Johan Walem, en quête de perfection: "Pour lui, la reconnaissance passe par le travail"
Après Johan Walem l’Italien et Johan Walem le technicien, dernier épisode de notre série consacrée à l’homme. Exigeant et pudique. Portrait.
- Publié le 22-06-2019 à 07h06
- Mis à jour le 22-06-2019 à 09h49
Après Johan Walem l’Italien et Johan Walem le technicien, dernier épisode de notre série consacrée à l’homme. Exigeant et pudique. Portrait. Il est donc possible d’avoir joué dans deux des plus grands clubs du pays, d’avoir été international durant onze années, d’avoir dirigé deux fois les Espoirs tout en restant méconnu.
Johan Walem cultive ce paradoxe. Conserve dans un pays qui colle aussi facilement des étiquettes sans pouvoir les enlever cette image dure, très bruxelloise. Cette réputation d’être froid et élégant. Distant et mystérieux. Limite austère.
"S’il donne l’impression d’être difficile à cerner, c’est parce qu’il est très timide et très renfermé ; le problème est là", diagnostique d’emblée sa sœur aînée Anne. "En général, il est mal compris."
Parce que les gens ne le connaissent pas. Mais aussi parce que lui ne laisse pas forcément les gens le connaître non plus. "Je n’aime pas trop parler de moi", avoue-t-il en changeant vite de sujet, comme gêné par cette trop grande attention.
"En fait, il ne fait pas vite confiance. Il est terriblement réservé", explique Marc Delire qui, au fil de ses 20 années à le côtoyer, est devenu un ami du premier cercle. "Ce n’est pas une carapace. Ni une armure. C’est une carapace au-dessus d’une armure. Il faut vraiment prendre du temps. C’est le problème : comme il ne se livre pas, les gens ont une fausse impression de lui."
"C’est le métier qui veut cela. Il évolue dans un monde à part. Faire confiance n’a pas toujours été évident", reprend Anne en précisant ensuite : "Les choses de la vie ont fait qu’il a dû se méfier beaucoup."
Se pencher sur ses expériences d’entraîneur permet de mieux le comprendre.
Son échec à Courtrai en 2015-16 où il a été attaqué sur tout et un peu n’importe quoi, de sa façon de s’habiller à la présence de son fils, spectateur des entraînements en passant par son côté distant, puis la non-qualification pour l’Euro 2017 de la génération Praet qui avait pourtant les choses en main à deux matchs de la fin l’ont fait évoluer. Avancer aussi. S’ouvrir sans pour autant se renier.
Lui-même qui se qualifie de "franc" reconnaissait après l’épisode Courtrai que l’hypocrisie qui est la norme dans le monde du football "le dérangeait", ajoutant ensuite que "la passion reprend le dessus".
"Il est tellement droit, cela le rend malade. Cela lui a fait mal cette saison", poursuit sa sœur. L’avis de celui qui a passé 13 années à Anderlecht et qui se dit "ambitieux" aurait pu être utile. Mais la direction du Sporting a décidé de s’en passer…
Le Brabançon a encaissé mais n’a rien revendiqué. Question là aussi, encore une fois, de personnalité. "On me le dit souvent que je ne me vends pas assez", évacue-t-il dans un sourire.
"C’est vrai, il n’arrive pas à se vendre", confirme sa sœur. "C’est une question d’éducation avec le mérite, le travail. Pour lui, la reconnaissance passe par le travail."
Avec à chaque fois un objectif clairement défini : ce perfectionnisme très poussé qui apparaît comme la clef du personnage. Celle qui ouvre les portes de sa personnalité et permet de mieux le comprendre. De le cerner avec plus de précision. "Comme Justine Henin, il n’est pas perfectionniste, il est ultra-perfectionniste", précise Delire avant de livrer un exemple assez révélateur : "On s’est remis au tennis ensemble. On faisait jeu égal la première semaine ; ensuite, il prenait des cours deux heures par jour. Après une semaine, je ne lui prenais plus un jeu et après deux semaines, il était classé. Et il est B."
"C’est une qualité et un gros défaut. Il est perfectionniste avec lui-même mais avec les autres aussi. Il attend beaucoup des autres autour de lui. C’est son trait premier", confirme sa sœur. "Du coup, il n’est jamais content de lui. C’est rare quand vous le voyez satisfait parce qu’il se remet en question tout le temps. Il s’est lâché après la qualification en Suède. Il est toujours hyper stressé."
Cette quête continue de la perfection se traduit par ce contrôle continu sur son image et sur son physique, lui qui court beaucoup pour évacuer le stress et qui a conservé une hygiène à faire pâlir la majeure partie des joueurs encore en activité. Mais aussi sur ce qu’il ressent.
"Même avec nous. Il est très timide, très réservé. Il ne montre pas beaucoup ses sentiments mais on sait très bien qu’il tient énormément à la famille, à sa fille et son fils. Il ne montre pas beaucoup ses sentiments parce qu’il a peur de le faire et qu’on lui a appris aussi", dévoile encore sa sœur.
Cette exigence très poussée engendre aussi son lot d’incompréhension. Brouille considérablement son image avec un qualificatif qui revient souvent dans la bouche de ses contempteurs : lunatique. Mais la réalité invite à la nuance. À la subtilité.
"Il n’est pas du tout lunatique", tranche Anne. "Il est toujours insatisfait parce que pour lui, on peut toujours faire mieux. Et du coup, il est toujours dans cette recherche de la perfection, ce qui fait qu’il peut changer d’avis s’il trouve une meilleure solution. Il est plus dans l’expectative, dans l’analyse continue."
"Cela peut être irritant parfois parce qu’il veut toujours le meilleur et on revient au perfectionnisme", complète Delire qui, côté privé, dépeint un ami "qui a toujours besoin d’un peu de temps pour lâcher prise. Mais il est assez drôle, fun, très jouette. On a plusieurs facettes. Lui, c’est Jekyll et Hyde avec ce côté très sobre, très renfermé. De temps en temps, rarement, il se lâche et il est très chouette. Il prend un petit verre, il aime bien le champagne."
"Pendant sa carrière, je ne l’avais jamais vu boire un verre", sourit Anne. Et depuis le début de la préparation, cette volonté de s’ouvrir va même jusqu’à surprendre certains suiveurs qui s’attendaient à trouver un technicien renfermé alors que l’homme se montre épanoui, prévenant et souriant.
Heureux de retrouver cette Italie où séjourne son fils qu’il ne voit forcément pas assez, ce qui le touche comme tout père. Et sa sœur Anne de conclure : "Quand vous le voyez ici, il est différent."
Ou tout simplement lui-même, finalement...