Dans le Hainaut, on constate une pénurie d’arbitres en P4
La vocation du sifflet chez les jeunes semble s’essouffler
- Publié le 04-10-2018 à 11h15
- Mis à jour le 04-10-2018 à 16h16
La vocation du sifflet chez les jeunes semble s’essouffler Le réservoir d’arbitres du foot provincial se tarit petit à petit. Les clubs en ont assez de jouer sans maître du jeu.
Michaël Ernalsteen, attaquant de Gouy (P4 Hainaut), n’y va pas par quatre chemins : "Un match de foot sans référé, c’est comme une prison sans gardiens : c’est le foutoir et cela donne lieu à beaucoup trop d’incivilités."
La comparaison avec le milieu carcéral est forte et témoigne d’un ras-le-bol de la part des footballeurs amateurs de la province. Très régulièrement, les rencontres se déroulent sans homme en noir.
"Cela joue déjà à l’influence en temps normal, mais lorsqu’il n’y a personne d’officiel pour diriger les débats, cela part dans tous les sens", confirme Fabrice Ernest, le coach de MSM Collège.
Du côté de la commission des arbitres, on reconnaît que la situation est préoccupante.
"On ne sait couvrir que 40 à 45 % des matches chaque week-end, relate Bruno Boël, le président. Et, parfois, certains arbitres désignés pour la P4 ne peuvent se rendre au match qui leur est dévolu parce qu’ils doivent combler un désistement de dernière minute dans les séries supérieures."
Outre les tensions qui émaillent les parties sans homme en noir, ce sont surtout les résultats faussés qui ennuient les clubs du dernier échelon provincial. Avec un arbitre occasionnel, les cartes ne sont pas distribuées et les dérives sont plus fréquentes.
"Au début de la saison, nous dominions un match avant de nous faire maltraiter et insulter. La partie aurait dû être arrêtée, se souvient le Gouytois Michaël Ernalsteen suite à un nul concédé par son équipe. Cela peut avoir des conséquences au décompte final, vu nos ambitions."
Pour autant, l’arbitrage n’est pas à l’abandon en Hainaut. "On forme environ 60 à 70 personnes par saison , souligne Bruno Boël. Et les arbitres qui ont arrêté par le passé peuvent facilement revenir dans le circuit." Mais, hélas, ce vivier souhaite rarement plonger dans le grand bain de la provinciale par le biais de la P4.
Ce problème ne devrait pas être résolu dans les prochaines années. La saison dernière, sur 200 candidats potentiels à arbitrer les séries seniors, seuls… deux nouveaux arbitres ont accepté le challenge.
"Il y a un blocage sur le dimanche après-midi, commente Bruno Boël, le président de la commission des arbitres. Les référés préfèrent rester en équipes de jeunes et siffler le samedi."
Pour l’instant, il n’y a pas encore péril en la demeure pour les autres séries que la P4. La totalité des rencontres de la P1 à la P3 ont un homme en noir désigné dans la plupart des cas. Mais, à terme, le tarissement du premier échelon pourrait semer le trouble dans les divisions supérieures.
“La passion est plus importante que l’argent”
Antonio Dionisio arbitre en P1 et a vingt ans d’expérience à ce niveau Les petits nouveaux ne se bousculent pas pour endosser la vareuse noire en équipe première. Mais les terrains provinciaux peuvent compter sur quelques vieux briscards, dont le Louviérois Antonio Dionisio. À 54 ans, l’arbitre reste passionné par sa fonction mais comprend la difficulté de s’y faire une place. Il y a une pénurie d’arbitres en équipes premières. Est-ce une tâche si compliquée ?
“Le problème, c’est qu’il faut du charisme pour arbitrer. Et pour en avoir, généralement, il faut un certain âge. Les petits jeunes qui débutent sont souvent déstabilisés par ce manque d’expérience dans les relations avec les joueurs.”
L’aspect humain est important. D’ailleurs, vous avez votre méthode.
“Je repasse toujours à la buvette après le match ! C’est important de ne pas partir comme un voleur. J’en profite pour discuter avec les joueurs, les entraîneurs et les supporters. Je leur explique mes décisions et il est rare que cela se passe mal.”
Lisez-vous la presse pour voir ce que l’on a pensé de votre prestation ?
“Non. Je fais de mon mieux à chaque match et je ne suis pas du genre à remettre en question mes décisions. Je siffle ce que j’ai vu sur le moment même, de l’endroit où j’étais. Mais il est clair que les supporters, avec leur sensibilité, voient les choses d’un autre angle.”
Après tant d’années, comment peut-on encore s’améliorer ?
“C’est très important de regarder des matches nationaux et internationaux pour décrypter comment réagissent les arbitres et la façon dont ils règlent certaines phases. Nous ne sommes évidemment pas dans la même situation au niveau des enjeux mais certains cas pourraient nous arriver et il est intéressant d’y réfléchir avant que cela ne se produise.”
À 54 ans, comment faites-vous pour rester en forme pour une saison ?
“Nous avons huit entraînements collectifs par an. Et, en plus, j’essaye d’aller courir au moins une fois par semaine pendant ¾ d’heure. Cela commence même avant le coup d’envoi. Je me mets en condition 3 heures avant la rencontre. Je mange un plat de pâtes, je prépare mon sac. Mentalement, je suis déjà dans le match avant de prendre ma voiture.”
Tout cet investissement, cela vaut le coup, financièrement ?
“Un petit jeune qui débute ne va pas loin avec les 20 euros qu’il gagne. C’est la même chose pour moi même si je touche davantage. Je pars à 13 h et je reviens après 18 h. Vu le temps passé, l’argent n’est certainement pas un critère important. C’est surtout la passion qui est importante.”
Merci Cupidon et Ryanair
Les causes expliquant la pénurie d’arbitres en P4 peuvent être multiples mais Bruno Boël, le président de la commission des arbitres, en débusque deux principales. “Tout d’abord, il y a les voyages à l’étranger beaucoup plus réguliers qu’auparavant. Désormais, avec Ryanair, on peut partir facilement un week-end en city-trip.” Pas mal d’hommes en noir sont donc indisponibles à différentes périodes de l’année, ce qui rend complexe le travail de désignation. Autre raison possible : les familles recomposées. “Les obligations familiales semblent de plus en plus contraignantes, poursuit-il. Encore récemment, lorsque nous avons proposé à un arbitre d’évoluer en première le dimanche, il nous a répondu qu’il devait demander à sa femme.” Ajoutez à cela les blessures de moyenne ou longue durée ainsi que les breaks souhaités par différents hommes en noir : compléter le tableau du week-end est un véritable casse-tête pour la commission des arbitres.