Beaujolais, De Smet et festival : quand Eden est devenu Diable
Ce dimanche, le Brainois fêtera sa 100e cap avec les Diables. Retour sur la première, il y a onze ans, au Luxembourg.
- Publié le 23-03-2019 à 07h30
- Mis à jour le 23-03-2019 à 08h32
Ce dimanche, le Brainois fêtera sa 100e cap avec les Diables. Retour sur la première, il y a onze ans, au Luxembourg. 19 novembre 2008 - 24 mars 2019. Du désuet Stade Josy Barthel à Luxembourg et ses 4 172 spectateurs entassés par une fraîche soirée de novembre pour un triste match amical au GSP Stadium de Nicosie une nuit d’un printemps qui ne sera pas forcément enfiévré dans l’anonymat des éliminatoires à l’Euro, la boucle sera bouclée.
Ce dimanche soir, Eden Hazard va intégrer aux côtés de Jan Vertonghen et Axel Witsel le club très fermé des joueurs comptant 100 caps chez les Diables.
Le calendrier fait que ce passage de cap s’effectuera dans un cadre qui aurait pu être plus idyllique pour célébrer celui qui a tout pour devenir, s’il ne l’est pas déjà, le plus grand talent de l’histoire de notre football. Mais parce que l’on se souvient toujours de sa première fois, le Brainois repensera forcément à son premier match en sélection. Ou d’autres se chargeront de le faire pour lui.
Ce voyage dans le temps se veut rafraîchissant. Surprenant aussi. Embarquement immédiat onze années en arrière.
Automne 2008. La Belgique du football pleure Régis Genaux qu’elle vient d’enterrer. Bruges et Anderlecht s’apprêtent à s’affronter. Hazard, lui, promène déjà l’étiquette d’un phénomène que tout un pays a découvert au fil de cet Euro U17 où, un an plus tôt, il a mené son équipe jusqu’en demi-finale avec son compère Christian Benteke.
Le Royaume voit sa curiosité attisée par les records de précocité qu’Hazard bat de l’autre côté de la frontière.
Plus jeune joueur de l’histoire du Losc après ses débuts effectués le 24 novembre 2007 à l’âge de 16 ans, 10 mois et 17 jours, il devient le 20 septembre 2008, par la faveur d’un bijou contre Auxerre, le deuxième plus jeune buteur de l’histoire du club. Devancé uniquement par un certain Mirallas.
La trajectoire des deux hommes se veut étroitement liée. Le Liégeois a accueilli le Brainois dans le vestiaire lillois la saison précédente. Mais le voilà désormais à Saint-Étienne où il joue peu. Très peu.
Ce 15 novembre 2008, Mirallas doit retrouver le Stadium Nord. Mais il ne figure même pas dans le groupe. Frankie Vercauteren, qui a fait le déplacement, prend tout de même place dans les tribunes. Et il ne fera pas le voyage pour rien : pour la première titularisation de sa carrière, Hazard, numéro 26 sur le dos, marque. Brille. Enchante le public qui se lève à sa sortie.
"Honnêtement, je ne savais même pas qu’il était dans le groupe. Il était monté quelques fois au jeu. C’est tout. Il ne faisait pas partie des noms que nous suivions", avoue celui qui était à l’époque l’adjoint de René Vanderycken. Mais 67 minutes suffisent pour le convaincre : "J’étais épaté. Il avait quelque chose que nous n’avions pas dans notre groupe. On devait trouver des solutions et Eden nous en offrait. Il avait encore du déchet dans son jeu et il n’avait évidemment pas encore la constance qu’il a désormais mais il créait du danger et faisait la différence. Ce n’était déjà pas un joueur comme les autres. Il m’a tapé dans l’œil. Je ne lui ai pas parlé après le match mais j’ai vite fait savoir à René que cet Eden Hazard avait quelque chose de très intéressant."
Le sélectionneur avait pu le constater à l’époque. Devant sa télévision. Alors qu’il se trouvait en… Croatie. "Mais une chaîne retransmettait le match et je l’ai vu par hasard", confie-t-il à l’époque.
Deux jours plus tôt, le Limbourgeois avait pourtant déjà dévoilé son groupe pour ce match amical au Luxembourg qui scellait l’année 2008 des Diables. Sans Hazard, rappelé en raison du forfait de… Stijn De Smet et informé le dimanche en début de soirée de son baptême.
"À l’époque, Lille ne pouvait plus suivre : serait-il sélectionné en U17, en U18, en U19 ou en Espoirs", s’amuse Vercauteren. Hazard le sera chez les A.
Quand il débarque à Tubize le lundi 17 novembre, Vandereycken est d’humeur badine.
"Le plus important est l’arrivée du nouveau et ce n’est pas un Beaujolais", s’amuse-t-il. "Il a réalisé un tout grand match et vu la blessure de De Smet, je n’ai pas hésité."
