Kalifa Kamagate, réfugié et nouvelle pépite du Crossing: "Le foot me maintient en vie"
L’Ivoirien, réfugié en Belgique, évolue aujourd’hui avec la P1 du Crossing.
- Publié le 22-02-2019 à 14h32
- Mis à jour le 22-02-2019 à 14h41
L’Ivoirien, réfugié en Belgique, évolue aujourd’hui avec la P1 du Crossing. L’histoire poignante de Kalifa est celle vécue par des milliers de personnes, demandeurs d’asile en Europe, pour fuir les conflits au pays. En écoutant le vécu du gaillard de 23 ans originaire de Daloa en Côte d’Ivoire, on relativise et on ne peut que s’estimer heureux lorsqu’il raconte que le foot le maintient en vie.
Comment occupiez-vous vos journées à Daloa avant de venir en Belgique ?
"Comme beaucoup d’enfants ivoiriens, je rêvais de devenir footballeur pro. Je me levais le matin, j’allais aider ma maman pour installer le stand de tissu au marché local. Le but était de ramener l’argent pour pouvoir partir faire des tests en Europe quand des recruteurs venaient nous superviser. Je filais ensuite à l’AS Alogla, le centre de formation. Nous avions entraînement durant une heure le lundi, le mercredi et le samedi. Après cela, je retrouvais les amis du quartier pour poursuivre l’aventure avec le ballon. On organisait souvent des tournois entre nous."
Vous avez donc vécu la victoire des Éléphants au pays lors de la CAN 2015 ?
"C’était l’un des plus beaux moments de ma vie. La ville avait installé un écran géant sur la grand-place. C’était un moment indescriptible lorsque Copa Barry (NdlR : ex-gardien de Lokeren) a marqué le penalty décisif face au Ghana aux tirs au but."
Pourquoi avoir quitté la Côte d’Ivoire ?
"J’ai eu de graves problèmes personnels et familiaux… j’étais obligé de fuir le pays. J’ai ensuite fait de longs trajets en voiture et en car pour rejoindre la Libye. Comme beaucoup de migrants là-bas, j’ai été obligé de travailler."
Cela a dû être terrible…
"Je n’avais pas le choix et j’y suis resté trois mois avant que l’on me rende ma liberté. J’ai ensuite pris le bateau pour rejoindre l’Italie. C’était alors 48 h de souffrance sur une embarcation pour rejoindre l’Italie."
Quand êtes-vous arrivé en Belgique ?
"Je suis resté quelques semaines à Verbania, en Italie, avant de débarquer à la gare du Midi. J’ai rapidement été demander l’asile et j’ai été pris en charge au centre Fedasil de Bruxelles avant d’être transféré à celui de Namur. J’y séjourne actuellement. Je bénéficie d’un permis de séjour temporaire tant que ma procédure est en cours. La Belgique est un pays fabuleux avec des gens chaleureux."
Comment avoir atterri au Crossing… ?
"Je le dois à Naïm qui entraîne là-bas. Il m’a aidé à venir. Le foot me manquait énormément depuis mon départ de Daloa. L’avantage est que j’arrive à sortir toutes les galères hors de ma tête quand je retrouve le terrain. Merci à lui et au Crossing de me permettre de joueur au foot. Cela me maintient en vie en quelque sorte."
Vivre un “demi-rêve”
Le petit élément porte au visage un sourire permanent qui émerveille le staff et les coéquipiers de l’équipe schaerbeekoise. Le gars, timide de nature, a pu se fondre dans ce collectif de qualité après avoir intégré la P2 dans un premier temps.
“Naïm a organisé un test en interne avec Didier Van Den Eynde, responsable des jeunes et T1 de la P2.” Il n’a fallu qu’une seule séance de tests pour convaincre le coach principal. Les matchs sont ensuite arrivés sur le tas. La première rencontre officielle de “Kali” était face à la P2 du VK Berchem… où évolue Naïm (victoire 3-2 des Berchemois) !
L’attaquant est ensuite monté en puissance au fil des semaines jusqu’à rejoindre l’équipe première un mois et demi après son arrivée. Il se contente pour le moment de s’aguerrir et de performer collectivement avec ses potes afin d’arriver en tête de la P1 à l’issue du championnat. “Les gens sont gentils avec moi et il y a de très bons joueurs au sein de l’équipe première.”
Lui, qui rêvait de devenir pro, continuera son aventure au Crossing l’année prochaine, en D3 amateurs si possible.
Naïm Daibes, l’ange gardien de Kali
Le jeune homme, travaillant pour la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, a découvert Kalifa lors d’un tournoi de la Belgian Homeless Cup en 2017. Avec l’équipe de l’ASBL “Chez Jes” qu’il encadrait, l’entraîneur des U15 A du Crossing Schaerbeek est tombé sous le charme d’un joueur de l’équipe de Fedasil qu’il affrontait. “Kali était vraiment impressionnant. Même si le niveau n’est pas des plus relevés et que l’esprit de fair-play domine la compétition, le joueur sortait clairement du lot”, expliquait-il. “Pour faire simple, il nous avait déchirés à lui seul (rires). Je suis ensuite allé à sa rencontre à la fin de la partie pour savoir s’il jouait en club en Belgique. La réponse était négative et je lui ai proposé mon aide pour trouver une structure prête à l’accueillir.”
Naïm Daibes a ensuite fait jouer ses contacts et a aidé l’Ivoirien pour lui trouver une formation. Mais le RCS Bossièrois (P3) n’a pas retenu le joueur lorsqu’il est allé se montrer. “Il fallait trouver un arrangement car il logeait à Namur. L’équipe namuroise que j’ai contactée n’était que moyennement intéressée à cause de son statut”, précisait cet amoureux du sport.
C’est donc en débarquant dans le club d’Erdal Sevik à Bruxelles que Naïm a informé la direction de ce talent non utilisé. “Ce qui est bien et que très peu de gens savent, c’est que l’Union belge pousse les clubs à affilier des joueurs rencontrant des problèmes sociaux. C’est un programme spécial développé par l’URBSFA qui est vraiment intéressant pour donner une chance à tout le monde”.
En interne, le président du Crossing a déjà fait savoir que le joueur accompagnerait le groupe lors de la prochaine saison.
Il apporte un vent de fraîcheur sur le front de l’attaque schaerbeekoise et est capable de prendre n’importe quel adversaire de vitesse. Un jeu quelque peu similaire à son modèle et star nationale. “Mon joueur préféré est Gervinho. Il est rapide, puissant, petit et parvient à marquer facilement”, avançait Kalifa Kamagate, pour conclure un entretien humainement enrichissant.