"La performance Kilian Jornet à Sierre-Zinal? C’est de la folie"
Les Belges Caelen et Drion reviennent sur l’exploit de l’Espagnol à Sierre-Zinal.
- Publié le 20-08-2019 à 15h55
- Mis à jour le 20-08-2019 à 15h56
Les Belges Caelen et Drion reviennent sur l’exploit de l’Espagnol à Sierre-Zinal. BOUM. C’est un peu bizarre de commencer un article par ce mot. En majuscules, qui plus est. Mais c’est aussi la représentation la plus adaptée pour relayer l’impact qu’a eu la victoire record de Kilian Jornet lors de Sierre-Zinal 2019 voilà dix jours, soit la course de montagne "mère".
Sierre-Zinal existe depuis 1974. 31 km, 2 100 mètres de D +. Une course qui a un intérêt fort dans la mesure où traileurs et athlètes "piste" peuvent s’exprimer en ayant, sur papier, la même chance de performer.
Le dimanche 11 août dernier, l’Espagnol de 31 ans, figure de proue du trail mondial depuis sa victoire sur l’UTMB 2008 à l’âge de 20 ans, a démoli à coups de foulées véloces tous les paradigmes semblant régir sa discipline. Ce gaillard, élevé dans un refuge des Pyrénées par un père guide de montagne doublé d’un gardien du refuge et par une mère directrice d’école primaire en plus d’être entraîneur de ski de montagne, s’est offert un record incroyable de vitesse deux ans après avoir fait l’Everest sans oxygène deux fois en cinq jours. L’homme que l’on voyait plus sur des formats "100 miles" a battu le record du Néo-Zélandais Jonathan Wyatt datant de 2003. Ce gars, pour ceux qui s’en souviennent, était un vrai cador. Deux fois aux Jeux (sur 5 000 en 96, sur marathon en 2004), six fois champion du monde de course de montagne, 1 h 02’ sur semi-marathon, 2 h 13’ sur marathon (2003) et, peut-être surtout, 27’56’’ sur 10 000 m l’année où il a établi le record battu par Jornet sur Sierre-Zinal (parcours inchangé depuis sa création).
Jornet avait annoncé la couleur bien avant le dernier Nouvel An : 2019 allait être l’année où il allait revenir sur des distances plus courtes. Il allait refaire de la vitesse. Peut-être que le fait de devenir pour la première fois père (depuis le 24 mars dernier, avec la Suédoise Emelie Forsberg, elle-même traileuse du gratin international) l’avait poussé vers des sorties moins chronophages… Et là, boum (bis). Bien vu. Neuvième victoire début juin sur Zegama-Aizkorri en 3 h 53 puis 7e victoire sur Sierre-Zinal en 2 h 25’35, battant le record de Jonathan Wyatt de près de 4 minutes.
L’homme aux 3 victoires sur l’UTMB (4 sur la Hardrock 100, 2 sur la Diagonale des fous…) a retrouvé des jambes de "sprinter des cimes" après avoir recentré son entraînement sur la vitesse pendant près d’un an.
"C’est sans aucun doute l’un de ses plus grands aboutissements", explique le Belge Maximilien Drion (65e de Sierre-Zinal en 2 h 53’27), qui habite la région depuis de nombreuses années. "J’ai l’impression qu’il a un peu préparé cette course comme il s’était préparé pour son expédition dans l’Everest. Il s’est entraîné comme jamais pour réaliser une course incroyable sur Sierre-Zinal. Le temps qu’il a réalisé, personne n’aurait pu l’imaginer. Personnellement, je le voyais bien battre le record de quelques dizaines de secondes, voire d’une minute. Mais de près de 4 minutes, c’est de la folie ! Jonathan Wyatt était un coureur incroyable avec de très belles références à plat, des participations aux JO et qui possède encore de très impressionnants records sur des parcours tels que Neirivue Moléson, Montreux-les-Rochers de Naye, ou le Marathon de la Jungfrau. Pour Jornet, ce qui a changé par rapport à ses autres victoires à Sierre-Zinal, c’est sa stratégie de course. Partir seul depuis le départ est une stratégie qu’il n’a presque jamais adoptée dans sa carrière. Mais c’était la seule envisageable pour battre le record de cette course…"
Florent Caelen , autre Belge présent sur place et 52e en 2 h 49 : 35 (NdlR : place pour lui maintenant à une préparation plus "conforme" aux usages en vue du marathon de Berlin, où il visera le minimum qualificatif pour une deuxième participation aux Jeux olympiques), est également sous le charme de la prestation de l’Espagnol. "Il m’a mis dix minutes dans la vue sur les 7 premiers kilomètres. Fou, même s’il y avait 1 100 mètres de D +", nous explique-t-il. "C’est spécifique, comme effort. Sur marathon, la clé, c’est de courir vite longtemps, en économisant un maximum l’énergie. Sur Sierre-Zinal, vous devez être puissant et avoir la capacité de relancer dès que la pente s’adoucit. Jornet maîtrise cela parfaitement. C’est vraiment impressionnant, ce nouveau record…"