Maxime Monfort, jeune retraité des pelotons, découvre le running: "Je prends plus de plaisir aujourd’hui à courir qu’à faire du vélo"
Le jeune retraité des pelotons découvre avec plaisir et passion le trail, discipline au sein de laquelle on risque d’entendre parler de lui.
- Publié le 19-11-2019 à 15h04
- Mis à jour le 20-11-2019 à 17h05
Le jeune retraité des pelotons découvre avec plaisir et passion le trail, discipline au sein de laquelle on risque d’entendre parler de lui. Le virus du sport n’a pas lâché Maxime Monfort. Véritable passionné, le jeune retraité des pelotons, depuis le 6 octobre dernier, ne peut imaginer vivre plusieurs jours sans se dépenser. À peine avait-il fermé la porte après notre visite à son domicile, sur les hauteurs d’Aywaille, qu’il s’en alla enfourcher son VTT pour une sortie de 2 heures dans une région aux allures de véritable paradis du sport outdoor.
Une parenthèse heureuse dans une pratique sportive qui rime désormais avec la course à pied et le trail et où la quête du plaisir surpasse de loin celle de la performance. "J’aurais bien été courir aujourd’hui mais je sens que je dois me ménager", rigole-t-il. "Je découvre une nouvelle discipline et mon corps me le fait comprendre."
Peu importe, le lendemain, le nouveau directeur sportif de l’équipe Lotto alla s’offrir une sortie de 23 bornes et de plus de 600 mètres de dénivelé en compagnie de Mathieu Deville, l’une des références en matière de trail en Belgique. Le tout en taquinant les 12 km/heure de moyenne. Maxime Monfort, à 36 ans, en a encore dans le moteur.
Maxime Monfort, vous avez troqué le vélo contre des godasses de course à pied ?
"Le vélo, je n’en éprouve plus l’envie pour le moment. J’ai bien essayé de remonter sur le vélo de route depuis mon arrêt à Marche début octobre mais je n’ai plus pris de plaisir. J’ai tout connu à vélo, j’ai atteint le top de mes capacités. Mes sensations, sans un entraînement optimalisé, ne seront plus jamais les mêmes et je ne ressens pas le besoin ni l’envie de continuer à rouler en sachant que mon niveau ne fera que diminuer. À l’inverse, en trail, je me découvre et découvre de nouvelles sensations. Je progresse aussi beaucoup car c’est le début. J’y prends vraiment beaucoup de plaisir, ce plaisir que je ne prenais plus à vélo."
Courir, c’est tout nouveau pour vous ou vous le faisiez déjà de temps à autre durant votre carrière ?
"Je courais 3 fois à l’entre-saison, tout au plus. Ce n’était pas interdit mais ce n’était tout simplement pas compatible. En tant que professionnel, je cherchais la performance ultime. Et courir à pied, c’était contre-performant. Qui plus est à vélo, on est des handicapés du sport, vraiment. Le cyclisme est un sport porté, sans le moindre choc et avec un mouvement très cyclique. Avec un minimum de gainage et d’entretien, c’est très sain. Mais dès qu’on quitte le vélo, c’est plus compliqué. Il est très difficile pour le cycliste de sortir de cette case, je le ressens aujourd’hui avec des douleurs un peu partout. (rires) Nous avons peut-être les plus gros moteurs mais au niveau musculaire, on est vraiment mauvais. On ne sait rien faire d’autre que du vélo. Du coup, quand je courais par le passé, j’avais très vite mal. Et j’étais bloqué à 10 km/h. Je devais ménager la monture car ce n’était pas du tout la priorité. Le temps que je m’adapte, il était déjà temps de reprendre l’entraînement sur le vélo. Ici, c’est la première fois où j’ai pu passer ce cap. Les 10 km/h se transforment en 12, puis en 14. Ça commence vraiment à devenir sympa, même si je pense que ce passé de cycliste aura toujours une influence, à tous niveaux, sur ma pratique."
Vous enchaînez les sorties depuis quelques semaines, souvent au-delà des 20 km et sur des terrains techniques. Qu’est-ce qui se cache derrière cette nouvelle pratique sportive ?
