Dans les coulisses d'une course de masse: “Organiser une course est toujours un défi”
Greg Broekmans, directeur des organisations running chez Golazo Sports, a accepté de nous dévoiler l’envers du décor des courses de masse à l’occasion du marathon de Bruxelles.
- Publié le 08-10-2019 à 10h12
- Mis à jour le 11-10-2019 à 09h29
Greg Broekmans, directeur des organisations running chez Golazo Sports, a accepté de nous dévoiler l’envers du décor des courses de masse à l’occasion du marathon de Bruxelles.
Des coureurs par milliers qui défilent sous le portique d’arrivée. Cette scène, vécue sous le crachin bruxellois ce dimanche matin à l’occasion des épreuves organisées autour du (semi) marathon de Bruxelles, se répète semaine après semaine. En Belgique et à l’étranger. Bienvenue dans les courses dites de masse, ces organisations qui drainent la foule et un public de runners toujours en quête de nouvelles sensations. Des événements qui fascinent les amateurs autant qu’ils peuvent en rebuter d’autres préférant la tranquillité et la simplicité des organisations dites bénévoles, souvent loin des villes.
Chez nous, on retrouve régulièrement la société Golazo Sports derrière ce type d’évènements de masse auxquels chaque coureur a déjà pris part au moins une fois dans sa vie de sportif mais dont on ignore bien souvent tout ou presque de leur fonctionnement. À l’occasion du Brussels Airport Marathon, Golazo Sports a accepté, via l’intermédiaire de Greg Broekmans, son directeur de ses organisations running, de nous ouvrir les portes des coulisses de son évènement.
Qui se cache derrière les courses de masse ?
Des sociétés spécialisées dans l’organisation d’événements sportifs. Avec des employés, un directeur, des bureaux et des obligations de rentabilité. Le marathon de Bruxelles, comme l’AG Antwerp 10 Miles mais aussi une multitude d’épreuves de tous genres aux quatre coins du pays, sont organisés par Golazo Sports, la plus grosse société de ce type en Belgique. Une entreprise qui emploie environ 350 personnes à travers l’Europe. “Notre but, notre philosophie, est de faire bouger les gens”, affirme Greg Broekmans, lui-même passionné de sport. “Ce n’est pas juste un slogan. Nous sommes persuadés que, comme en Scandinavie, on peut arriver à ce que 90 % des gens bougent au moins 30 minutes par jour. On veut tout simplement contribuer à améliorer le mode de vie de la population. Voir des gens boucler leur premier semi-marathon ou marathon, en pleurer à l’arrivée, je suis convaincu que cela fait une différence. Et si on organise des événements, nous sommes aussi de plus en plus présents dans les entreprises pour faire bouger les employés.”
Organiser, facile ou compliqué ?
“Organiser un événement sur le domaine public n’est jamais facile. Il faut tenir compte de beaucoup de paramètres, comme les travaux ou les exigences des différents services publics par exemple. Au niveau logistique, organiser une course n’est par contre pas un problème pour nous car nous avons beaucoup d’expérience à ce niveau. Mais gérer une boucle de 42 km comme à Bruxelles, avec tout ce qui peut se passer sur un tel parcours, n’est jamais aisé. Chaque année, c’est un challenge. Chaque année, il y a du stress. Notamment avec la gestion des 16 postes de ravitaillement, une véritable chaîne humaine qui doit être prête à recevoir parfaitement tous les coureurs et avec qui nous sommes en contact permanent afin que tout se déroule parfaitement.”
Comment choisir un parcours ?
“Proposer le parcours dont on rêve, celui qui arpente les axes importants d’une ville par exemple, est parfois impossible. À la fois pour des raisons de confort pour les coureurs mais aussi car Bruxelles, dans le cas du marathon, doit continuer à vivre durant la course. Arriver à la Grand-Place, comme c’était le cas par le passé, était magnifique, mais l’espace était devenu trop étroit. Qui plus est, avoir une zone de départ et d’arrivée différente est compliqué à gérer. Au final, c’est toujours un compromis entre les attentes des coureurs, des organisateurs et des responsables locaux afin que cela fonctionne au mieux.”
