Amand Ancion, l'arbitre aux 5 pénaltys en un match: "Je ne vois toujours pas ce que j’ai fait de mal"
Voilà exactement 20 ans qu’Amand Ancion a arbitré Westerlo - Genk, terminé sur le score de 6-6 avec 12 jaunes, 4 rouges et 5 penaltys. "J’ai bien arbitré."
- Publié le 07-08-2019 à 07h47
- Mis à jour le 07-08-2019 à 14h54
Voilà exactement 20 ans qu’Amand Ancion a arbitré Westerlo - Genk, terminé sur le score de 6-6 avec 12 jaunes, 4 rouges et 5 penaltys. "J’ai bien arbitré." "Vous voulez que je souffle 20 bougies ?" Qu’est-ce que le temps va vite. Ce mercredi, cela fait exactement 20 ans qu’Amand Ancion (60 ans) a arbitré un des matchs les plus fous de l’histoire de notre D1. Westerlo et Genk s’étaient quittés sur un score de 6-6. Ce jour-là, Ancion avait donné 12 cartes jaunes, 4 rouges, et 5 penaltys.
Aujourd’hui, il est gérant de la Brasserie 500 à Namur - Jambes et observateur des arbitres en D1, D2 et D3 amateur. "C’est dur de ne plus être sur le terrain", dit Ancion, toujours aussi sympathique et loquace qu’à l’époque. Il a définitivement rasé sa moustache et a encore bonne mine. "Pourtant, j’ai pris quelques kilos à cause d’une opération au genou. Mais je suis heureux. Je me suis d’ailleurs remarié, il y a neuf ans. Avec une Croate."
Vous vous en souvenez encore bien, de ce 6-6 ?
"Je me souviens de tous mes matchs. Westerlo - Genk était le premier match de la saison. Le jeudi avant le match, le président des arbitres, le regretté monsieur Jourquin, avait souligné qu’on devait appliquer les instructions à la lettre. C’est ce que j’ai fait."
Commençons par les 5 penaltys.
"Jourquin avait dit qu’il fallait siffler quand il y avait une faute dans le rectangle. Quand Toni Brogno est tiré par le maillot, c’est penalty. Un tacle avec les deux pieds : penalty. La faute de bras de Serneels : penalty. Et je pourrais continuer. Je ne vois pas ce que j’ai fait de mal ce jour-là. Je maintiens que j’ai pris les bonnes décisions."
Les 16 cartes étaient toutes justifiées ?
"J’aurais peut-être dû être plus psychologue, notamment avec Benoît Thans. Mais il a fait un acte d’anti-jeu, donc c’était sa deuxième jaune. Coup de coude de Delbroek : rouge. Seize cartes, c’était surréaliste. Mais bon."
Vous aviez déclaré après le match que vous aviez disjoncté.
"C’est vrai. Disons que le terme n’était pas des meilleurs. J’aurais dû dire : c’était comme ça et pas autrement. Je n’ai jamais été malhonnête sur un terrain ! Ce qui est triste, c’est que Jourquin - paix à son âme - ne m’ait pas appuyé. J’étais quand même le numéro 1 en Belgique, à cette époque, et très bien coté à l’UEFA."
Vous arbitriez en Ligue des champions.
"En effet. Notamment un FC Copenhague - Dinamo Kiev : 3-4, avec trois penaltys, trois cartes rouges et huit jaunes. J’ai reçu un 9/10. C’était ma façon d’arbitrer."
Suite à votre formation comme gendarme ?
"Sans doute. Et parce que j’étais passionné, depuis mes 17 ans. Mais j’avais le respect des joueurs ! Je n’ai jamais eu le moindre souci avec les joueurs. C’est moi qui ai exclu Preud’homme pour la première fois, suite à une faute de main hors de son rectangle. Borkelmans m’avait critiqué parce que je l’avais exclu à Charleroi. Le lundi matin, il m’a appelé pour s’excuser."
Après ce 6-6, huit clubs vous ont récusé.
"J’ai appris que le chef des opérations de cette rencontre avait envoyé un mail à la Cellule Football pour dire que mon arbitrage était dangereux pour les supporters… Alors qu’il n’y avait rien eu entre les supporters. Et il faut l’avouer : 6-6, les gens s’étaient amusés, au moins."
Si vous aviez eu le VAR lors de ce match-là…
"… j’aurais peut-être été moins critiqué. Le VAR aurait pu montrer que j’avais raison. Pour moi, ce serait plus facile de ces jours. Même si la pression a augmenté."
"J’avais fait la bise à Baseggio…"
Son aveu concernant son passé comme fan d’Anderlecht avait fait des vagues.
Peu d’arbitres belges ont un palmarès comme Ancion. 380 matchs en D1, une finale de Coupe de Belgique, le Mondial U20 en Malaisie, et cinq matchs en Ligue des champions : Rosenborg - Juventus, Monaco - Marseille, Liverpool - CSKA Moscou, Göteborg - Besiktas où j’exclus Ravelli, Manchester United - Moscou et la demi-finale entre l’Inter et Monaco.
Ancion était une bête d’entraînement. "Je faisais 4 000 mètres en 12 minutes." Et il combinait sa passion avec un job administratif. "Pendant trois ans, j’ai été le secrétaire particulier de Louis Michel quand il était vice-Premier ministre."