"En fait, je ne me suis fixé aucun défi, aucun objectif. Ma fin de carrière a été relativement précipitée, décidée début septembre pour un arrêt le 6 octobre. Tout ce temps-là a été consacré à ma dernière course et tout ce qui a tourné autour. Au lendemain de mon arrêt, je me suis retrouvé sans projet à court terme. Même si je vais assumer un rôle de directeur sportif chez Lotto, c’est la première fois que je me retrouve dans cette situation avec 2-3 mois plus calmes. Je ne savais d’ailleurs pas ce que je voulais faire non plus. Mais très vite j’ai compris que j’avais besoin de faire du sport, de bouger. Comme mon épouse fait de la course à pied et qu’il y a pas mal d’engouement dans la région autour du trail, je l’ai accompagnée quelques fois et j’ai suivi quelques copains. C’est parti comme ça. En fait, j’en ai tout simplement besoin. Pour le plaisir de faire du sport, de me vider la tête…"
On dirait que vous avez déjà pris goût et que ce ne sera pas une pratique passagère. On se trompe ?
"Non, vous avez raison. J’y prends beaucoup de plaisir, ce qui est désormais la priorité pour moi. Donc, je ne pense pas que ce sera passager. En plus, dans mes nouvelles fonctions de directeur sportif, c’est le seul sport que je pourrai faire quand je serai sur les courses. Tôt le matin ou tard le soir, je pourrai toujours enfiler les baskets et aller courir 45 minutes. Ce qui serait impossible avec d’autres sports. Bien sûr, ce ne sera pas possible tous les jours. Et ce n’est d’ailleurs pas ma volonté. La priorité ne sera plus, contrairement à ces 20 dernières années, le sport mais bien mon boulot, qui sera mon gagne-pain. Mais il y a toujours moyen de s’arranger pour courir…"
Mais qu’est-ce que vous plaît dans la course à pied et le trail que vous ne retrouviez pas ou plus dans le vélo ?
"Plusieurs choses, dont certaines qui se partagent avec la pratique du vélo. En course à pied, j’apprécie beaucoup le fait que, comme à vélo, on puisse tout mesurer. Savoir que j’ai progressé sur tel parcours, que j’ai fait autant de dénivelé ou autant de kilomètres, ce sont des choses dont j’ai besoin quand je cours. En tant que sportif pro, j’ai été habitué à tout mesurer et à tout contrôler. C’est quelque chose que j’apprécie. La facilité et l’accessibilité de la discipline me plaisent aussi. Ici, je peux enfiler mes baskets et filer directement dans la forêt. Ce n’était pas aussi facile à vélo. Et puis, il y a la nature. Et dans ma région, je suis gâté. Je fais 10 mètres, j’ouvre la grille de mon jardin et je suis dans la forêt. Il y a des parcours de dingue. Et même en une heure, on peut en prendre plein la figure, ce qui n’était pas non plus le cas à vélo. Enfin, ce monde du trail est très convivial. Il y a de la compétition, mais j’ai l’impression que personne ne se prend la tête. L’après-course est aussi importante que la course, avec les bières spéciales qui vont avec…"
Un argument de poids !
"Oui ! (rires) mais il n’y a pas que la bière. J’ai désormais envie de vivre la fête après le sport. C’est tellement agréable de se donner à fond durant l’effort mais aussi après. Pouvoir débriefer, discuter et rencontrer plein de gens, c’est un côté qui m’attire beaucoup."
Vous parlez cependant de chiffres, de progression, d’entraînement… L’esprit du compétiteur semble manifestement toujours bien ancré en vous…
"Bien sûr, j’ai ça en moi ! Je suis allé courir 2-3 fois avec des potes et j’essaye de voir où j’en suis, de me mesurer à eux. Cette volonté de donner mon maximum est bel et bien toujours là. Après, je reste très humble et je ne veux pas retomber dans ces travers de performance ultime."
Pas question de courir ou de faire des compétitions pour viser la gagne à tout prix ?
"En aucune manière. Oui, je ferai des compétitions, j’en ai d’ailleurs déjà quelques-unes à l’agenda dans la région. Mais c’est sûr et certain que je ne vais pas retomber dans les travers d’une préparation spécifique et tous les sacrifices qui vont avec pour être au top physiquement. Ça, c’est fini pour moi, c’est certain. Par contre, quand je serai au départ, je donnerai le meilleur de moi-même. Mais ceux qui auront envie de se comparer à moi, ce sera une fausse bonne idée, même si je ne pourrai l’éviter. Je n’ai aucune idée si je vaux un top 25 ou un top 5 sur telle ou telle course. Et à vrai dire, je m’en fous. Je veux juste aller à fond, pour moi-même et me faire plaisir."
