Johan Walem: "J’ai su gagner la confiance du groupe"
Après s’être intéressé à ses années italiennes, deuxième épisode de notre série consacrée à Johan Walem avec son rapport au métier d’entraîneur qui a évolué ces dernières années.
- Publié le 19-06-2019 à 07h29
- Mis à jour le 19-06-2019 à 12h46
Après s’être intéressé à ses années italiennes, deuxième épisode de notre série consacrée à Johan Walem avec son rapport au métier d’entraîneur qui a évolué ces dernières années. Le qualificatif l’a fait sourire. Puis l’a intrigué. Lorsque nous lui avons rapporté que plusieurs joueurs trouvaient qu’il était un entraîneur à l’italienne, Johan Walem a inversé les rôles, posant lui les questions.
"C’est-à-dire. Ils entendent quoi par là ? C’est dans la précision des séances ? C’est sympa vu le peu de temps qu’on a eu", a-t-il souri. "Plus tu es clair, plus un joueur préfère. En sélection, les joueurs ont un tel niveau… Si tu leur apportes ce petit truc en plus et qu’ils voient que cela marche, tu gagnes leur confiance."
Parce que l’entraîneur qu’il est devenu a forcément et fortement été influencé par le joueur qu’il a été et qui a évolué six ans en Italie.
Johan, est-ce en Italie que vous avez découvert que vous vouliez devenir entraîneur ?
"Non. Ce n’était pas un but d’être entraîneur. Quand je suis parti en Italie, il y avait une préparation physique mais aussi mentale à faire car les derniers mois à Anderlecht n’étaient pas faciles à vivre. J’avais été chez un coach personnel pour me créer un plan de carrière pour franchir un cap mais aussi pour me préparer émotionnellement car ce n’était pas facile de tout quitter. Je voulais, en rentrant en Belgique, travailler avec lui et présenter ce plan d’accompagnement des joueurs à Anderlecht pour leur faire franchir un certain cap. Et c’est là qu’Anderlecht après 30, 45 minutes d’entretien avec M. Collin, il m’a dit : ‘pourquoi tu ne veux pas entraîner les 21 ?’ Mais ce n’était pas un but. Ce n’était pas l’objectif. J’avais les diplômes pour les jeunes, pas pour les grands. Pourquoi pas ? Je n’avais jamais entraîné. Derrière, j’ai passé tous mes diplômes en Belgique, j’ai effectué des stages à l’Udinese."
Vu vos accroches italiennes, vous n’avez pas voulu suivre le très réputé cursus que propose la fédération à Coverciano ?
"Non. Parce que j’étais bien en Belgique. La formation était bien ici. Je pouvais aussi combiner en étant consultant et en travaillant calmement mes diplômes. J’avais trouvé un équilibre pour rester en contact avec le monde du foot. Mais j’ai été exposé à la méthodologie belge à Coverciano. Et cela, c’était chouette. C’était lors de la première campagne qualificative. Il y avait plus de 150 personnes qui passaient leur diplôme, des Italiens. J’ai présenté la méthodologie belge à la fédération italienne. Cela a été très apprécié. J’étais avec Sacchi, Albertini à côté de moi. C’était une fierté. Présenter ta méthodologie dans le temple de la tactique italienne, c’est chouette. C’est pour dire le respect et la reconnaissance que je peux avoir."
Il existe en Italie une fascination pour les entraîneurs, les Mister. Vous avez été dirigé par des techniciens prestigieux comme Zacherroni, Guidolin, Malessani ou encore Spaletti. Qu’en avez-vous retiré ?
"Zacherroni, c’était vraiment quelqu’un de très dur, borné sur sa méthodologie mais très clair. Guidolin était admirable sur le plan humain. Il prenait trop sur lui-même. Il était très précis. Malessani était unique dans la précision du travail la semaine mais le week-end, en match, tu le perdais complètement et il était ingérable. C’était dur même parfois. Et Spaletti, c’était quelqu’un d’à part, unique dans son approche. C’était un peu dur en termes de prestation avec lui car lui ne comprenait pas pourquoi je n’étais pas capable de prester mieux que les deux titulaires alors qu’il trouvait que j’étais meilleur qu’eux. Je n’ai pas accepté le comportement de certains coéquipiers dans le vestiaire qui n’avaient aucun respect pour rien alors qu’on devait se sauver avec le club. Il fallait peut-être plus de salopards à ce moment-là pour se sauver que de joueurs."
Vous vous êtes vus l’an passé à Udinese, vous vous entendez bien. Que vous dites-vous lorsque vous vous recroisez ?
"Avec Spaletti, on a logiquement parlé du départ de Vanheusden. Et il me dit : ‘Mais Johan, pourquoi tu me téléphones pour Vanheusden, tu sais quand même ce qu’il vaut ?’ C’est pour dire le respect qu’il a pour moi, c’est génial. Les entraîneurs italiens, j’aime. J’aime la méthodologie."