Lancé devant les médias, Hazard fera le lendemain la une de La DH qui vient de lancer sa nouvelle formule.
"Je n’étais pas nerveux au réveil, j’ai éprouvé un sentiment bizarre à l’idée de la découverte qui m’attendait", explique-t-il à notre regretté collègue Thomas Busiau. "C’est une jolie récompense et un nouveau palier. Je ne m’attendais pas à cette convocation."
Où, dès le début, il fait forte impression.
"Je me rappelle de son premier entraînement à Tubize. Il y avait eu des petites confrontations au cours desquelles il avait déjà montré ses qualités techniques mais on avait terminé par des situations de un contre un. Je nous revois encore, avec Silvio, nous regarder avec des grands yeux, interloqués que nous étions par son aisance à la finition. C’était impressionnant et déconcertant de facilité pour son âge. C’était son premier entraînement et il jouait déjà comme s’il était dans son jardin même si, évidemment, avec Silvio on le laissait marquer pour sa confiance", se remémore dans un sourire Olivier Renard.
Pris sous son aile par Kevin Mirallas, couvé aussi par Daniel Van Buyten, Hazard prend rapidement son envol. Vandereycken promet qu’il aura du temps de jeu le mercredi au Luxembourg. Mais puisque cette première est destinée à rester à part, la rencontre n’est pas diffusée en Belgique. Faute de moyens. Autre époque. Autres mœurs.
En cette fraîche soirée, les Diables mènent rapidement grâce à Kevin Mirallas (22e). Mario Mutsch lui répond (47e).
À l’échauffement, Hazard ne voit pas cette égalisation. Et à la 67e minute, il fait son apparition en remplaçant Wesley Sonck. Maillot rouge Nike un peu trop large sur les épaules, numéro 19 dans le dos. Le show peut alors commencer. Renard : "Je me souviendrai toujours de sa première action. Je le revois, à l’autre bout du terrain au niveau du poteau de corner droit, éliminer trois hommes en dix mètres. Il venait déjà de déposer sa carte de visite pour sa première action."
Sur le banc adverse, Guy Hellers reste ébahi : "Je savais que c’était un joueur talentueux, vif, explosif et très technique mais sur cette action dans nos 16 mètres il avait fait le fou et j’étais content qu’il ne marque pas. J’étais déjà assez stressé durant le match et quand Eden touchait le ballon, je m’attendais au pire… En première ligne, je venais d’apercevoir un futur crack. On pouvait déjà imaginer dans quel sens sa carrière s’orientait. À ce moment-là, il m’avait convaincu et la suite, c’est grâce à son travail."
"Kevin et Eden, deux éclairs", titrions-nous le lendemain. Avec 7,5/10, Hazard obtient la meilleure note dans nos colonnes. "Il faillit signer un exploit d’emblée, il allait plaire jusqu’à la fin", résume joliment Michel Dubois.
"J’ai bien exploité ce premier ballon. Dommage que j’écrase un peu ma frappe alors que je voulais enrouler. Il y a un rebond juste avant", justifie le Brainois qui se montre aussi à l’aise sur le terrain qu’en dehors. Avec cette fraîcheur qui le caractérise toujours.
"Impressionné, moi ? Vous savez, que je joue devant 10 ou 100 000 spectateurs, je ne suis pas facilement impressionné. Je ne me suis pas posé de question, j’ai joué mon jeu habituel dans mon rôle favori, libre derrière les attaquants. Je suis entré en pensant à ma famille, car c’est grâce à eux que je suis arrivé ici. Et maintenant que j’ai goûté aux Diables, je n’ai aucune envie de redescendre", promettait-il à l’époque sans se douter qu’au contraire de Kilian Overmeire et Jeroen Simaeys qui ce soir-là avaient connu leur première et dernière cap, 99 allaient suivre.
En attendant la suite…
Repères
119: Depuis ses débuts en sélection face au Luxembourg, les Diables ont disputé 119 matchs. Et Hazard n’en a donc manqué que 19…
23: Le Brainois a dû attendre sa 23e cap, contre le Kazakhstan, pour inscrire son premier but le 7 octobre 2011.
29: Depuis, le numéro 10 a inscrit 29 buts, ce qui fait de lui le quatrième meilleur buteur de l’histoire de la sélection derrière Romelu Lukaku, Bernard Voorhoof, et Paul Van Himst.
7: Septième joueur le plus jeune de l’histoire de la sélection à l’époque, Hazard est devenu le huitième, Romelu Lukaku lui est passé devant.
26: Hazard a aussi délivré 26 passes décisives en sélection.
38: Le Brainois a porté le brassard à 38 reprises. Seuls Jeff Jurion (40) et Jan Ceulemans (51) font mieux.