Reste que vous avez manifestement quelques aptitudes pour le trail…
"Je vois bien que j’arrive à suivre sans trop de difficultés certains amis bien expérimentés et qui se débrouillent pas trop mal lors des courses dans la région. Ça me permet de me jauger et de voir que j’ai manifestement quelques capacités. Mais cela ne veut pas dire pour autant que je veux aller chercher des résultats ou des victoires. Ce n’est plus mon approche du sport."
"Plus mal après un trail qu’à l’issue d’une étape du Tour"
Des difficultés à descendre les escaliers après un entraînement, même Maxime Monfort n’y a pas dérogé à ses débuts.
La pratique du vélo est souvent conseillée aux coureurs amateurs. Et nombreux sont donc ceux à pratiquer ce qu’on appelle dans le jargon de l’entraînement croisé. Les filières sollicitées étant en certains points comparables, rouler permet au coureur à pied de développer son endurance tout en ne sollicitant pas des articulations sensibles à l’accumulation des chocs. Dans une planification intelligente de l’entraînement, cela est souvent source de progression chez le runner. Il n’est donc pas étonnant que Maxime Monfort, à l’instar d’autres cyclistes, affiche une excellente endurance. Reste à son corps à s’habituer aux sollicitations d’une nouvelle discipline exigeante pour l’organisme.
Vous n’avez pas peur de la transition entre le vélo et la course à pied, qui peut être synonyme de blessure ?
"Il faut que je sois prudent, c’est certain. Et je ressens d’ailleurs que cette pratique est beaucoup plus traumatisante que le vélo. Si j’étais toujours coureur cycliste professionnel, il est certain que j’aurais déjà arrêté de courir car je sens que ça tire un peu de partout. (rires) Je vais même actuellement contre mon envie de courir en m’imposant des jours sans course à pied. En vélo, on peut toujours rouler. À part lors de chutes, je n’ai d’ailleurs jamais eu la moindre blessure durant ma carrière. Bien sûr, il y a la fatigue ou un tas de facteurs qui peuvent faire qu’on n’a pas envie de rouler, mais je n’ai jamais eu de problèmes d’articulation ou musculaires qui m’ont empêché de rouler. Ce qui n’est pas le cas en course à pied, ça, je commence à le comprendre…"
Votre corps réagit donc plus actuellement à une sortie de 20 km en mode trail qu’à une étape du Tour de France ?
"Oui, c’est certain. On récupère bien plus vite à vélo. La preuve, sur un grand tour, on enchaîne les étapes trois semaines durant. Musculairement, j’ai encore du chemin à faire pour être un coureur régulier. Au lendemain de mes premières sorties, j’avais vraiment du mal à descendre les escaliers à la sortie du lit. Mais je sens que je progresse car ce n’est plus le cas maintenant. Par contre, les genoux ou les chevilles souffrent beaucoup, même si je n’apprendrai rien aux coureurs en disant cela. Sur le plan cardio-vasculaire, je suis cependant tout à fait à l’aise, même en deçà de mon niveau. C’est clairement un atout que je tire de mon passé de cycliste, tout comme une excellente connaissance de mon corps."
Les exemples de cyclistes qui se sont reconvertis avec un certain succès dans les sports d’endurance sont nombreux. On pense notamment à Laurent Jalabert en triathlon ou encore à John Gadret en trail, lequel a d’ailleurs gagné l’année dernière une course en Belgique. Ce sont des exemples qui vous parlent ?
"Le chemin suivi par Laurent Jalabert, avec des heures et des heures d’entraînement pour être performant en triathlon, je jure que je ne l’emprunterai plus jamais. Je sais ce qu’est le quotidien des triathlètes et je n’en veux pas. Moi ce que je veux, c’est m’amuser et courir 2-3 heures quand j’en ai envie. Peut-être qu’un jour je m’aventurerai sur des formats plus longs mais ce sera des one-shots. Je ne veux plus souffrir dans le sport, c’est une certitude. Si je prends du plaisir dans l’intensité, je m’accrocherai. Mais si je ressens que l’effort devient trop dur ou violent, je lèverai le pied. Place uniquement au plaisir."
Trail et plaisir, ce sont justement deux notions qui vont ensemble. Et il y a des formats ou des destinations qui vous font rêver ?
