Le départ à Binche aura une saveur particulière pour l'équipe Wanty-Groupe Gobert: "Si on nous avait dit cela il y a 5 ans, on aurait cru a une blague"
Le départ de ce lundi à Binche sera particulier pour l’équipe Wanty-Groupe Gobert, dont le partenaire est basé dans la cité du Gille.
- Publié le 08-07-2019 à 07h12
- Mis à jour le 08-07-2019 à 07h51
Le départ de ce lundi à Binche sera particulier pour l’équipe Wanty-Groupe Gobert, dont le partenaire est basé dans la cité du Gille. Ce lundi midi, lorsque le peloton s’élancera de la Grand-Place de Binche avec les coureurs de la formation Wanty-Groupe Gobert positionnés dans les tous premiers rangs, une émotion particulière envahira forcément Jean-François Bourlart et Benoît Soenen. "Si on nous avait dit il y a cinq ans qu’une étape du Tour de France s’élancerait de la cité du Gille avec une équipe aux couleurs de notre entreprise présente au départ, on aurait sans doute cru à un poisson d’avril… ou à une blague de fin de soirée carnavalesque", lance l’administrateur de la société du construction binchoise à son ami manager général de l’équipe cycliste. À l’aube de cette échéance symbolique, nous avons réunis les deux hommes pour une interview croisée.
Jean-François, Benoît, que représente pour vous ce départ d’étape à Binche ?
Benoît Soenen : "Un rêve de gosse ! Le cyclisme a toujours constitué pour moi une authentique passion. Alors, voir les couleurs de la société Wanty présentes dans le peloton de la plus grande course du monde sur la place d’une ville où nous sommes le principal employeur privé, cela constitue évidemment une émotion très forte."
Pensez-vous que l’équipe a joué un rôle dans l’attribution de ce départ à la ville hennuyère ?
JF Bourlart : "Non, pas véritablement ; Christian Prudhomme l’a d’ailleurs répété lors de la présentation du parcours en octobre dernier. Wanty-Groupe Gobert n’est pas invité sur ce Tour parce qu’il y a une étape au départ de Binche et la Ville ne s’est pas vu attribuer ce coup d’envoi parce que notre sponsor Wanty y a son siège social. Les deux dossiers sont distincts, mais traduisent l’amour et la passion de cette ville pour le cyclisme."
B. Soenen : "Tout à fait. Binche, c’est une vraie ville de vélo et la passion fait parfois cohabiter de bien belles histoires. On peut parler d’une certaine forme de coïncidence, mais celles-ci ne surviennent jamais totalement par hasard (rires) ... En 2017, le Tour a fait escale à Marseille, mais ce n’est pas pour cela que la formation Delko-Marseille y avait été conviée. Cette invitation, on la doit à la victoire à l’Europe Tour en 2018. Christian Prudhomme s’appuie là sur un critère objectif qui ne peut faire l’objet d’aucune contestation."
Après le départ de la Flèche wallonne, les championnats de Belgique 2018 et cette troisième étape du Tour de France, Binche est véritablement devenue une place forte du cyclisme en Wallonnie. Comment l’expliquez-vous ?
B. Soenen : "Je crois que le bourgmestre Laurent Devin a su faire éclore des projets concrets de ce terreau fertile. C’est par exemple lui qui est parvenu à relancer Binche-Chimay-Binche. C’est aussi un homme obstiné qui n’abandonne pas les dossiers qui lui tiennent à cœur. Comme celui du Tour (rires) ..."
Jean-François, vous comptez un coureur binchois dans votre effectif en la personne de Ludwig De Winter. L’histoire aurait été belle s’il avait été au départ du Tour, non ?
JF Bourlart : "Oui, bien évidemment, mais une participation à la Grande Boucle, ce n’est un cadeau que le temps de quelques heures, lorsqu’on annonce au coureur sa sélection (rires) . C’est ensuite et surtout trois semaines de souffrance sur le vélo durant lesquelles il faut s’accrocher pour voir Paris. Ludwig est arrivé dans notre équipe cette année et y évolue très bien, mais nous avons jugé, en concertation avec le staff technique, qu’il aurait été prématuré de le lancer dans cette aventure."
Vous êtes la seule équipe wallonne au départ de ce Tour. Tenez-vous à cette identité ?
JF Bourlart : "Oui, c’est certain, même si, au regard de notre noyau, nous sommes une formation assez internationale. Mais j’aime me rappeler que toute cette aventure est née de la reprise du VC Ath, un petit club de coureurs, il y a plus de quinze ans déjà maintenant. On a parcouru un sacré bout de chemin sans toutefois jamais oublier d’où nous venions."
B. Soenen : "Cette équipe nous a ouvert pas mal de portes sur le marché flamand. Nous prouvons, avec cette équipe comme avec notre société, qu’on sait fait les choses bien en Wallonie. On tentera d’en faire de même ce lundi matin lors de l’événement que nous organisons à Binche et réunira… 2 000 à 2 500 invités. C’est difficile de dire non à un Binchois (rires) ..."
"L’équipe cycliste fédère toute notre entreprise"
La société Wanty, qui emploie 1 500 personnes, a donné le goût du vélo à de très nombreux employés.