Combien de personnes mobilisées ?
“Un événement comme le marathon de Bruxelles, c’est un travail sur toute une année. Il n’y a pas un mois où on n’est pas occupé là-dessus, entre les évaluations, les relations avec les sponsors, la communication... Bien sûr, plus on approche de la date, plus l’équipe se renforce. À la base, il y a une équipe de trois personnes, qui est aussi amenée à travailler sur d’autres projets bien sûr. Le jour de la course, il y a cinq ‘event managers’ présents pour gérer tous les collaborateurs et les bénévoles. Chacun avec sa tâche : le départ, le parcours, l’arrivée, l’expo… Le jour même, c’est au final une énorme équipe. Soit une dizaine de personnes salariées de chez Golazo, une soixantaine de collaborateurs qui viennent renforcer l’équipe et qui ont l’expérience de tels événements et, enfin, tous les bénévoles, environ 500 à Bruxelles, indispensables pour les postes de ravitaillement. Cela peut-être des scouts, des clubs de sport ou des associations locales, qui sont défrayées pour l’occasion.”
Vers le toujours plus ?
Participer à une course de masse, ce n’est pas seulement enfiler ses baskets et courir. Les organisateurs en offrent toujours plus avec le dossard, parfois même jusqu’à distribuer des lampes frontales. Médaille et t-shirt de finisher sont exigés par un certain public, suscitant la critique d’une autre frange de la population running. “Avec les réseaux sociaux, l‘interaction avec le public est beaucoup plus importante, également pour les mécontents. L’exigence est donc bien plus grande alors que l’offre est bien plus abondante. Chaque organisation, pour survivre ou s’installer, est obligée de s’adapter et de faire de son mieux pour attirer les participants. À moins d’être une institution comme les 20 Km ou les 10 Miles d’Anvers, il faut aujourd’hui faire preuve de beaucoup de créativité pour exister.”
Le tout dans un paysage où les organisations sont de plus en plus nombreuses. “Il y a toujours autant de monde qui court, mais les courses, elles, sont de plus en plus nombreuses…”
Le prix du dossard
Le sujet fait débat de longue date au sein des pelotons. Entre les organisations dites bénévoles dans un environnement campagnard et celles organisées par des sociétés dans un cadre urbain, c’est logiquement le grand écart au niveau des tarifs. “Organiser un marathon en ville, ça coûte”, dit Greg Broekmans sur ce sujet sensible. “Il faut à la fois avoir des partenaires et avoir suffisamment de coureurs à un prix qui reste raisonnable.” Mais qu’est-ce un prix raisonnable ? Et comment est-il fixé ? “En tant que société qui organise de grands événements running en ville, nous avons une grande équipe mobilisée et de grands investissements qui sont faits pour ces organisations. Des frais qu’il faut couvrir par les rentrées le jour de la course. C’est au final logique que le prix du dossard pour Liège 10 Km et le marathon de Bruxelles ne soit pas le même car les coûts sont différents. Idem entre une course en pleine nature ou une autre en ville. Au final, on fixe le prix du dossard en regardant à la fois à notre budget dépensé et aux prix pratiqués par les organisations du même type.”
Business et/ou convivialité ?
Parmi les reproches faits aux courses dites de masse, on trouve l’absence de convivialité. À 100 ou à 10 000, l’ambiance sera indéniablement différente, peu importe qui se trouve aux commandes. “Pour contrer cela, on s’associe souvent avec une équipe ou un club local. Bien sûr, nous proposons de grands événements, qui sont donc moins personnels et où il est difficile de boire un verre à l’arrivée avec le responsable. Moi-même j’adore aller dans ce type d’organisation de temps à autre. Mais un événement de masse comme les 10 Miles d’Anvers, avec 40 000 coureurs et des milliers des spectateurs, donne aussi une expérience unique, certes différente. À chacun de faire son choix et de trouver l’équilibre qui lui convient.”