Nos pratiques d’entraînement remises en question
Le Canadien Blaise Dubois, président de la Clinique du Coureur, ébranle les idées reçues dans son dernier ouvrage. Et propose des alternatives parfois étonnantes.
- Publié le 15-11-2019 à 16h38
- Mis à jour le 18-11-2019 à 14h34
Le Canadien Blaise Dubois, président de la Clinique du Coureur, ébranle les idées reçues dans son dernier ouvrage. Et propose des alternatives parfois étonnantes. Blaise Dubois, président de la Clinique du Coureur, ne se fait pas seulement remarquer par son imparable accent québécois. Mais aussi et surtout par ses prises de position singulières en matière d’entraînement et de prévention des blessures en course à pied.
Adepte du minimalisme, le physiothérapeute vient de commettre une véritable somme scientifique, de près de 500 pages, qui bat en brèche pas mal d’idées reçues ou préconçues. Dénommée La Santé par la course à pied, nous l’avons lue et parcourue en compagnie du Tournaisien Pierre Denays, coureur et ostéopathe.
Une lecture qui pousse à la réflexion sur nos pratiques et qui s’impose cet hiver au coin du feu. Attention, cela risque de remettre en question, par la suite, votre propre entraînement de course à pied.
Blessures : agir avant que ne déborde le vase…
En matière de blessure chez le coureur à pied, le physiothérapeute québécois Blaise Dubois constate, invariablement, que la plupart des sportifs sont victimes de surcharges d’entraînement. "Le corps s’adapte dans la mesure où le stress appliqué n’est pas supérieur à sa capacité d’assimilation. Il est alors indispensable, quotidiennement, de quantifier le stress mécanique. C’est la meilleure manière d’éviter les blessures", rappelle, inlassablement, Blaise Dubois dans son livre intitulé La Santé par la course à pied.
Pierre Denays, l’ostéopathe, instigateur du programme "Running-Safe", abonde dans ce sens. "À titre personnel, je dois le reconnaître, j’ai plusieurs fois été fauché par la blessure, à l’approche d’un pic de forme. Et aujourd’hui, avec le recul de l’expérience, souvent malheureuse quand elle contraint à l’abandon ou au repos forcé, je ne peux que souscrire à l’argumentaire de Blaise Dubois", reconnaît le praticien qui dirige, à Bruxelles et à Tournai, la Denays Sports Clinic.
En matière de blessures, Blaise Dubois n’hésite pas à sortir l’artillerie lourde et à dénoncer les excès en tous genres. "À force de continuellement protéger nos pieds, avec des chaussures aux semelles trop amortissantes, on finit inexorablement par les fragiliser", remarque l’auteur qui fustige, sans complaisance, ni conflit d’intérêts, les dérives commerciales des fabricants de chaussures de sport.
Et Pierre Denays d’ajouter que le sportif doit toujours rester à l’écoute de son corps. "La plupart du temps, les blessures de surcharge d’entraînement arrivent en fin de préparation, quand l’objectif occulte les signes avant-coureurs qui devraient alerter l’athlète. Et c’est d’autant plus risqué qu’à ce moment-là le corps devient paradoxalement performant et fragile à la fois", conclut l’ostéopathe tournaisien.
Bonnes ou mauvaises pratiques ? Quand la science éclaire les faits !
"Bon nombre de pratiques d’entraînement ont traversé le temps sans jamais être confrontées au processus d’analyse scientifique. C’est pourtant de cette confrontation que naissent souvent des remises en question et des changements de pratique", annonce Blaise Dubois en proposant aussitôt à ses lecteurs un petit jeu du vrai ou faux.
Avec à la suite du questionnaire une justification de sa manière de voir les choses, souvent en contradiction avec les préceptes des entraîneurs ou les comportements des sportifs. "Parmi les croyances erronées, on relève toutes les informations qui touchent à la cause et au traitement en première urgence des blessures, à la fréquence des entraînements, au port d’orthèses plantaires, aux étirements et l’hydratation…" énumère le praticien chercheur.
Blaise Dubois n’a pas pour volonté d’ébranler les certitudes. Au contraire, sa démarche est rigoureuse et constructive. Pour rédiger son ouvrage, il a fait appel à plus 30 experts internationaux et a analysé, avec un esprit critique, quelques 1 700 études scientifiques. Et bien malin qui pourrait le prendre en défaut d’un de ses raisonnements.
"J’apporterai toutefois une nuance au traitement immédiat des blessures par la chaleur et le froid. Blaise Dubois déconseille la prise d’anti-inflammatoires et l’application de glace qu’il tient pour responsables du ralentissement de la vitesse de guérison tissulaire. Je serai moins catégorique", intervient Pierre Denays.
L’ostéopathe estime que l’alternance de chaleur et de froid demeure préférable. "En appliquant par exemple, en cas de blessure, un jet d’eau chaude pendant deux minutes avant de poser de la glace durant le double de temps. De sorte de profiter de l’effet de vasodilatation avant l’effet antalgique."
Pour le reste, à vous de voir les réponses que vous apporterez à Blaise Dubois si vous vous soumettez au quiz québécois.
Vers une course à pieds nus…
C’est la marque de fabrique de Blaise Dubois. La course à pied en chaussures minimalistes. "L’évolution technologique de la chaussure moderne visait, initialement, à réduire l’incidence des blessures. Mais en y ajoutant sans cesse de l’amorti et surtout des talons surélevés et des techniques pour contrôler le mouvement de pronation, la chaussure a perturbé la manière dont l’homme court", répète, à qui veut l’entendre, Blaise Dubois.
Et le praticien de la Clinique du Coureur va plus loin encore, en insinuant que ces prétendues avancées n’ont aucun fondement scientifique, voire aucune utilité pratique. Et en s’interrogeant même sur le fait que la chaussure moderne, objet de toutes les convoitises commerciales, puisse être, dans bien des cas, une cause de blessures. Un pavé dans la mare des fabricants de chaussures de sport.
Ce radicalisme laisse un peu perplexe Pierre Denays, notre lecteur critique. "Si les chaussures minimalistes étaient aussi performantes que cela, tout le monde les utiliserait", rétorque l’ostéopathe.
"Encore faut-il prendre en compte les enjeux économiques considérables et l’argent que reçoivent, en retour, les athlètes élites pour porter les couleurs et les chaussures d’un équipementier", lui répondrait aussitôt Blaise Dubois.
"Mais si la chaussure doit se rapprocher de la biomécanique naturelle du pied, il faut que cela se fasse très progressivement. En diminuant le drop millimètre par millimètre. Et cela peut prendre plusieurs mois", avertit le prescripteur des chaussures à orteils, en l’absence de toute contre-indication pathologique.
Blaise Dubois défend aussi l’augmentation de la fréquence de pas qui devrait, dans l’idéal, approcher en permanence les 180 pas par minute. "C’est que ne nous démontrent toutes les études scientifiques qui mettent en évidence une économie de course."
"Dans ce cas, il importe d’évaluer la souplesse des chaînes musculaires, en étirant les plus raides. Et de renforcer la chaîne postérieure pour répondre à la mise en charge supplémentaire, en réaction à la diminution du drop de la chaussure", conclut, en guise d’avertissement, l’ostéopathe tournaisien.