Ryad Merhy: "Je vise un titre mondial dans les deux ans"
- Publié le 27-04-2018 à 06h44
- Mis à jour le 27-04-2018 à 11h13
La DH a refait le monde avec le boxeur de 25 ans, un mois après son combat pour le titre WBA des lourds-légers. Quand on lui propose de revoir en sa compagnie son championnat du monde WBA du 24 mars dernier, à Marseille, Ryad Merhy esquisse un sourire : "Pas de problèmes, même si je l’ai déjà revu... cinq fois. D’habitude, c’est même plus, mais ici le combat était quand même assez long."
Battu par K.-O. technique au 11e round (arrêt de l’arbitre) par le Français Arsen Goulamirian, le poids lourd-léger nous fixe rendez-vous au très chic MC Boxing Club, à Uccle. C’est dans les murs de cette ancienne banque, un espace étonnant à mi-chemin entre centre esthétique et club privé où il dispense des cours dans une salle des coffres impeccablement aménagée, que le Bruxellois va revenir, pendant 45 minutes, sur cet affrontement qui ne lui aura pas laissé un souvenir trop négatif malgré la défaite.
"Si j’avais été à 100 %, j’aurais été beaucoup plus déçu, mais j’ai montré à peine la moitié de mes capacités", lance Ryad Merhy, installé dans l’un des fauteuils faisant face à la télévision.
Ryad, on imagine que vous avez déjà tiré les leçons de ce combat pour construire la suite...
"Absolument. J’ai appris beaucoup sur moi-même. Comme par exemple le fait que je prends bien les coups, ce qui jouera sur ma façon d’envisager les prochains combats. Mais des choses doivent changer, et vont changer. Avec mon manager, Alain Vanackère, on est en train de tout mettre en place pour la suite, on va repartir sur de nouveaux projets. Avec déjà un combat le 29 juin prochain, à Ninove, histoire de rester actif parce que je ne peux pas me permettre de perdre trop de points. Ensuite, il y aura encore un combat en octobre et un autre, que j’espère d’envergure, en décembre prochain, au Spiroudome de Charleroi."
La WBA vous a reclassé en 9e position au ranking ce mois-ci. Un moindre mal ?
"Oui, je reste Top 10 , et c’est très bien. Je pensais vraiment que j’allais faire un plus gros flop. L’idée c’est de revenir dans le Top 5 d’ici à la fin de l’année. Mon histoire avec le championnat du monde n’est pas terminée, j’ai tout l’avenir devant moi."
Une revanche face à ce même Arsen Goulamirian est-elle envisageable ?
"La revanche est signée mais il faut déjà qu’il garde sa ceinture... À lui de faire le job ! De toute façon, je vous avoue que ce n’est pas la priorité pour moi. Je ne vais pas patienter afin d’avoir l’occasion de boxer à nouveau contre lui. Mon manager va tenter de me faire classer dans différentes fédérations et on va peut-être essayer d’aller chercher une autre ceinture : si je reçois une proposition mondiale, on sautera alors sur l’occasion. Après cette première expérience, mon nom va circuler un peu partout et j’entrerai automatiquement en ligne de compte en cas de défense volontaire de l’un des champions du monde. Je vise, en tout cas, un nouveau championnat du monde dans les deux ans, peu importe la fédération sous l’égide de laquelle il se déroule."
Cet échec a-t-il renforcé votre envie de réussir ?
"Oui, c’est écrit ici: (il montre l’un de ses tatouages sur le bras droit) ‘ Chaque obstacle renforce ma détermination .’ C’était le premier obstacle, on va essayer de passer au-dessus et de repartir de l’avant très rapidement."
Ryad Merhy, qui attendait d’"avoir faim" pour remettre les gants, a repris le chemin de l’entraînement ce jeudi. Avec une ambition intacte.
"Je ne voulais surtout pas tomber : j’ai ma fierté"
Le Bruxellois est lucide sur ce qui lui a manqué le 24 mars dernier
"Depuis le début de la semaine, plein de petites choses ont fait en sorte que je n’étais pas concentré comme je le voulais...", confesse Ryad Merhy. "Et le samedi, j’ai super mal géré la pression. J’avais un problème de souffle. Avant un combat, j’ai aussi un rituel, toute une série de déclencheurs que j’ai développés et qui se mettent en place lors de l’échauffement, lors de la mise de gants ou lors de l’entrée sur le ring. Ici, l’attente a été longue et je n’étais pas assez concentré. La preuve ? J’entendais les encouragements des supporters. En temps normal, quand je suis dans ma bulle, ce n’est pas le cas. Je ne suis, en fait, jamais entré dans mon combat et les gens qui me connaissent bien ont très vite vu à mon regard que je n’étais pas comme d’habitude."
