James Storme se livre sur son meilleur ami: "Quand je bats Marc aux cartes, il râle à mort"
- Publié le 20-12-2018 à 06h39
- Mis à jour le 20-12-2018 à 08h11
James Storme, meilleur ami de Coucke et ex-Rouche, témoigne : "Il est si mauvais perdant, qu’il va réussir à Anderlecht." Il était 16 h 24, le 20 décembre 2017, quand Anderlecht communiquait officiellement : "Le conseil d’administration a entamé des négociations exclusives avec Marc Coucke pour la reprise du club."
Un an plus tard, le bilan de Coucke est connu. Surtout sportivement, il a vécu l’enfer. Coucke a sous-estimé la gestion d’un club du top. Le monde du football rit dans sa barbe, mais ses meilleurs amis ne l’ont pas abandonné.
L’un d’eux s’appelle James Storme. Le Gantois a déjà 76 ans et n’est donc pas très connu des plus jeunes d’entre nous. Il est pourtant l’une des figures emblématiques du football belge. Il a joué pendant trois saisons au Standard (voir ci-contre) et a été entraîneur de plusieurs clubs, comme Ostende, Boom, Lokeren ou même Mons.
James Storme, depuis quand connaissez-vous Marc Coucke ?
"Depuis 35 ans. On habite tous les deux à Knokke. Tout comme Joris Ide, l’associé avec qui il a acheté Anderlecht. Depuis qu’ils sont les patrons au Sporting, je suis présent à tous les matchs à domicile, et j’ai même été à Zagreb en Coupe d’Europe. Ce n’est pas évident pour moi. Parce que quand on a joué au Standard, on est mordu par le microbe des Rouches. Cela dit, j’ai déjà porté le maillot d’Anderlecht. Dans les années 80, je jouais dans l’équipe des vétérans, Van Himst et Merckx."
Le bilan de Coucke est négatif, James.
"Depuis le tout début, je lui ai dit que gérer Anderlecht serait plus difficile qu’il ne le pensait. Il s’en rend compte, maintenant. Des joueurs comme Milic, Musona ou même Sanneh, c’est bon pour un club de province. Mais pas pour un club de la capitale. Anderlecht a besoin de gars comme Saelemaekers. Des gars avec de la technique, de la classe et de la confiance. Il doit recruter des joueurs pareils. Je crois qu’il a compris le message."
Est-ce qu’il va réussir à Anderlecht ?
"Oui. Je n’en doute pas. Je vous donne un bête exemple. Régulièrement, on joue aux cartes - au jeu de manille - entre nous, à Knokke. Coucke, Ide, Willy Michiels de Napoleon Games ou Christian Verzele de Casino Games. Je joue donc avec des millionnaires. Moi, je suis soi-disant le plus bête. Quand je bats Coucke, il râle à mort. Il déteste perdre. C’est un gagnant, à tous les niveaux. Il ne jettera pas l’éponge avant d’avoir réussi son projet à Anderlecht."
Vous jouez aux cartes pour des milliers d’euros, dans cette compagnie.
"Non. On fait semblant de jouer pour de l’argent, mais on ne paie rien. C’est pour le prestige. L’intelligence de Coucke est inimaginable. Même quand on vide huit bouteilles de vin à quatre, il retient toutes les cartes."
Coucke demande vos conseils sur le football ?
"On parle très peu de foot. Il paie des gens pour le conseiller, je suppose donc qu’il les écoute. Il sait qu’il n’est pas un grand spécialiste de foot. Mais il a compris qu’il doit rendre à Anderlecht toute sa splendeur."
"J’ai fait le mur à Kinshasa avec Roger Claessen"
Quand on aborde le chapitre Standard, Storme évoque aussitôt le sujet Roger Claessen, son grand ami qui est décédé en 1982 et dont une statue orne l’entrée de Sclessin. "J’adorais sortir à Liège avec le grand Roger" , dit Storme. "Moi, je ne fumais pas et je ne buvais pas. Au début de la soirée, toutes les femmes lui sautaient au cou. Il suffisait d’être patient. Quand il était trop éméché, les femmes se rabattaient sur moi (Rires) ."
Storme doit son transfert au Standard à Claessen, qu’il connaissait de l’équipe nationale militaire. "Je jouais à Gand, mais j’avais une petite copine à Madrid" , raconte Storme. "Roger en était au courant. En 1965, le Standard jouait un match amical contre l’Espagne, à Madrid. Marcel Paeschen, l’ailier gauche du Standard, était blessé. Claessen a proposé au président, Roger Petit, et à son entraîneur, Michel Pavic, de m’inviter pour ce match."
Le Standard était d’accord, mais pas Gand. "J’étais tellement fâché, que j’ai envoyé ma chaussure vers le président de Gand. Puis, on a trouvé un compromis. Si je jouais bien contre le Cercle ce week-end-là, je pouvais accompagner le Standard. J’ai marqué le seul but du match."
Le Standard s’est incliné 2-1 face à l’Espagne. Storme : "Mais j’ai donné un assist à Claessen. On a fêté cela pendant toute la nuit. À notre retour à l’hôtel, à cinq heures du matin, Pavic était devant l’entrée. Qu’est-ce que Claessen s’est fait engueuler !"