Présente depuis 2013 dans le naming de l’équipe cycliste alors baptisée Accent Jobs-Wanty et aujourd’hui devenue Wanty-Groupe Gobert, la société binchoise est engagée avec Jean-François Bourlart jusqu’en 2020. "Mais il n’y a pas de contrat de quinze pages avec des petits astérisques", sourit Benoît Soenen, l’administrateur de l’entreprise spécialisée dans la construction. "On fonctionne d’abord et avant tout à la confiance et à l’amitié."
Si ce partenaire aborde donc sa septième saison dans le peloton, il ne s’est pas fixé d’échéance quant à son investissement. "Nous verrons jusqu’où cette aventure nous portera, mais nous ne réfléchissons pas en termes de taux de notoriété par exemple. Le choix de cet investissement a évidemment été mûrement réfléchi, mais il est avant tout dirigé par la passion. Parfois, d’autres patrons d’entreprises me demandent ce que je fais dans le vélo. Je leur demande alors à mon tour ce qu’ils font dans une Ferrari (rires)..."
Pour Benoît Soenen, les bénéfices de cet investissement dans le cyclisme sortent de la froideur d’un bilan comptable.
"Le secteur de la construction dans lequel nous opérons frôle le plein emploi et il est souvent compliqué de trouver de la main-d’œuvre qualifiée. Pour un oui ou pour un non, un ouvrier peut vous quitter pour rejoindre un concurrent. Or, dans ce contexte, nous affichons un taux de départs volontaires de seulement 5 %. L’équipe cycliste fédère toute notre entreprise. Début juillet, les gars se réunissent de leur propre initiative pour réaliser une grande photo de groupe afin d’encourager nos coureurs pour le Tour. On sent une forme de fierté chez eux ; c’est leur équipe. Je trouve cela fantastique !"
En mai, lors du Bike Day organisé par l’équipe Wanty-Groupe Gobert à Binche, de nombreux employés avaient également enfourché leur vélo pour se mêler à une sortie en compagnie des coureurs pro. "Certains se sont mis au cyclisme parce que notre formation est désormais présente au Tour de France, sourit Benoît Soenen. Nous sommes entrepreneurs et les affaires restent notre business mais des choses comme celles-là sont parfois tellement gratifiantes…"
"Le WorldTour ? Ce serait une évolution logique mais ce n’est pas encore le moment"
Formation continentale professionnelle depuis 2011 (alors sous le nom de Veranda’s Willems - Accent), la structure de Jean-François Bourlart est devenue une véritable référence à ce niveau, elle qui a remporté en 2018 le classement Europe Tour pour la troisième année consécutive. De quoi rêver du WorldTour ? "Nous n’avons jamais caché que nous réfléchissions à un projet qui constituerait une évolution logique au regard de l’historique de l’équipe, explique le manager hennuyer. Je ne pense cependant pas que ce soit le moment. La réforme de l’UCI (NdlR : qui veut que les deux meilleures équipes pro continentales soient qualifiées pour le Tour et une série d’autres courses WorldTour) va changer pas mal de choses la saison prochaine. Cela ne veut pas dire pour autant qu’une promotion dans la première division du cyclisme mondial n’aura plus d’intérêt, mais ce passage impose également de doubler notre budget qui s’élève aujourd’hui à 6 millions d’euros. Je crois modestement que nous n’avons rien à envier à beaucoup d’écuries de D1 sur le plan de l’organisation, de l’encadrement ou du matériel. Mais nous aurions besoin d’une enveloppe supplémentaire pour aller chercher les cinq ou six coureurs qui pourraient faire la différence. Le jour où une opportunité se présentera, il faudra pouvoir la saisir et sauter dans le train. Nos sponsors ont d’ailleurs déjà fait savoir qu’ils étaient prêts à ouvrir le nom de l’équipe pour un nouveau partenaire."
"On a gagné une réelle légitimité"
Petit Poucet du Tour lors de sa première participation en 2017, l’équipe Wanty-Groupe Gobert a aujourd’hui gagné une véritable légitimité dans les yeux des autres formations de la Grande Boucle. "La plus importante course du monde vous fait forcément grandir, sourit Jean-François Bourlart. Quand certains coureurs s’écartent pour permettre à nos hommes de placer Guillaume Martin au pied d’un col, cela veut dire quelque chose… Ce sont des signes qui ne trompent pas. Nous sommes respectés et respectables, mais je sais aussi qu’il y a encore beaucoup à faire, que nous pouvons continuer à grandir. Voir des coureurs nous choisir pour rebondir après une aventure en WorldTour, c’est une fierté mais nous tenons aussi beaucoup à notre âme, à cette identité et cette atmosphère très familiales qui font partie de l’ADN même de ce projet."
"On veut tenter de créer des vocations"
Depuis cet hiver, la formation Wanty-Groupe Gobert entretient un partenariat avec quatre clubs de jeunes. "L’idée première n’est pas ici de construire une pyramide pour la formation, mais plutôt de tenter de créer des vocations, explique Bourlart . Nous sommes la seule équipe wallonne au départ du Tour de France et si nous pouvons faire profiter certains clubs de ce statut pour mettre des étoiles dans les yeux de leurs jeunes ou créer des vocations, ce sera mission accomplie. En Wallonie, le vélo a besoin que les forces vives s’unissent. Nous voulons donc permettre à des gamins de visiter notre bus ou notre service course ; nous donnons aussi un peu de matériel avec l’idée de montrer que le rêve n’est finalement pas intouchable…"