours reconnaissant."
Vous sentez-vous plus motivé parce que vous allez affronter Michel Preud’homme ?
"Non, même si l’événement est un peu particulier pour moi. Je ne joue ni contre Michel ni contre Ivan Leko. Que l’adversaire se nomme le Standard, le Club Bruges, Eupen ou Courtrai m’importe peu. Mon seul moteur est la victoire."
Que vous a le plus appris Michel Preud’homme ?
"Il m’a démontré qu’il était essentiel de s’appuyer sur des principes de jeu clairs, de savoir travailler avec l’ensemble de son staff et de veiller à bien définir les responsabilités de chaque membre du club."
En quoi vous ressemblez-vous, Michel et vous ?
"Nous sommes deux perfectionnistes, deux maniaques, deux alcooliques du travail. C’est une des raisons pour lesquelles nous nous sommes si bien entendus. Personnellement, je n’ai pas de hobby. Ma vie, c’est le foot d’abord, ma famille ensuite. Je quitte mon domicile à 6 h du matin, je le rejoins à 20 h, 20 h 30, après 2 h 30 de route. Mon horaire était le même à Bruges."
Vous n’êtes tout de même pas aussi nerveux que lui sur un banc de touche ?
"Méfiez-vous des apparences. Je peux m’énerver autant que lui. En réalité, Michel est moins excité que tout le monde le pense. Il est simplement plus expansif, plus impulsif que moi qui intériorise davantage."
Qu’est-ce qui énerve Michel Preud’homme pour le moment ?
"Le constat que ses joueurs ne parviennent pas encore à traduire sur le terrain ses principes de jeu. Qu’ils ne les aient pas encore pleinement assimilés, eux qui ne sont plus aussi libres offensivement qu’ils l’étaient la saison dernière. Rien d’inquiétant à cela : les premières semaines de Michel au Standard ne diffèrent guère de ses premiers temps à Bruges : Sclessin ne perd donc rien pour attendre."
Dans l’absolu, n’aimeriez-vous pas que le Standard reproduise contre Genk la prestation qu’il avait livrée contre Bruges, pour vous permettre d’apprécier vraiment la qualité de votre équipe ?
"Je dois apprendre à... dormir"
Le formidable coup de pied lancé dans la fourmilière du football vicié par l’argent désole Philippe Clement : "Si tout ce qu’on lit dans les journaux est vrai, la justice doit faire son office. Le football doit baigner au plus vite dans une atmosphère saine : ceux qui ont triché doivent payer. Qu’ils soient dirigeants, joueurs, managers ou arbitres."
L’entraîneur du Racing assure qu’il n’a jamais été sollicité pour infléchir le résultat d’un match : "J’eu eu la chance d’évoluer dans des équipes de pointe et de ne jamais être impliqué dans la bataille pour ne pas descendre. Et puis, tout le monde me connait : je suis toujours correct et droit. Je ne serai jamais le premier qu’on sollicitera pour une malversation de ce genre."
Philippe Clement adopte à cet égard une attitude dénuée d’équivoque : "Quand je suis devenu entraîneur, j’ai reçu, chaque jour, une multitude d’appels de managers qui me proposaient des joueurs. Je les ai toujours redirigés vers le club. J’agis de même quand un ami, devenu manager, me vante les mérites d’un renfort potentiel. De toute manière, si le joueur se révèle vraiment intéressant, Dimitri De Condé m’en fera part."
Entraîneur à succès, Philippe Clement jouit-il d’une publicité suffisante ? "Je ne me soucie pas de ce genre de considération. Je ne travaille pas pour apparaître à la télévision ou dans les journaux. Mon seul souci, c’est d’œuvrer pour conquérir quelque chose. J’aime le foot. Je suis heureux avec mon staff et mes joueurs."
Ses premiers pas dans la carrière lui ont appris quelque chose sur lui-même : "Je dois trouver le bon équilibre entre le travail et le repos. À la fin du mois d’août dernier, j’étais vraiment fatigué car je ne dormais pas assez. Je devrais déléguer encore davantage..."
Michel Preud’homme, ce propos ne vous évoque-t-il rien ?
"Je ne pouvais refuser Genk"
Le nouvel entraîneur du club limbourgeois est simplement revenu chez lui…
Philippe Clement a signé au Racing Genk un contrat à durée indéterminée : "C’était la volonté du club. Si le Racing me remercie, il devra verser un dédit. Si je le quitte, je devrai le dédommager également. Mais le club souhaite que nous travaillions longtemps ensemble."
