Wout Van Aert, le nouveau "chrono maître"
Champion de Belgique de la spécialité, le Campinois sera l’un des favoris du chrono de ce vendredi tracé autour du Pau.
- Publié le 19-07-2019 à 07h58
- Mis à jour le 19-07-2019 à 12h46
Champion de Belgique de la spécialité, le Campinois sera l’un des favoris du chrono de ce vendredi tracé autour du Pau. Dans ce Tour de France que certains confrères internationaux ont déjà rebaptisé " le Tour des Belges" tant il sourit à nos coureurs depuis le Grand Départ de Bruxelles (3 victoires d’étape, maillot blanc et à pois…), le symbole serait fort. Habillé de son maillot noir-jaune-rouge de champion de Belgique de la spécialité, qu’il endossera pour la toute première fois en cette occasion, Wout Van Aert peut légitimement rêver d’un second succès d’étape ce vendredi sur le contre-la-montre tracé autour de Pau après sa victoire au sprint à Albi.
Un parcours que Thierry Gouvenou, le grand architecte de ce Tour de France, compare à celui du Dauphiné qu’il avait également dessiné et sur lequel… le coureur de chez Jumbo-Visma s’était imposé il y a un peu plus d’un mois.
Vainqueur des deux chronos individuels sur lesquels il s’est aligné depuis son passage dans l’équipe néerlandaise (voir chiffres ci-contre), Van Aert est devenu l’une des références mondiales dans l’exercice. Une compétitivité qui ne doit rien au hasard. La preuve.
1. Une position retravaillée. Débarqué chez Jumbo-Visam le 1er mars après un long bras de fer avec Nick Nuyens et la structure à laquelle il était au préalable attaché, Wout Van Aert n’a pas bénéficié d’une préparation traditionnelle.
"Habituellement, nous tentons de travailler sur certaines thématiques dès les premiers stages hivernaux, en novembre ou décembre", détaille Mathieu Heijboer, le responsable de la performance de l’équipe néerlandaise. "Cela n’a évidemment pas été possible avec Wout puisqu’il nous a rejoints en cours de saison. Afin de lui permettre de se concentrer pleinement sur les classiques, nous n’avons pas voulu travailler spécifiquement le chrono avant la fin du mois d’avril. Nous sommes ensuite allés sur la piste d’Alkmaar en mai pour de premiers tests qui se sont très rapidement révélés concluants. Nous avons principalement modifié la position des épaules, des coudes et des bras de Wout car ce sont là les facteurs les plus impactants sur le taux de pénétration dans l’air. Ces séances s’effectuaient en collaboration avec un professeur de l’Université d’Eindhoven. Nous avons ensuite prolongé nos recherches lors du stage en altitude que nous avons effectué en Sierra Nevada durant une vingtaine de jours. Les changements relevaient alors de l’optimisation plutôt que la modification tant ils étaient infimes. La grande particularité de Wout est qu’il présente une morphologie idéale pour se poser sur un vélo de chrono puisque nous sommes parvenus à considérablement améliorer son aérodynamisme sans que cela impacte sa puissance. C’est assez rare. Habituellement, il nous faut toujours trouver un compromis entre une meilleure pénétration dans l’air et une perte de puissance. Avec Wout, pas besoin de se poser ce type de questions (rires) ... Je crois toutefois que nous pouvons encore optimiser la position de Wout par des tests en soufflerie par exemple. Mais ce sera pour l’hiver prochain…"
2. Une culture d’équipe
Lauréate du chrono par équipes de ce Tour de France, la formation Jumbo-Visma cultive une véritable culture d’équipe pour l’exercice. "Mon expertise académique couvre essentiellement ce domaine", poursuit Heijboer, ancien coureur de la formation Cofidis de 2006 à 2008. "Nous avons mis en place beaucoup de choses au sein de l’équipe pour nous améliorer dans cet exercice comme des tests en soufflerie et avons également recruté certains coureurs pour nous inspirer de leur expérience. Je pense ici à Tony Martin. Le fait d’avoir élevé le chrono au rang de priorité fait que tout le monde dans notre équipe s’implique à fond dans le sujet. Les soigneurs connaissent les protocoles d’échauffement et de récupération des coureurs, les mécanos optimisent de petits détails sur les vélos, etc."
3. Deux séances hebdomadaires sur le vélo de chrono
Deux fois par semaine au moins, Wout Van Aert enfourche son vélo de chrono à l’entraînement. "Il effectue à la fois des séances très spécifiques composées d’efforts violents comme des sessions d’endurance plus longues qui visent à le familiariser avec sa position sur son vélo de contre-la-montre et à ne pas lui faire perdre certains repères", continue notre interlocuteur. "Quand un coureur n’évolue plus pendant une longue période sur son vélo de contre-la-montre, il peut voir certaines capacités de pilotage rapidement s’étioler."