"J’ai toujours été amoureux de la montagne, pour le vélo mais aussi pour tout ce qui est lié à cet environnement-là. Mon épouse adore ça aussi. On n’a rien de prévu mais c’est sûr qu’on va se laisser tenter prochainement par une aventure. Je ne cherche pas l’extrême ou à faire l’UTMB. Mais un format comme le Marathon du Mont-Blanc, je pense que c’est accessible pour moi. Au-delà, je risque sans doute de me blesser et ça demanderait une préparation spécifique que je ne veux plus faire."
Sa séance préférée ? Technique, dénivelé et découverte
Maxime Monfort n’en est qu’à ses débuts en trail. Des découvertes, en Belgique ou à l’étranger, il en fera encore beaucoup. Attiré par la nature, l’ex-cycliste aux 20 grands tours a déjà une idée bien déterminée de ce qu’il cherche lorsqu’il enfile ses baskets. "J’apprécie beaucoup le dénivelé… même si j’atteins rapidement mes limites actuellement. Mais c’est encore plus vrai lorsqu’il faut descendre." (rires)
Et de prendre un exemple d’une sortie récente qu’il a particulièrement affectionnée : "J’ai fait récemment le tour du lac du barrage de Nisramont, là où habitent mes parents. Paradoxalement, je n’avais jamais fait ça, même en balade en famille. Et c’était… extraordinaire. Un tour de 13-14 km au bord de l’eau, avec des passages techniques et du dénivelé. Je n’ai pas encore une vue d’ensemble sur tout ce qui existe en matière de trail mais, actuellement, c’est vraiment la sortie parfaite à mes yeux. Avec de la découverte et du plaisir."
"Je ne me priverai plus d’une raclette la veille d’une course"
Finis les sacrifices pour briller en sport. Maxime Monfort veut uniquement s’amuser.
Il n’aura fallu attendre que quelques jours entre la retraite des pelotons de Maxime Monfort début octobre et l’entame d’une nouvelle vie sportive active. Certains parleront là d’addiction au sport. Le Nadrinois d’origine préfère parler d’un mode de vie qui lui fait se sentir bien dans sa peau.
"Faire du sport est juste un besoin de bien-être à mon niveau, mais peut-être que cela est vu comme une dépendance pour d’autres."
L’approche du nouveau directeur sportif de l’équipe Lotto a en tout cas bel et bien changé. "Non, je ne veux plus me priver pour le sport. Je ne vais pas ne pas sortir le samedi soir chez des amis parce qu’il y a une course le dimanche. Je l’ai fait pendant 25 ans, c’est terminé ! Idem pour un régime alimentaire spécifique. Si on est invité à manger une raclette, plus de souci. J’accepte le fait d’être moins bien le lendemain."
Sans dénigrer tous ceux qui, sans tutoyer les sommets comme il l’a fait en cyclisme, donnent tout pour atteindre le top de leur potentiel à un niveau amateur. "J’ai vécu le haut niveau, j’ai tout fait pour atteindre le top de mes capacités, le tout un milieu médiatisé internationalement. Je comprends donc tout à fait que beaucoup de traileurs, même amateurs, vivent en respectant une hygiène de vie parfaite pour essayer d’atteindre leur potentiel maximum. Mais moi, j’ai vécu ces sensations. Je n’ai plus besoin ni l’envie de passer à nouveau par ces sacrifices."
"Garder la ligne? Mon épouse veut que je prenne du poids…"
Maxime Monfort, c’est un poids de forme de 68 kilos pour 181 centimètres. Un profil qui lui donne un sérieux atout au moment de s’attaquer à du dénivelé.
Mais s’il court aujourd’hui, ce n’est pas pour garder son poids de forme ou pas peur de perdre la ligne. "Absolument pas. Au contraire car ma femme n’arrête d’ailleurs pas de dire que je suis trop maigre. Mais je ne vais quand même pas faire exprès de grossir. Je vais sans doute me stabiliser à un poids qui me convient, peu importe lequel. Je ne suis d’ailleurs plus monté sur la balance depuis longtemps et c’est quelque chose qui m’importe désormais peu."
Et d’ajouter : "Nous avons une vie sociale assez riche. Je ne me prive de rien mais, par contre, je ne me gave de rien non plus, tout simplement car je n’en ressens pas le besoin. J’ai un mode de vie qui me convient, que je trouve sympa et qui est compatible avec le fait de manger de tout et de boire un verre sans jamais ne devoir en refuser un non plus. Si je prends 3-4 kilos, ce ne sera donc pas un souci. Même mieux sans doute."