L’incroyable Monsieur Bouin, cet héros de l’histoire de l’athlétisme
Jean Bouin est l’un des plus formidables héros de l’histoire de l’athlétisme. Une biographie passionnante vient de lui être consacrée.
- Publié le 12-06-2019 à 14h37
- Mis à jour le 12-06-2019 à 18h07
Jean Bouin est l’un des plus formidables héros de l’histoire de l’athlétisme. Une biographie passionnante vient de lui être consacrée.Fin septembre 1914. La Première Guerre mondiale fait rage. Tous les jeunes gens en âge de combattre sont mobilisés. Parmi eux se trouve Jean Bouin même si, à l’époque, il fait partie des meilleurs coureurs de la planète. Au cours des dix années précédentes, il a participé à 210 courses. Il en a gagné 182 ! En France, on le vénère à l’égal du boxeur Georges Carpentier ou du cycliste Octave Lapize : deux autres champions que leur immense notoriété n’a pas non plus dispensés de servir sous les drapeaux. Il est probable qu’aujourd’hui, dans la même situation, nos sportifs soient exemptés. Au siècle passé, non ! Tout le monde devait se battre. Beaucoup n’en reviendront pas.
L’homme de tous les talents
Dans le Zatopek actuellement en kiosque, on découvre la vie de cet extraordinaire bonhomme qui s’était fixé pour règle d’être exemplaire en tout. Qu’il s’agisse de sport, d’alimentation ou de patriotisme. Pas question de se déballonner en temps de guerre. Une rumeur veut même qu’il ait refusé un poste de "planqué" dans les lignes arrière pour intégrer les "corps francs" (ancêtre des commandos) : des soldats que l’on chargeait de missions les plus dangereuses comme d’acheminer des messages en se faufilant à travers les lignes ennemies. Ses extraordinaires facultés d’endurance ont sans doute compté dans cette désignation, les états-majors cherchant toujours à exploiter les talents des soldats qu’on leur confiait. Des joueurs de pelote basque ont même été utilisés pour lancer plus loin des grenades avec leur chistera.
Dans le cas de Jean Bouin, la guerre n’a malheureusement pas duré. Il décède au bout de deux mois de conflit dans des circonstances qui restent floues. Ses biographes disent qu’il est mort de façon glorieuse en chargeant les lignes ennemies et en criant "vive la France !". Plus vraisemblablement, il a été victime d’une erreur de l’artillerie française, ce que l’on appelle ironiquement des "tirs amis".
La preuve par trois
La guerre a besoin de héros : l’image de thuriféraire de ce champion aura un impact énorme sur la société de l’époque. Les circonstances tragiques de sa disparition ne sont pas les seules raisons pour lesquelles Jean Bouin est entré dans l’Histoire. Nous en avons identifié trois autres.
La première, c’est qu’il était beau ! Enfin, beau, selon les critères de l’époque évidemment. Jean Bouin n’est pas très grand mais robuste. Il mesurait 1,67 mètre, comme le marathonien kényan Eliud Kipchoge aujourd’hui. Et il pesait 10 kilos de plus : 65 kilos contre 55 ! Ce surpoids par rapport aux standards actuels du métier le pénalisait sans doute dans les courses de fond. Mais il lui permettait d’exceller dans d’autres disciplines comme la natation, le football, l’escrime et le vélo. On parle évidemment d’une époque où les gabarits n’ont pas encore été totalement formatés par l’activité sportive.
La deuxième raison de la gloire posthume de Jean Bouin est propre au personnage lui-même et à la passion qu’il mettait dans chaque chose. L’entraînement, par exemple. L’attention qu’il prêtait à bien se préparer en fait un précurseur d’une nouvelle génération de champions nettement plus investis dans leur domaine d’excellence que leurs prédécesseurs.
Enfin, une troisième raison explique cette gloire. Il se trouve que Jean Bouin a le sens de la mise en scène, le sens du "buzz" dirait-on aujourd’hui. Ce talent lui avait notamment permis de se faire engager comme chroniqueur au journal Le Petit Provençal et donc de financer sa participation aux compétitions puisque, rappelons-le, les règles de l’amateurisme interdisaient à quiconque de gagner de l’argent dans les compétitions. Quand il ne courait pas, il pigeait pour les journaux et, à ce titre, il lui arrivait de relater ses propres exploits. Une position bien pratique pour qui veut se construire une légende. "On n’est jamais si bien servi que par soi-même", dit un adage que Jean Bouin devait avoir bien en tête.
Jean Bouin, par Bernard Maccario, Éditions Chistera.