Storme pensait avoir perdu du crédit auprès de Pavic. "Mais pendant le vol retour, il m’a demandé si je ne voulais pas être transféré pour de bon. J’ai dit que oui. Gand a presque demandé 9 millions de francs belges (225 000 euros), le Standard les a payés. C’était le record de Belgique à ce moment."
Un de ses plus beaux moments, c’était son but à Liverpool.
"Je suis le premier et seul Belge à avoir marqué à Liverpool en Coupe d’Europe. J’aimerais revoir les images de ce but. Elles existent, parce que Liverpool - Standard était le premier match européen retransmis en direct à la télé belge. Le but était une perle. J’étais parti de l’entrejeu en lobant un adversaire avec un coup du scorpion.´À la fin de mon slalom, j’étais seul devant le gardien. Et puis… j’ai oublié. On m’a dit que je l’ai dribblé en faisant une feinte. J’ai fêté mon but devant le kop de Liverpool, en posant une main sur le poteau."
Et puis ce fameux voyage à Kinshasa. Storme : "Mobutu avait invité le Standard. À l’arrière de l’avion, Roger et moi avions dragué les hôtesses de l’air. Arrivé à l’hôtel à Kinshasa, Pavic a dit qu’il fermerait à clé la porte de notre chambre, parce qu’il savait qu’on allait retrouver les hôtesses. Ce qu’il ignorait, est qu’il y avait une échelle de secours à côté de notre fenêtre. On a fait le mur depuis le 5e étage, et on a fêté toute la nuit. On a évidemment ramené les hôtesses. À peine quelques secondes avant que Pavic n’ouvre notre porte le matin, elles ont quitté la chambre via cette même échelle."
Storme a connu un des matchs les plus pénibles de sa carrière. "On jouait devant 103 000 spectateurs dans le stade où Mohammed Ali avait boxé. J’étais tellement fatigué, que je ne tenais plus debout. En trébuchant dans le rectangle adverse, j’ai prolongé involontairement le ballon dans le but congolais. J’étais l’homme du match."
"Blanchi pour le transfert d’Ishiaku"
Storme a été convoqué à quelques reprises au tribunal. "Mais j’ai toujours été blanchi !", dit-il. C’est surtout le transfert de Mannaseh Ishiaku du Nigéria à Roulers en 2001 qui avait interpellé les enquêteurs. "On m’avait accusé de trafic d’êtres humains, parce qu’Ishiaku n’avait que 17 ans. C’était illégal. Mais j’ignorais son âge. C’était déjà un monstre à 17 ans. Ma faute était involontaire, et le juge l’a compris. Quand Ishiaku est parti de Bruges à Duisbourg pour beaucoup d’argent, je n’ai pas touché un euro."
Storme fait encore toujours du scouting au Nigéria. "Ici, les jeunes jouent sur leur tablette du matin au soir. Là, ils jouent au football jusqu’au coucher du soleil. Je connais des gamins qui - à terme - ont le niveau pour Anderlecht. Mais je n’ose pas les proposer à Coucke, parce qu’ils auraient besoin d’un temps d’adaptation. Et à Anderlecht, ils n’auront pas ce temps-là."
"Je coachais depuis une chaise de tennis"
Storme a toujours été un spécial. Quand il était joueur, il a flanqué une tarte dans le visage de son entraîneur. "C’était l’Allemand Max Schirschin, qu’on appelait ‘Der Führer’. Il nous donnait des claques dans le visage quand on faisait un truc qui ne lui plaisait pas. J’en avais marre. Et on a eu sa peau."
Comme coach, Storme était connu comme l’homme à la Ferrari jaune, même quand il travaillait dans des petits clubs. "J’aime tout ce qui est beau, donc pourquoi ne pas pouvoir rouler en Ferrari ?" Autre particularité : son coaching depuis… une chaise d’arbitre de tennis. "On se moquait de moi, mais j’avais une meilleure vue du jeu. Quand je n’avais pas de chaise pareille, je montais sur le toit du banc de touche. Et je suis le premier à avoir travaillé avec des lignes de course. J’étais le prédécesseur de Sollied."
"Grâce à moi que Lukaku est Belge"
Après sa carrière de footballeur, Storme a donc été coach dans plusieurs clubs. "J’ai obtenu de jolis résultats avec des mauvaises équipes." Une de ces équipes, c’était Boom, qui avait acheté Roger Lukaku pour 750 000 euros. "Le président de Boom s’énervait parce que je ne mettais pas Roger dans l’équipe. J’avais dit qu’il me faudrait du temps avant de l’utiliser, il fallait que je le façonne. Après quatre mois de travail individuel avec lui, je l’ai mis dans le onze et il s’est mis à marquer. Sans moi, il serait déjà reparti au Congo. Et Romelu ne serait pas né en Belgique."
Storme n’a plus revu Roger Lukaku depuis longtemps. "J’aimerais tellement lui parler. Je crois qu’il apprécie le travail que j’ai fait avec lui. Via via, j’ai même entendu qu’il a songé à moi pour accompagner Romelu quand il était jeune."