Vous nous avez un peu surpris en quittant aussi vite Waasland-Beveren…
"Je me suis surpris également. Au début du mois d’octobre, j’avais refusé La Gantoise. Quand ils l’ont appris, certains de mes joueurs m’ont dit que j’étais fou d’avoir dédaigné cette offre. Que, dans mon cas, ils seraient partis. Quand Genk s’est manifesté, je savais que Morioka, Seck et peut-être Demir allaient partir lors du mercato. Que huit ou neuf autres allaient quitter le club à la fin de la saison. Genk était séduisant. J’avais un beau passé de joueur dans ce club, je connaissais d’autant mieux l’état d’esprit des supporters qui était identique au mien. On est sensible à un travail acharné, on garde les pieds sur terre et on apprécie un style de jeu offensif. Exactement comme moi. Il était plus difficile pour moi de refuser le Racing que La Gantoise."
Comment travaillez-vous, les dirigeants et vous ?
"De la manière la plus collégiale possible avec le président Croonen, le directeur technique Dimitri De Condé et le CEO Erik Gerits. Notre noyau comporte 23 joueurs de champ et 3 gardiens. C’est peu mais c’est délibéré. Avec Dirk Schoofs, Dimitri De Condé a l’art de débusquer des jeunes éléments talentueux. Un exemple : j’avais demandé un arrière central rapide, bon pied gauche, bon jeu de tête, bon défenseur et bon ballon aux pieds. Ils m’ont trouvé Lucumi, à ma grande satisfaction. Notre travail de scouting est remarquable. La décision finale est arrêtée par Dimitri et moi. Le Racing n’enrôle pas un joueur que je ne veux pas acquérir et personne ne part si je ne l’autorise pas."
Quel joueur vous étonne le plus ?
"Dewaest. Il s’est métamorphosé cette saison. Sa mentalité et sa volonté sont à citer en exemple."
Naguère, on reprochait au Racing de manquer de leaders.
"Ce n’est plus vrai : il y en a beaucoup aujourd’hui. Seck est un leader naturel. Mais de plus en plus de joueurs assument des responsabilités dans le vestiaire, pas seulement pour eux-mêmes mais pour le groupe. C’est exactement ce que je demande."
"Personne ne partira pendant le mercato"
Leader détaché, toujours invaincu, au jeu séduisant, le Racing Genk a tout pour plaire.
Philippe Clement, pourtant, ne se considère pas comme l’entraîneur le plus heureux de la Pro League : "Je ne sais pas profiter du moment. C’est un de mes défauts. Ambitieux, je pense toujours au match suivant, à la confirmation à apporter. Je suis surtout heureux quand les gens autour de moi le sont."
De quoi êtes-vous le plus fier en ce moment ?
"De beaucoup de choses. Quand je suis arrivé à Genk, le 19 décembre dernier, le négativisme régnait en maître dans toutes les sphères du club : le vestiaire, notamment, manquait cruellement de confiance. Neuf mois plus tard, tout a changé, à commencer par les appréciations des supporters. On est premiers au classement mais on détient aussi la meilleure attaque, le meilleur buteur et on se crée le plus d’occasions dans les matches. On commet le moins de fautes et on est le moins souvent avertis. Quand on travaille de la sorte, les points s’engrangent naturellement. Mais le mieux, c’est la qualité de notre jeu. Les joueurs affichent un tout autre état d’esprit qu’il y a neuf mois : ils sont terriblement motivés à la perspective de s’améliorer encore chaque jour."
Vous réussissiez à Waasland-Beveren, vous avez mené Genk tout en haut du classement : quel est votre secret ?
"Être entraîneur, c’est créer un environnement permettant à chaque joueur de s’épanouir individuellement et pas seulement les titulaires. C’est aussi définir un plan de jeu clair, que les joueurs puissent tous développer au même moment."
Avez-vous prouvé que vous étiez apte à entraîner le Club Bruges ?
"Je n’ai rien à prouver. Je ne nourris aucun ressentiment. Tout a été parfaitement précisé en son temps."
Qu’est-ce que Bruges a encore de plus que Genk ?
"L’expérience. Le Club joue chaque année pour gagner des trophées. Au Racing, personne n’a encore été champion. Ma jeune équipe doit mieux sentir le jeu."
Vous ne craignez pas de perdre des joueurs pendant le mercato ?
"Non. J’ai confiance dans mes dirigeants. C’est un des atouts du Racing : tout le monde pense la même chose, tire à la même corde, dirigeants, staff et joueurs. Aucun de ces derniers ne songe à nous quitter déjà. Nous, on ne veut pas les libérer. Il en ira différemment à la fin de la saison."
Genk peut-il être champion ?
"Oui. Au même titre qu’Anderlecht, Bruges, le Standard et La Gantoise."
"Peut-être. Mais j’aimerais surtout ne pas perdre. Nous avons dix points d’avance sur le Standard. J’assimilerais un partage à une petite victoire. Gagner serait fabuleux. Perdre ne constituerait toutefois pas un drame."
Serez-vous toujours amis après le match ?
"Bien sûr ! Je saurai toujours gré à Michel de m’avoir donné ma chance à Bruges. Il a rejoint Aimé Anthuenis très haut dans mon estime. Un simple accident de jeu n’abîmerait pas la reconnaissance que je lui vouerai toujours"