Les trois premières reprises ont pourtant laissé planer l’illusion que le boxeur belge, rapide et précis, allait pouvoir rivaliser avec son hôte.
"Je prends pourtant déjà des coups que je ne dois pas prendre", grimace Ryad. "À certains moments, je ne faisais rien, j’attendais que Goulamirian déclenche. Ce n’est pas mon genre. En revoyant le combat deux jours après, je me suis insulté : ‘Mais qu’est-ce que tu fous?!’ Il me donne des uppercuts que je suis censé voir à des kilomètres mais mon corps ne réagit pas. Bref, je savais déjà que le combat n’allait pas se dérouler comme je le voulais."
La montée en puissance de son adversaire, dès le 4e round, va accentuer cette désagréable impression. "On savait pourtant comment Arsen allait boxer, il ne m’a pas surpris. J’étais même entraîné pour cela grâce à de bons sparring-partners ", souligne Ryad Merhy, balayant d’un revers de la main tout regret par rapport à sa préparation. "Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose. Seul problème : quand ton esprit n’est pas là, le corps ne suit pas non plus. Mon adversaire avait plus la dalle que moi, ça se voyait. C’était sans doute sa dernière chance d’arriver au titre mondial et il a fait ce qu’il fallait pour l’emporter."
Dans la deuxième partie du combat encore, notre compatriote a gardé l’espoir de faire chanceler son adversaire. "J’ai subi mais j’ai tenté de trouver des ouvertures, de placer des contres et de reproduire la tactique qui avait été définie. Après, le mec il encaisse, aussi ! Je suis toutefois trop resté sur place, à faire de l’opposition avec lui, alors qu’il aurait fallu le faire tomber dans les cordes, reprendre ma position au centre et recommencer à travailler. D’habitude, je fais mes mouvements de retrait aussi, pas ici. Je me suis bêtement laisser enfermer. Et quand un tank arrive sur toi, il faut de la justesse... ou de la réussite."
Au début du 8e round, Ryad Merhy a laissé parler son explosivité comme trop rarement dans ce combat. "C’est l’orgueil qui a parlé parce que je n’avais pas reçu la consigne d’attaquer fort à ce moment-là. C’est sorti tout seul. J’entendais mon coin mais je n’étais plus conscient, j’étais devenu un robot, boxant de manière automatique."
Et au 11e round, son absence de réaction sous un déluge de coups incita l’arbitre à mettre un terme aux débats. "À quel moment aurais-je dû accrocher pour gagner du temps ?", se tourne-t-il vers nous. "C’était compliqué. Je n’aurais pas pu gagner au niveau du pointage mais je ne voulais surtout pas tomber, j’ai ma fierté. Je me suis demandé pourquoi l’arbitre arrêtait, mais quand je revois ça, je me dis qu’il a bien fait."
"Parfois, il faut être moche pour gagner"
Ryad Merhy en convient : pour remporter un combat de calibre mondial, il faut pouvoir faire preuve de "davantage de hargne". "On me le dit souvent, je suis encore trop gentil quand je boxe", dit-il. "Je dois entrer en mode sauvage, il ne faut pas que ça reste trop propre, trop beau. Parfois, à un certain niveau, il faut être moche pour gagner. La beauté du geste ne doit pas toujours être le plus important. Regardez Deontay Wilder (NdlR : tenant du titre WBC) chez les lourds. Ce n’est pas académique mais ça finit toujours par passer. Des fois, il faut juste y aller et être beaucoup plus méchant. Je ne serai pas le même la prochaine fois : je donnerai des coups pour être vraiment percutant, pas juste pour marquer des points."
"Convaincu qu’il y avait la place"
Le boxeur belge reconnaît la supériorité de son adversaire le 24 mars dernier. Il estime néamoins qu’il possède les qualités pour le vaincre. "Il a effectué un gros pressing, comme prévu, mais je suis convaincu qu’il y avait la place", affirme Ryad Merhy. "J’ai préparé, en sparring , deux types d’opposition : le premier pour travailler en réaction à cette pression, et l’autre plus technique pour travailler l’acuité visuelle. Tout avait été mis en place pour que je puisse m’en sortir. D’ailleurs, quand je m’entraîne, je boxe souvent en reculant, dos aux cordes, et je sais que j’en suis capable. Mais je n’étais pas dans un grand jour. J’ai mis des jabs, des uppercuts, mais si vous comptez le nombre de droites pures que j’ai mises, vous n’allez pas en trouver beaucoup. Il y avait bien des ouvertures mais je n’ai pas su donner le coup qu’il fallait au bon moment. Je sais que les gens attendaient beaucoup de moi; et moi-même j’attendais beaucoup de ce combat qui aurait pu marquer l’histoire de la boxe belge, malheureusement je n’ai jamais réussi à me lâcher…"