4. Une capacité à rester concentré
"Être performant dans un contre-la-montre, ce n’est pas seulement appuyer très fort sur les pédales, juge Mathieu Heijboer. Il faut une grande capacité de concentration pour être capable de rester totalement focalisé sur son effort et ne jamais relâcher celui-ci. Il faut aussi que l’intensité dans laquelle l’athlète se trouve plongé n’affecte pas sa technique, sa capacité à virer rapidement dans un virage, son angle d’attaque des courbes. Le cyclo-cross est évidemment une excellente école pour cela. Pendant une heure, il faut rester en équilibre sur sa machine dans des endroits parfois assez périlleux, même quand on est dans le rouge. Certains comparent souvent les efforts du cyclo-cross et du chrono dans un raccourci que je juge un peu trop grossier. Sur un contre-la-montre, l’intensité est plus constante que dans les labourés où il est fait de hauts et de bas. Le point commun, c’est vrai, reste l’intensité globalement très élevée."
5. Une combinaison sur mesure
Le contre-la-montre est souvent le théâtre de nombreuses innovations technologiques. La tenue des coureurs de chez Jumbo-Visma pour ce chrono par équipe tient lieu de parfaite illustration. Chaque cycliste est en effet équipé d’une combinaison dessinée sur mesure. "Il ne s’agit pas de taille S ou M mais d’un ensemble composé aux mensurations de chacun afin qu’elle lui colle au mieux à la peau. Notre partenaire technique a également réalisé un mannequin positionné sur notre vélo de chrono afin de réaliser des tests textiles de manière à voir lequel était le plus efficace."
6. Un futur prometteur
Si le staff de l’équipe Jumbo-Visma investit à ce point dans le chrono et dans Wout Van Aert, c’est parce que les techniciens de la formation néerlandaise sont convaincus que le champion de Belgique de la spécialité possède un avenir doré dans la discipline. "Il va continuer à s’améliorer, juge Heijboer. Il engrange une expérience précieuse sur chaque contre-la-montre qu’il dispute, apprend à se gérer encore mieux. Je ne souhaite pas lui mettre la pression, mais je suis convaincu qu’il sera en mesure d’ambitionner une médaille sur les Mondiaux dans les prochaines années. Peut-il devenir un jour champion du monde ? Oui, j’en suis convaincu !"
“Certains se sont épargnés”
“Le parcours de ce chrono tracé autour de Pau n’est pas pour me déplaire puisqu’on le compare à celui de Roanne, où je m’étais imposé sur le dernier Critérium du Dauphiné… Sur le Tour de France, le contexte est toutefois différent car certains coureurs ont fait de ce rendez-vous l’un de leurs grands objectifs de ces trois semaines. J’ai ainsi remarqué que des gars se sont pas mal épargnés depuis le Grand Départ de Bruxelles et n’ont pas donné un coup de pédale de trop. Il faudra donc voir quel impact pourra avoir l’état de fraîcheur sur la performance de chacun… Car de mon côté, j’ai été à l’ouvrage chaque jour ou presque. Je n’ai encore jamais disputé un contre-la-montre après deux semaines de courses seulement interrompues par une journée de repos. J’avance donc un peu dans l’inconnu mais je suis confiant. Disputer un chrono du Tour avec le maillot de champion de Belgique sera, quoi qu’il arrive, une expérience fantastique.”
Aucun médaillé du Mondial au départ
Victor Campenaerts et Tom Dumoulin absents de la liste des engagés de ce Tour au Grand Départ de Bruxelles, l’Australien Rohan Dennis était le seul médaillé du dernier Mondial de chrono présent sur cette Grande Boucle. Le champion du monde a toutefois quitté l’épreuve jeudi, au cours de la 12e étape.
Martin : “Plus grand-chose à lui apprendre…”
Quadruple champion du monde de chrono, l’équipier allemand de Van Aert s’avoue bluffé par ses performances. Au soir de la victoire de la formation Jumbo-Visma sur le contre-la-montre par équipes tracé dans les rues de Bruxelles, le staff de la formation néerlandaise avait éclairé son succès par l’arrivée de Tony Martin cet hiver. Le quadruple champion du monde du contre-la-montre individuel constituait tout naturellement l’une des principales locomotives du train jaune, mais au-delà de ses seules performances physiques, l’Allemand avait également fait profiter toute la structure de son expertise dans le domaine. “Aujourd’hui, le chrono est devenu une discipline dans laquelle chaque détail compte, juge Martin. Nous travaillons donc beaucoup sur une multiplicité de paramètres qui peuvent impacter fortement la performance. Je pense par exemple aux casques, au textile utilisé pour les combinaisons, à des guidons spécifiques et bien d’autres éléments encore. Nous effectuons beaucoup de tests en soufflerie par exemple.”
Mais lorsqu’on luidemande comment il a fait profiter Wout Van Aert de son vécu, l’ancien coureur de la Quick Step sourit.
“Wout n’a déjà plus grand-chose à apprendre dans cet exercice, juge l’Allemand. Il fait partie des meilleurs coureurs du monde dans cet exercice. Si je ne veux pas qu’il me batte à chaque fois sur les prochains chronos, je ne dois d’ailleurs pas lui en dire trop (rires)… Pour un spécialiste de l’effort en solitaire, on sous-estime souvent l’importance de l’aspect mental. Il faut savoir rester extrêmement focus sur son effort pour ne pas se désunir. Et sur ce plan, Wout est très fort !”