Ils vous ont influencé…
"Oui. Comme les coachs en Belgique. Que ce soit Boskamp, Peruzovic. Cela te permet d’évoluer dans ton coaching, dans tes expériences personnelles et dans ta gestion de joueur. Peut-être qu’au départ, en Belgique, j’étais trop italien pour coacher. J’avais peut-être lors de mes deux premières campagnes avec les Espoirs un degré d’exigence trop haut par rapport à certains. Avec ce groupe-ci, j’ai su faire passer mon message dès le début. J’ai su gagner leur confiance et maintenant, tu peux être plus exigeant. Tu l’apprends avec l’expérience."
"J’ai changé dans mon relationnel"
Un peu rigide, Walem s’est assoupli. Au point d’être apaisé.
Un vrai changement s’est opéré dans le management de Johan Walem, comme l’a relevé Alexis De Sart (voir par ailleurs).
Savez-vous qui a dit : "Parfois, je peux peut-être faire peur. J’ai l’air parfois un peu dur, un peu trop sévère parce que j’ai un degré d’exigence qui peut être trop haut par rapport à moi-même" ?
"C’est moi."
Avant le début de cette campagne. Depuis, vous donnez l’impression d’avoir un peu lâché prise…
"Oui. Peut-être. Sur certaines choses oui. Par rapport à certains aspects. Je me sens mieux par rapport à cela. Je suis plus fatigué mais je me sens mieux (rires) ."
Faites-vous encore peur aux joueurs ?
(Il hésite puis sourit) "Parfois, oui. Quand je vois certaines réactions… Mais ce n’est pas le but ; ils ont appris à me connaître aussi."
Finalement, vous êtes plus vous-même…
"Peut-être. Je crois. C’est là où j’ai pris le plus de plaisir. Je sais qu’on est passé par des moments délicats, durs. J’ai osé faire certaines choses à certains moments aussi. Parfois, c’est tout ou rien et cela nous a souri. Mais, sans les joueurs derrière, tu n’es rien. C’est tout. Tu dois le comprendre. Il faut savoir coacher certains d’une certaine manière, d’autres d’une autre. Ce n’est pas toujours facile."
Qu’avez-vous changé pour réussir à construire un groupe contrairement à la génération précédente ?
"J’ai changé dans mon relationnel avec les joueurs. Même avec mon staff. J’ai dû changer mon fusil d’épaule en faisant parfois des choix difficiles mais en les expliquant à certains à qui cela ne faisait pas plaisir. Mais j’ai dû faire des choix, donner du respect à tout le monde. Vraiment. Ils ont compris que je les respectais totalement. Avec l’autre groupe, j’avais l’impression que les joueurs n’étaient pas tellement concernés par l’objectif. Ce qui me frustrait un peu."
Ce qui amorce un cercle vicieux car vous vous montrez plus dur et les joueurs peuvent assimiler cela à un manque de respect…
"Voilà et ils ne suivent pas. Ce groupe-ci était attentif à ce que je demandais, aux objectifs. J’ai été cash avec eux. Je leur ai dit dès le premier jour : ‘Si vous ne voulez pas participer, dites le moi le premier jour ’. Parce que moi, j’ai envie d’y aller. Ils avaient envie d’y aller."
Le collectif a été cimenté aussi par des faits comme en début de saison quand vous vouliez convoquer Musonda qui s’imaginait, lui, être appelé chez les A…
"Oui, il faut repartir du début. À la première sélection (NdlR :en mars 2017) , ils ont eu un briefing avec les objectifs, la manière dont laquelle je voulais y arriver avec le staff puis on a intégré Elliot (NdlR : Van Strydonck, l’ex-Red Lion) dans le staff qui a fait un certain travail et il a été très important. Je l’ai remercié. Et il y eu cette mentalité d’envie de gagner. Et puis, il y a le relationnel, j’ai des référents. Il y a des joueurs qui viennent automatiquement chez toi avec une demande du groupe. C’est un relationnel que tu crées avec tes joueurs. Il ne faut pas toujours beaucoup parler. Au contraire. Ils te voient, ils te comprennent. J’ai bien compris quand il faut prendre les joueurs à part."
L’entraîneur de Lille, Christophe Galtier, dit qu’il aime ses joueurs même quand ils sont cons.
"Moi aussi, c’est ce qui permet de rester jeune (rires) . De temps en temps, tu les vois, tu te dis : ce n’est pas vrai (sourire) . Il faut, sinon tu ne fais pas ce métier-là. Il en faut dans un groupe, ce n’est pas péjoratif, loin de là. C’est unique."
Parce qu’il ne faut pas oublier que vos joueurs sont encore des gamins encore en quelque sorte…
"Et le plus beau, c’est quand les gamins d’en haut (les A) descendent chez ceux d’en bas (rires) ."
L’entraîneur que vous êtes devenu aurait aimé diriger le joueur que vous étiez ?
"Oui. Franchement, oui. J’ai toujours pris du plaisir à jouer ; j’en prends à entraîner."
Et le joueur que vous étiez aurait aimé être dirigé par l’entraîneur que vous êtes devenu ?
"Oui, je crois."