Mais son honnêteté lui a joué plus d’un tour. Comme quand il a avoué avoir été supporter d’Anderlecht. Ancion en sourit. "Un journaliste de Humo m’avait vu faire la bise à Walter Baseggio dans le Fanshop d’Anderlecht", narre Ancion. "J’avais accompagné la génération de Jean-François Gillet, Hoefkens et Baseggio au tournoi international de Montaigu. Donc pourquoi leur serrer la main après ? J’aurais aussi embrassé Gillet…"
Le lendemain, le journaliste de Humo appelle Ancion pour lui demander s’il est supporter d’Anderlecht. "J’ai dit que j’avais été supporter quand j’étais jeune. J’avais un abonnement dans le bloc X, et je partais en déplacement. Pourquoi mentir ? Je ne suis pas un hypocrite."
Le mal était fait. Ancion était soi-disant un pro-Anderlechtois. "Alors qu’en vérité, Anderlecht n’aimait pas me voir arbitrer ! J’étais - selon eux - trop rigoureux. N’oubliez pas non plus que j’ai arrêté pendant dix minutes le match entre Bruges et Anderlecht en 1998, parce que les supporters d’Anderlecht n’acceptaient pas l’exclusion de Staelens. C’était le match des rapports très tendus entre Scifo et Van der Elst, à cause du Mondial."
Entre-temps, sa brasserie est devenue un local de supporters du… Club brugeois. "On a 500 membres, c’est le plus grand club de supporters de Bruges de Wallonie", dit Ancion. "Bien sûr qu’ils me charrient par rapport à mon passé de supporter d’Anderlecht. Surtout maintenant que ça ne va pas bien… Mais je n’ai jamais été anti-Bruges. J’étais même fan du Bruges de Ernst Happel… en Coupe d’Europe."
Il va encore régulièrement au football. "J’ai un petit-fils qui est pour Anderlecht et l’autre pour le Standard. Je vais de temps en temps au stade avec eux. Mais je vais plus souvent à Charleroi. C’est plus neutre… Les gens me reconnaissent, mais jamais, je ne me fais insulter."
Les aventures d’Amand Ancion
Mouscron - Charleroi "Ce hors-jeu m’a coûté l’Euro 2000"
Lors d’un Mouscron - Charleroi en 2000, Ancion annule un but de Mouscron pour hors-jeu, alors qu’un défenseur carolo (Biono), à terre dans le rectangle, levait le hors-jeu. "J’avais commis une erreur d’arbitrage, mais en même temps, j’avais privilégié l’éthique sportive. Là, les gens ont vu que l’être humain Ancion n’est pas si rigoureux que cela. Pour ce genre de phases en Angleterre, on a rejoué des rencontres. Quand Jourquin a dit : ‘Je ne peux plus rien pour toi’, j’ai démissionné. Mais Alex Ponnet m’a convaincu à revenir sur ma démission. Or, ce match m’a coûté l’Euro 2000…"
12 cartes à Monaco - Marseille "J’avais pourtant reçu 8/10"
Son match européen qui a le plus fait parler, était celui entre Monaco et Marseille, en novembre 1998. Ancion avait donné 10 cartes jaunes et deux rouges. "Malgré tout, j’ai reçu un 8/10 de la part de l’UEFA", précise Ancion. "Quelques jours auparavant, il y avait eu Monaco - Marseille en championnat, et le match avait été extrêmement dur. Dans l’entre-saison, il y avait eu quelques transferts entre les clubs, et l’ambiance était très tendue. Ma cote la plus faible en Coupe d’Europe était un 7,5/10. Et en Belgique un 6/10 après un match de D3 entre Tirlemont et Turnhout. Ma façon d’arbitrer convenait mieux à la Coupe d’Europe. Il y avait plus de respect."
Match de gala "Avec Schumacher dans son vestiaire"
Son dernier match, Ancion l’a arbitré en 2005. "Un match de gala à Seraing pour Child Focus, à la demande de Jean-Louis Lejeune. Il opposait des coureurs de Formule 1, comme Schumacher et Massa à des vedettes belges comme Pfaff, Wilmots et Thans. Après le match, j’ai été vers le vestiaire individuel de Schumacher - c’est ce qu’il avait demandé - pour faire signer le ballon du match. Il était accompagné par un berger malinois…" Sa collection est bien plus impressionnante que cela. "J’ai aussi des maillots de Beckham, Laurent Blanc, Barthez, Suker, Spehar, Stanic, le ballon de Stoichkov…"
Etranglé par wallwork "Alex Ferguson est venu s’excuser"
Le 23 mai 1999, Antwerp reçoit La Louvière à Rita Berlaar. L’Antwerp ne peut pas perdre pour monter en D1, La Louvière doit gagner. Ancion annule un but pour hors-jeu de l’Antwerp et valide un but de La Louvière, contesté par l’Antwerp. "Wallwork (NdlR : un joueur prêté par Manchester United) a bousculé mon assistant en rentrant au vestiaire", dit Ancion. "Je me suis interposé, mais il m’a étranglé. Si l’entraîneur Regi Van Acker n’avait pas été là pour me défendre, je me serais retrouvé à l’hôpital. Alex Ferguson était à l’Union belge pour défendre son joueur, mais il s’est aussi excusé auprès de moi au nom de United."