Les dérives des applis de running : “elles favorisent le culte de la performance et nous déconnectent de notre corps”
Philippe Godin, professeur de psychologie du sport à l’UCL, met en garde contre les applis de running qui peuvent nous couper de nos ressentis lorsqu’elles sont utilisées de façon frénétique.
- Publié le 05-09-2019 à 06h54
- Mis à jour le 05-09-2019 à 07h33
Philippe Godin, professeur de psychologie du sport à l’UCL, met en garde contre les applis de running qui peuvent nous couper de nos ressentis lorsqu’elles sont utilisées de façon frénétique. Téléphone attaché au bras, montre GPS serrée au poignet, les sportifs (amateurs ou non) courent, pédalent, transpirent désormais high-tech. Les applications coachent leurs utilisateurs et créent toujours plus d’outils pour affiner la mesure des différentes performances.
Et aujourd’hui, elles sont de plus en plus utilisées. D’ailleurs, selon l’enquête réalisée par Garmin, environ 36 % des sportifs belges suivent leurs performances sportives. 38 % le font avec une application sur leur smartphone, tandis que 32 % le font via une montre de sport. Et 23 % des Belges répertorient même ces précieux chiffres dans un carnet. L’analyse de la fréquence cardiaque (54 %) et du nombre de pas (40 %) sont des fonctions particulièrement appréciées par les sportifs. Ce sont surtout les femmes qui trouvent utile de connaître le nombre de calories brûlées.
Si leurs apports ne sont plus à prouver, elles doivent toutefois être utilisées avec parcimonie. "Il ne faut pas tomber dans le culte de la performance, c’est le risque, avertit Philippe Godin, professeur de psychologie du sport à l’UCL. Il faut veiller à ne pas les utiliser en excès, elles ne doivent pas remplacer notre cerveau et nos ressentis. Quand on l’utilise, on pourrait avoir une tendance à ne pas être à l’écoute de son corps, parfois il faut s’écouter quand notre physique est à la peine afin d’éviter de tomber dans une forme de frénésie."
Si le besoin de s’encombrer de son téléphone lors de sa séance de sport fait désormais partie du passé avec le développement des montres connectées, elles ne doivent pas pour autant dicter nos performances. "En cas de surutilisation et donc d’usure, cette addiction peut avoir des conséquences physiques mais aussi psychologiques. Cela peut rendre asocial, isolé et déconnecté de son corps et de ses émotions. L’excès est comme pour tout nuisible, il faut l’utiliser avec intelligence, les technologies ne peuvent pas remplacer nos sensations, les marques doivent faire de la sensibilisation autour de ça et intégrer cette dimension", précise ce spécialiste dans l’encadrement et l’entraînement des sportifs, qui voit parfois des sportifs en burn-out et en état de fatigue générale durant ses consultations, les applis de running ou de sport de manière générale n’y seraient d’ailleurs pas pour rien.
Cependant, bien utilisée, la technologie permet de nous soutenir dans la pratique de notre activité sportive, "et cela reste un élément important qui nous permet de mesurer les résultats, car lorsque nous pouvons faire des progrès et les visualiser, cela nous motive à continuer", conclut-il.