Trop de sport tue le sexe !
Shakespeare disait à propos de l’alcool qu’il "excite le désir mais nuit à la performance". Pourrait-on dire la même chose du running ?
- Publié le 20-02-2018 à 10h32
- Mis à jour le 23-02-2018 à 11h51
Shakespeare disait à propos de l’alcool qu’il "excite le désir mais nuit à la performance". Pourrait-on dire la même chose du running ?
Les Jeux de Pyeongchang arrivent à leur terme. Il y a fait froid. Terriblement froid. Cela n’a pas empêché les athlètes de se surpasser. Ni même de se bécoter. Les nuits au village olympique ont effectivement la réputation d’être particulièrement chaudes, même quand il fait dehors un froid de canard. "De ma vie, je n’ai jamais vu un bordel pareil", s’amusait Hope Solo, la gardienne de but de l’équipe américaine de football lors de la dernière édition à Rio.
Le Comité international olympique (CIO) le sait. Depuis 1989, les organisateurs sont tenus de mettre gratuitement des préservatifs à disposition des sportifs pour éviter les accidents. Beaucoup de préservatifs. Ces Jeux d’hiver ont d’ailleurs battu le record : 110.000 condoms distribués. On a fait le compte. Pour 2.925 athlètes engagés, cela fait 37,6 capotes pour la quinzaine, soit environ deux par jour ! C’est plus qu’aux précédents JO d’hiver à Vancouver et à Sotchi. Mais on reste encore loin des records des Jeux d’été et les 450.000 capotes proposées à Rio en 2016 (pour un nombre d’athlètes trois fois supérieur, il est vrai).
Le secret sympathique
Ces chiffres sont amusants. Cependant, ils posent une vraie question : la pratique sportive a-t-elle tendance à exacerber le désir sexuel ou au contraire à l’éteindre ? Dans le magazine Zatopek actuellement en kiosque, Louise Deldicque (Université catholique de Louvain) tente de répondre scientifiquement à cette question (1). En partant du principe de base que l’activité physique stimule le système nerveux sympathique, oui, la chercheuse aurait tendance à faire effectivement la corrélation entre la libido et la bonne forme physique.
Attention, l’adjectif "sympathique" ne s’applique pas ici au fait qu’on soit de bonne ou mauvaise compagnie. En l’occurrence, il désigne toutes les adaptations nerveuses qui précèdent et accompagnent une action. Dès qu’on se met à bouger, la fréquence cardiaque augmente. On se met aussi à transpirer. On respire plus profondément. On secrète plus d’hormones.
Chez les personnes sédentaires, cette activation sympathique peut avoir un effet sur le désir. Comme si notre corps sortait d’une période d’endormissement. Ensuite, évidemment, on s’adapte. Pour retrouver le même niveau d’excitation, il faut donc augmenter les doses d’effort. Et ainsi de suite jusqu’à des niveaux de forme très élevés.
Gare aux excès
Mais attention ! Il arrive aussi que ce lien qui unit le sport et la sexualité se distende ou se rompe. Tout à coup, la libido redescend alors au niveau des pâquerettes. De nombreuses études montrent effectivement qu’au-delà d’une certaine charge de travail propre à chacun, la production d’hormones sexuelles chute brutalement, ce qui amenuise le désir. Chez les hommes, les scientifiques évoquent l’existence d’un "exercise-hypogonadal male condition" (baisse de production des gonades liées à l’exercice). Chez les femmes, on parle de "triade de l’athlète" : un syndrome malheureusement fréquent qui associe des dérèglements hormonaux à une perte de poids importante et à une fragilité du squelette. Donc Shakespeare a raison. "L’alcool à hautes doses excite le désir mais nuit à la performance." Et le sport aussi.
- Plus d'infos?: Lire "Libido en berne" par Louise Deldicque et Marc Francaux dans Zatopek n°45, page 48 (actuellement en kiosque).